Paris : les grands classiques valent-ils le coup ?

Les hauts lieux du tourisme parisien continuent de faire le plein. Mais méritent-ils vraiment qu’on fasse la queue pour leurs beaux yeux... et pour ceux de nos amis Facebook ?

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. |

1. La Tour Eiffel

L'image qu'on en a. Celle d'un monument qui aurait pu etre belge tellement son histoire est surrealiste. Construite a l'occasion de l'Exposition Universelle de 1889, la tour de Gustave Eiffel aurait du etre demontee au bout de quelques annees. Paris l'a finalement gardee. 130 ans plus tard, elle est encore son symbole le plus fort. Mais, soyons pragmatiques, avec ses sept millions de touristes chaque annee, la tour la plus visitee du monde est synonyme de temps d'attente interminables qui decouragerait le plus patient des touristes. Reste a savoir si la Dame de Fer est vraiment un passage oblige. Pas forcement. Car comme toutes les autres constructions elevees, quand on y est, on ne la voit plus. Seule option, si vous avez le budget (environ 350 EU par personne), reservez un dejeuner au Jules Verne, la table etoilee du deuxieme etage de la tour. La vue, l'experience gastronomique et le temps d'attente reduit a zero constituent de solides arguments en faveur de l'enseigne.

      Du coup, on y va ou pas? Non... Meme si vous aviez envisage une demande en mariage a 324 metres d'altitude. Il y a en effet une foule de bons plans pour profiter de la hauteur pour voir Paris autrement. Premiere option : la Tour Montparnasse qui ne presente absolument aucun interet, si ce n'est d'accueillir Le Ciel de Paris, son restaurant panoramique. Reservez une table pres de la fenetre. Et si vous n'en obtenez pas, privilegiez le second service, trainez un peu et faites un beau sourire au Monsieur pour qu'il vous deplace au moment du cafe. Variante : les Ombres, le restaurant du Quai Branly qui, en bonus, vous permet de faire un joli double en decouvrant le musee des Arts Premiers dont il fait partie.

      Autre suggestion, une soiree a bord du Don Juan II. Oubliez tout ce que vous croyez savoir des balades sur la Seine. Celle-ci est tout autre. Parce que ce bateau n'accueille qu'un petit nombre de personnes et que le service est ultra- personnalise, l'experience est exceptionnelle a tous points de vue. Le moment phare de la soiree reste evidemment l'arrivee, pile apres le plat principal, devant la Tour Eiffel qui semble ne scintiller que pour vous. Derniere idee : a droite de l'entree du Palais de Tokyo (l'un des musees les plus branches de Paris qui accueille, depuis peu, Les Grands Verres, un resto a l'approche durable), la vue sur la tour est parfaite et... gratuite, le scintillement inclus.

      www.donjuan2.yachtsdeparis.fr I www.lesombres-restaurant.com I www.cieldeparis.com I www.palaisdetokyo.com

      Thalys relie Bruxelles a Paris en 1 h 22 jusqu'a 25 fois par jour. Billet aller a partir de 29 EU en classe standard.

      2. Montmartre

        L'image qu'on en a. Celle d'une basilique, le Sacre-Coeur, sorte de grosse piece montee en sucre glace qui ne presente pas beaucoup d'interet architectural. Pas plus que la Place du Tertre et ses pros de la caricature qui ne font plus vraiment rire personne. La Butte, ce sont aussi de petites ruelles escarpees, une eglise romane et quelques grands classiques : le cabaret Au Lapin Agile, la Vigne de Paris (oui, on y fait du vin), le Moulin de la Galette et... la maison de Dalida. En bas de la Butte, il y a les cabarets -- dont le Moulin Rouge -- et des bars un peu chauds. Depuis Jean-Pierre Jeunet qui, il est vrai, etait parvenu a sublimer le quartier au travers du personnage d'Amelie Poulain dans son film culte sorti en 2001, le souffle est un peu retombe. Les accros au Nikon apprecient evidemment ce qui reste le point culminant de la capitale (130 metres tout de meme). Mais ca marche aussi avec un smartphone.

