Le Rétrofit ou comment transformer sa voiture ancienne en électrique

Souvent considérée comme un caprice de collectionneur, l'électrification des anciennes voitures a le vent en poupe. Une pratique qui s'étend aux marques de prestige comme Rolls-Royce et Aston Martin. 

par laurent zilli. Photos : photonews, D.R. |

À l’heure où l’on sent poindre l’interdiction pure et simple des moteurs à essence ou au diesel, se pose la question : les voitures anciennes seront-elles condamnées à la casse ? Pas forcément, car bien qu’elle soit discrètement apparue il y a une demi-douzaine d’années, l’électrification des voitures anciennes prend ses marques, faisant fi des protestations des puristes. La voiture électrique pèche souvent par son manque d’autonomie, or l’usage même des anciennes voitures ne nécessite pas une autonomie excessive : on ne sort souvent une ancienne que le week-end, pour une balade de quelques heures tout au plus.

L’électrification d’un ancêtre rendrait donc votre acquisition plus fiable et plus facile d’entretien. Au-delà des pièces de collection inestimables, qu’on évitera toujours de transformer, de plus en plus de start-up déjà actives dans le domaine électrifient des voitures plus récentes, appelées aussi les “youngtimers”. Permettant à certains de s’offrir la vieille voiture de leurs rêves sans être forcément bricoleur. Équiper de jolies carrosseries old school d’un moteur électrique, par définition fiable et sans entretien, c’est s’offrir le plaisir de l’esthétique vintage, celui des sièges et des intérieurs rétro, celui d’une direction et d’un comportement routier à l’ancienne tout en y ajoutant le plaisir de la performance. Car il est établi qu’un moteur électrique sera plus vif que n’importe quel vieux moteur de puissance égale. Enfin, certains argumentent qu’une voiture évoluant sans autre bruit que celui du vent, qui s’engouffre par la vitre ouverte sur un beau soleil de printemps, c’est aussi un plaisir.

Un marché de spécialistes

Une rapide recherche sur le net permet de trouver de nombreuses entreprises proposant la conversion électrique d’anciennes voitures, pour des sommes allant de 5 000 à 40 000 €. Dans la plupart des cas, ces entreprises se spécialisent sur un seul modèle, car en l’état actuel des choses, la principale difficulté n’est pas de changer le moteur, mais d’adapter la forme de la batterie au gabarit du véhicule. On trouve donc des spécialistes de la conversion de 2CV (et dérivés, comme la Méhari par exemple, un marché qui cartonne), de Mini Moke, de Porsche 912 (la 911 “du pauvre” dans les années 60)...

En Belgique, il y a à notre connaissance deux entreprises qui planchent sur le sujet : E-Mobe et Monceau Automobiles, qui se sont toutes deux spécialisées dans la Mercedes SL des années 80. Un modèle plein de charme encore largement disponible sur le marché. Autre exemple de voiture populaire qui ne perd pas grand-chose à être convertie : la VW Coccinelle, la vraie, celle des années 50 à 80.

Ci-dessus, la Coccinelle se meut désormais aussi à l’électricité.

En Allemagne, une entreprise a conçu un kit complet de conversion, du moteur aux batteries en passant par le renforcement du châssis et des freins. Sont aussi possibles des modernisations de confort, comme l’adoption d’une boîte auto, et le montage d’un système multimédia digne de ce nom dans un tableau de bord redessiné. Ainsi naît la e-Cox. Nous l’avons essayée récemment dans les rues de Bruxelles, sur invitation de DRM-eClassics, qui a obtenu les droits de distribution en Belgique. L’expérience nous a convaincus, car entre les sensations de conduite à l’ancienne et le confort, les performances et le silence de l’électricité, c’est vraiment le meilleur de deux mondes. Et on peut se l’offrir dès à présent. Cela dit, la e-Cox n’était pas notre première expérience. Car il y a quelques mois, c’est carrément un constructeur qui nous avait fait essayer la conversion, réalisée en usine, d’une de ses icônes des années 70. Il s’agissait d’une Opel Manta, rebaptisée Manta ElektroMod.

Ci-dessus, la Manta GSE ElektroMOD d'Opel ou comment rajeunir son image en honorant le passé !

Et là, c’était particulièrement authentique. Car outre le moteur d’origine (qui n’était pas particulièrement mélodieux à l’époque, donc on n’y perd rien), tout est conservé. Le look est un peu retouché il est vrai, l’intérieur, la boîte de vitesses, l’embrayage. On a le choix : soit laisser la troisième sans plus rien toucher et conduire toute la journée en mode auto, soit jouer des pédales et des vitesses sur une petite route de campagne. C’est juste... parfait. Le but de cet exercice de style ? Opel est bel et bien en train d’étudier la possibilité de commercialiser ses propres kits de conversion, pour ses propres modèles historiques. À suivre...

