Pourquoi la cuisine italienne est-elle considérée comme la meilleure du monde ?

Simone Zanoni, le chef de chez George, l’italien étoilé du George V à Paris, et star des réseaux sociaux, nous explique en quoi la cuisine italienne se distingue des autres, et son secret pour mettre tout le monde d’accord.

Sigrid Descamps, Photos D.R. |

Chef étoilé d’un palace parisien, il est aussi devenu star du web, où ses vidéos ludiques et son concept de Bomba Atomica cartonnent, le chef italien multiplie les activités. Nous l’avons croisé dans les coulisses de Tomorrowland.

Photo Georges V / Copyright Jean-Claude Amiel

Est-ce important pour un chef de sortir de sa cuisine ?

J’aime être dans ma cuisine. Je n’aime pas multiplier les adresses ; cela implique de s’occuper de tellement de choses que l’on s’éloigne de l’opérationnel. J’ai besoin de cuisiner, d’avoir mon repaire, mais j’aime sortir de temps en temps de ma « zone de confort » au propre et au figuré. Ce qui n’est pas simple ; un chef est très méthodique, il a ses recettes, ses produits, ses cuissons… Devoir sortir des plats dans un autre environnement que le sien en conservant son niveau de qualité, c’est un challenge intéressant !

En vidéo, la recette des Bucatini all'amatriciano du chef Filippo La Vecchia :

Depuis vos débuts, le métier ou plutôt l’image du métier a changé. Quel regard portez-vous sur cette évolution ?
Elle est liée à celle de la société. De tout temps, la restauration en a été un reflet direct. Et oui, le métier a changé… La façon dont je forme mon équipe par exemple, dont je la dirige, n’a rien à voir avec ce que j’ai connu lorsque j’étais jeune. Sur le plan social et humain, si on gérait les restaurants comme on le faisait quand j’avais vingt ans, il n’y aurait plus grand-monde en cuisine ! Aujourd’hui, les gens du milieu, jeunes comme vieux, veulent une autre vie à côté du boulot. Avant, on se dédiait à son travail. Moi-même, pendant une dizaine d’années, je ne pensais qu’au boulot. On ne veut plus de ces sacrifices. Je veux passer du temps avec ma femme et mes enfants, avoir du temps pour moi... On recrute et on dirige donc différemment, on met en place des actions sur plusieurs niveaux… Cela un univers attirant. Dur, avec des challenges, de la pression… mais fabuleux !

En parlant de challenge… La pandémie a marqué un tournant pour de nombreux chefs. Vous, vous en avez profité pour vous lancer à fond sur les réseaux sociaux !
Je dois une large partie de ma popularité aux réseaux sociaux. Mais attention, je ne me considère pas comme une célébrité (rires) ! Durant le confinement, j’ai voulu continuer à vivre de ma cuisine alors que mon outil de travail m’avait été enlevé. On a réfléchi en famille à une façon de continuer à bosser en s’amusant. Après tout, tout le monde était chez soi, on pouvait tous cuisiner, certains s’y sont même mis (rires). D’où l’idée de réaliser des vidéos de recettes faciles à faire chez soi avec les enfants… Au début, on était suivis par un millier de personnes ; puis, ça a explosé (le chef compte plus de 300 000 abonnés sur Instagram, NDLR), avec des vues qui dépassent parfois les 8 millions. On a créé une communauté de gourmands, qui ont envie de bien manger, de préparer des plats en famille. Cela a également généré un univers parallèle à celui du restaurant : j’officie toujours au George et à côté, on gère une société, qui fait des ateliers, publie des livres, vend des produits. L’aventure est belle et remplie de défis, j’adore ça !

La famille, c’est primordial pour vous !
On parle souvent des effets négatifs de la pandémie, mais on oublie qu’elle a également renforcé des liens. Libérés de la frénésie du boulot, on a été nombreux à pouvoir enfin profiter de nos proches.