          Du coup,on y va ou pas? Oui si vous aimez les cliches ou... si vous etes prets a changer un peu vos plans. Au lieu de descendre a la station Abbesses (sur la ligne 12), visez plutot Pigalle. SoPi -- l'acronyme qui designe le quartier parisien du sud de Pigalle -- est le nouveau hotspot de la capitale. "Le 9", c'est une brochette d'adresses en vue : l'Hotel Amour, un lieu frequente par une armada de gens cool venus en scooters, mais aussi Pink Mamma, l'enseigne phare du groupe Big Mamma, dont les restaurants a la deco demente ne desemplissent pas, le Bouillon Pigalle, un bistro "dans son jus" qui ne prend pas de reservation, comme presque toutes les enseignes du quartier. La rancon de la gloire. SoPi, c'est un quartier qui cultive son cote sulfureux. Allez-y donc plutot le soir lorsque les enseignes des bars (encore en activite ou transformes en hotels et restos) sont allumees : le Lipstick Club, Lafoule, chez Moune, Glass... SoPi a meme son Grand Pigalle Hotel inspire du Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Emblematique du renouveau de South Pigalle ,il compte 37 chambres, dont une justement baptisee SoPi et un bar/resto ou l'on s'attable pres de la fenetre pour regarder les bobos passer. On y mange les petits plats du chef Giovanni Passerini en se mettant un morceau vintage ou faussement retro de Jo Wedin & Jean Felzine ou de Jeanne Moreau danslesoreilles.Fans d'eclectisme ? Vous avez trouve votre nouveau paradis.

          www.grandpigalle.com, www.bouillonpigalle.com, www.bigmammagroup.com, www.hotelamourparis.fr

          3. Les champs Elysees

            L'image qu'on en a. Ligne 1, station Franklin Roosevelt. Lorsque vous sortez de la bouche de metro, vous etes au coeur des Champs. Ceux de Joe Dassin ? Bof, pas tout a fait. Parce qu'entre 1969, annees de la sortie de ce tube planetaire, et aujourd'hui, il s'en est passe des trucs entre l'arc de Triomphe et la place de la Concorde. Au fil des annees, la tres chic avenue du 8e arrondissement s'est transformee en une sorte de piege a touristes geant. Face a vous : une boutique Disney. Juste a cote : une sandwicherie. Un peu plus loin, une brochette d'enseignes de fast fashion.

            Le samedi et le dimanche apres- midi, les trottoirs pleins a craquer ne sont plus ni chics, ni typiques. De l'autre cote de l'avenue, vous trouvez une bonbonniere Laduree devant lequel des dizaines d'Americains font la queue. Tout ca pour avoir l'immense privilege, au bout d'une demi-heure d'attente, de s'asseoir dans une salle vert pastel bondee. Alors oui, "Il y a tout ce que vous voulez aux Champs Elysees" sauf, peut-etre le reve que vous seriez venus y chercher. Sorry, Joe.

              Du coup, on y va ou pas? Oui, si vous avez le don d'occulter le moche pour ne voir que le beau. Ou que vous savez pousser les bonnes portes. Celles de la boutique et du spa Guerlain, par exemple. C'est un lieu sublime dessine par l'architecte du Ritz et a nouveau inaugure il y a cinq ans apres un lifting opere dans les regles de l'art. Parmi les autres adresses phares de l'avenue, Le Fouquet's figure evidemment en bonne place. Renove l'an dernier, cet incontournable de la vie parisienne donne dans le name dropping : celui du decorateur Jacques Garcia qui a signe la decoration de l'hotel, du sublime spa aux airs de salon bourgeois et de la brasserie decoree dans une dominante de velours rouge. Celui du chef Pierre Gagnaire a qui l'on a confie la carte (classique et efficace, dans l'esprit brasserie chic) de ce lieu qui a vu defiler actrices, chanteurs et politiciens et qui figure a l'inventaire des monuments historiques depuis 1990.

              A noter aussi, un peu plus loin, le toujours tres cool Drugstore Publicis, une enseigne food (qui accueille un cinema) ouverte tous les jours jusqu'a 2 h. L'an dernier, 60 ans apres sa creation, il s'est meme refait une petite beaute. Un lifting signe par le designer Tom Dixon. Un autre nom signe la carte de l'Atelier Etoile : Joel Robuchon. Cela prouve qu'il suffit parfois d'une poignee de "maitres a buzzer" pour transcender l'image populaire d'un quartier.

              guerlain.com, hotelsbarriere.com, publicisdrugstore.com.

              4. Saint-Germain-des-Pres 

                L'image qu'on en a. Celle d'un quartier arty et boheme, autrefois frequente par des ecrivains, des chanteurs et des intellos (Vian, Sartre, Beauvoir, Prevert, Greco...). Ce sont eux qui ont donne son ame a Saint- Germain-des-Pres. Le 6e arrondissement, c'est l'esprit Rive Gauche et le berceau du pret-a-porter dans les annees 60 grace notamment a Saint Laurent et Rykiel. Ce sont des librairies mythiques, dont certaines ont ferme leurs portes pour laisser place a des enseignes de luxe comme Louis Vuitton, dont l'une des boutiques parisiennes est implantee dans le siege historique de La Hune. L'ancienne piscine Lutetia de style Art deco abrite, elle, le navire amiral d'Hermes. Aujourd'hui, les intellos sont toujours la, mais ils ne sont pas seuls. Ils ont ete rejoints par les touristes et les cadres des entreprises de luxe implantees dans le quartier. Tout ce petit monde boit des cafes (hors de prix) au Flore, non plus en refaisant le monde mais en planchant sur des concepts marketing pointus.