Très haut de gamme

Enfin, preuve que le concept de conversion a de l’avenir, des acteurs très haut de gamme sont entrés dans la danse. Exemple avec l’entreprise britannique Lunaz, dont l’un des actionnaires, pour l’anecdote, n’est autre que la légende du foot David Beckham. Clairement, Lunaz n’a pas peur du sacrilège, car les modèles convertis sont d’anciennes Rolls-Royce, Jaguar ou l’Aston Martin DB6.

L’électrification touche de plus en plus de voitures haut de gamme comme Rolls-Royce, Porsche ou Aston Martin.

Oui, celle de James Bond. Fabriquée en 1965 et 1971, l’Aston Martin est une voiture ancienne très prisée des collectionneurs fortunés qui apprécient sa ligne sculpturale et les performances de son moteur de 4 litres de cylindrée développant quelque 282 ch. Cette merveille a troqué son sublime moteur 6 cylindres contre un groupe propulseur électrique : une motorisation zéro émission dotée de batteries d’une capacité de 80 à 120 kWh pour une autonomie maximale de 410 km. Ici, entre la greffe du moteur électrique, celle des batteries, une restauration éventuelle de la voiture et quelques touches de modernisation, la facture peut aisément atteindre 800 000 €. Lunaz s’est imposé comme le principal créateur de voitures classiques électriques. Basée à Silverstone, en Angleterre, l’entreprise annonçait en août dernier le début de la production des premières Rolls-Royce électrifiées dans son portefeuille.

Chez Lunaz, on se dit prêt à électrifier les voitures les plus luxueuses de l’Histoire, dont les Rolls-Royce.

David Lorenz, fondateur de Lunaz, a déclaré : Le moment est venu pour une Rolls-Royce électrique. Nous répondons au besoin de marier un design classique avec la convivialité, la fiabilité et la durabilité d’un groupe motopropulseur électrique. Plus que jamais, nous répondons à la demande pour électrifier les voitures les plus belles et les plus luxueuses de l’Histoire. Nous sommes fiers de rendre une Rolls-Royce classique pertinente pour une nouvelle génération. Les prix d’une Rolls-Royce Silver Cloud de Lunaz commencent à 350 000 £ (hors taxes locales), soit 420 000 €. Le prix d’une Rolls-Royce Phantom by Lunaz commence aux environs de 600 000 €. Une Rolls-Royce Phantom V de 1961 a été présentée, suite au processus de restauration de base et d’incorporation du groupe motopropulseur électrique, avec évidemment la mise à niveau matérielle et logicielle. Une première vague de production limitée à 30 véhicules, déjà sold out, preuve de la forte augmentation de la demande pour l’électrification des voitures classiques les plus exclusives. Pour répondre à cette demande, Lunaz a d’ailleurs dû doubler les effectifs de son centre technique... Petit marché anecdotique, la conversion électrique de voitures de collection ? Pas vraiment !

A quand une loi ? 

Un seul problème dans tout ça : le flou juridique en Belgique. Alors que la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas ont instauré le contrôle technique spécifique pour faire homologuer une voiture ancienne convertie à l’électricité, chez nous, cela tient encore du casse-tête administratif. Les parlementaires wallons parlementent. La Flandre a déjà commencé à simplifier les choses et Bruxelles est à la traîne... En attendant que se mette en place un cadre juridique pour faire décoller ce qui devrait représenter un véritable marché potentiel, avec ce que cela signifie en matière d’emploi, il reste une astuce pour les plus déterminés : faire homologuer votre ancêtre électrifié dans un pays où c’est organisé, et profiter du fait que cette homologation soit valable dans toute l’Union Européenne pour l’utiliser sur les routes belges.

Plus d'infos en quelques clics

La VW Coccinelle a droit à sa conversion électrique. Elle est depuis peu disponible à la commande chez nous via drm-eclassics.be. Quelle ironie de voir la Mercedes SL de Bobby Ewing, prince du pétrole, convertie à l’électricité. Deux entreprises belges s’y intéressent : monceau-automobiles.com et emobe.eu. La Mini Moke peut à présent arpenter les bords de mer sans le moindre bruit ni fumée avec nosmoke.fr et mokeinternational.com. Pour des Rolls, Jaguar & Aston Martin classiques converties à l’électricité, rendez-vous chez lunaz.design. Comme une 911 mais sans le légendaire moteur Flat 6, la Porsche 912 électrifiée est à découvrir sur schmidt-oss.com/blitz.

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