La famille est aussi un élément primordial de la cuisine italienne, non ?
Ca l’a été chez moi. Dans ma famille, même si mes parents et grands-parents n’étaient pas restaurateurs, il a toujours été important de manger sainement. Nous étions cinq enfants, mon père produisait sa viande et ses légumes, par économie et parce que c’était meilleur. J’ai grandi avec cette valorisation du produit. Piano, piano, je me suis mis à cuisiner, à faire du pain, à travailler le cochon… A 14 ans, mon père m’a envoyé travailler dans des restaurants du lac de Garde. A 18 ans, je suis parti à Londres, où j’ai senti que je devais aller un cran plus loin dans l’apprentissage. J’ai travaillé avec Gordon Ramsay et découvert le travail en brigade avec plus de 20 personnes, des horaires de dingue, la technicité, la précision… C’était ça que je voulais faire ! Pendant des années, j’ai travaillé dans des restaurants étoilés, j’ai eu moi-même un resto deux étoiles. A 40 ans, j’ai voulu revenir à mes racines, à d’autres valeurs. J’essaie d’associer la technique avec la cuisine du cœur, avec les goûts et souvenirs de mon enfance : le café de la nonna, la sauce tomate de la mamma…

Comment décririez-vous votre approche ?
J’ai toujours été mû par l’envie de faire plaisir aux gens. Ma cuisine revêt une partie technique, mais elle est toujours au service du goût. Je veux « frapper » les gens avec des saveurs, pas avec une mise en scène.  En cela, ma cuisine est très italienne : je suis un adepte de la simplicité, mais avec des goûts marqués, qui vont créer des souvenirs ! On peut composer une assiette magnifique, si elle n’a pas d’histoire, ne crée pas de souvenirs, elle n’a pas d’intérêt !

La force de la cuisine italienne, ce sont justement les souvenirs et émotions qu’elle génère ?
La cuisine, c’est un moment social. Manger, c’est un acte basique : on cuisine pour se nourrir, on mange pour vivre.  Les Latins ont ajouté la touche sociale : on s’attable pour passer du temps ensemble. La cuisine italienne est propice à créer une atmosphère, grâce à sa simplicité et aussi, à tout ce qu’elle véhicule. Elle a ainsi été magnifiée par le cinéma et est devenue indissociable de la dolce vita. Dans les films italiens ou américains représentant des Italiens, la nourriture a une place importante, aussi bien les belles femmes élégantes que les gangsters mangent dans une scène ou l’autre.

Alors qu’on vante sa simplicité, on parle de plus en plus de haute gastronomie italienne, avec de plus en plus de restaurants étoilés…
Une fois encore, c’est social. Les cuisiniers voyagent de plus en plus et s’inspirent de ce qu’ils voient, apprennent et ramènent tout cela en Italie. La plupart des restaurants trois étoiles en Italie sont tenus par des chefs qui sont passés par des écoles françaises. Bottura par exemple (à la tête de l’Osteria Francescana à Modène, NDLR.) a travaillé en France. Annie Feolde, la cheffe de l’Enoteca Pinchiorri à Florence, est Française. Leur force, c’est de marier les produits italiens et la technicité à la française.

Quelle adresse italienne suscite chez vous des émotions intenses ?
Lido 84 au lac de Garde, du chef Riccardo Camanini, un disciple de Ducasse. L’incarnation parfaite de la cuisine italienne développée avec des produits excellents. C’est une cuisine d’exception, que l’on n’a pas envie de manger tous les jours, mais qui offre une expérience unique.

Pas la vôtre ?
Non, moi, je propose une cuisine que l’on peut savourer chaque jour. J’ai des clients qui viennent s’attabler au George plusieurs fois par semaine. On a une approche très italienne, avec le savoir-faire, l’accueil, la chaleur, qui vont de pair. Les gens se sentent bien chez nous et n’ont pas envie d’aller ailleurs.

Dans un restaurant italien, quel est votre plat de référence ?
Le spaghetti à la sauce tomate, la base. Ca peut être très compliqué à préparer dans les règles de l’art ! C’est d’ailleurs un test que je fais passer aux membres de mon équipe !

Restaurant Le George, Four Seasons Hotel George V, 31 avenue George V, 75008 Paris.
casa-zanoni.com

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