                  Du coup, on y va ou pas ? Oui, si vous aimez le neoluxe et les enseignes qui reinventent la boheme parisienne version chic. En juillet dernier, le mythique hotel Lutetia, renove par l'architecte star Jean-Michel Wilmotte, rouvrait apres quatre annees de travaux. Son credo : incarner l'esprit Rive Gauche et se positionner comme l'hotel des Parisiens. Dans le bar Josephine, la fresque historique (un petit bijou Art Nouveau) est a nouveau visible. On y ecoute du jazz en sirotant des cocktails dans un esprit cool, sans volonte de se faire voir. Pour assoir encore davantage la vocation culturelle et patrimoniale de l'hotel, la coupole redecouverte du Saint-Germain, le restaurant du Lutetia, a ete decoree d'une aquarelle coloree et tres funky par le plasticien Fabrice Hybert.

                  Dans la meme veine, le Bon marche (situe a deux minutes a pied) s'affiche comme le grand magasin des Parisiens (ou des touristes inities). Bien que decriees par les intellos premiere generation, les boutiques du quartier contrastent avec celles d'autres quartiers chics. Un exemple : Buly, une marque de cosmetiques de niche implantee dans une ancienne officine du XVIIIe siecle de la rue Bonaparte, une rue riche en galeries regroupee sous le label Carre Rive Gauche, mais aussi une patisserie Laduree ou la, pour le coup, on ne se bouscule pas. Du cote des grands classiques, le cafe-restaurant Les Deux Magots (une institution parisienne) cultive son mythe. Forcement un tantinet blases (ca fait partie du concept), les garcons de la Brasserie de la place Saint-Germain sont passes maitres dans l'art d'immortaliser en photo les bandes de petites Japonaises en goguette. On est loin de Verlaine et Rimbaud, mais on y croise tout de meme des Parisiens (encore plus blases que les serveurs, ca fait aussi partie du concept). Si vous aimez "en etre", allez-y. Si vous detestez dejeuner dans un monument historique, dans ce cas...

                  www.hotellutetia.com, www.buly1803.com, www.lesdeuxmagots.fr, www.carrerivegauche.com

                  Les galeries Lafayette et le Printemps

                    L'image qu'on en a. Vous etes-vous deja balades aux Galerie Lafayette le dimanche apres-midi depuis que le grand magasin le plus celebre au monde est ouvert sept jours sur sept ? Voici le topo : partout, on fait la queue et les vendeuses forcement trilingues (francais/anglais/japonais) ne vous calculent pas. A cote, au Printemps, l'autre temple du shopping parisien transforme l'an dernier, c'est a peu pres pareil. Ce n'est pourtant pas faute, pour ces enseignes, de cultiver leur heritage et de multiplier les rendez- vous et les initiatives en tous genres, que ce soit avec un rooftop branche ou un sublime sapin sous la coupole (qui, elle, vaut vraiment le coup d'oeil) aux Galeries. Au Printemps, un nouvel espace hommes, ainsi qu'un autre entierement dedie a la maison, sur trois niveaux.

                    Confie a la decoratrice Sarah Lavoine, l'amenagement a ete pense dans un esprit haussmannien cense torpiller les critiques des blases qui ne voient plus vraiment grand-chose de tres parisien sur le Boulevard Haussmann. 

                      Du coup, on y va ou pas? A notre avis, oui. Si vous evitez les dimanches, les conges scolaires et les periodes de fete. Bref, c'est loin d'etre gagne. Pourtant, en creusant un peu, on trouve tout de meme de tres bonnes raisons de continuer a frequenter ces institutions. La plus actuelle et branchee, c'est Galerie Lafayette Anticipations. Inauguree au printemps dernier rue du Platre dans le Marais, cette fondation pour l'Art contemporain installee dans un batiment rehabilite par l'architecte star Rem Koolhaas, elle a pour objectif de soutenir la jeune creation au travers de rendez-vous, au rez-de-chaussee de la Fondation, la cantine/ Juice Bar de Wild & the Moon, dont la carte bio, vegan, sans gluten et de saison justifierait presque a elle seule le deplacement. Et dans le pack "lots de consolation", puisque vous n'avez pas pu rentrer chez Louis Vuitton, la fondation de Monsieur Arnault inauguree en 2014 dans le 16e arrondissement est sans conteste l'un des projets les plus excitants a vivre dans la capitale en ce moment.

                      www.lafayetteanticipations.com, www.wildandthemoon.com,

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