Rencontre avec Gaëlle Garcia Diaz, nouvelle gourou de la cosméto

Après presque un siècle d’hégémonie, les grands groupes de cosmétique doivent aujourd’hui se partager le marché avec de nouveaux acteurs qui montent... Rencontre avec la youtubeuse Gaëlle Garcia Diaz, nouvelle muse de la beauté qui “change le game”.

PAR INGRID VAN LANGHENDONCK. PHOTOS MARINE FERAIN |

Martine, c’est le nom de la marque de cosmétiques de Gaëlle Garcia Diaz ; c’est aussi le nom qu’elle s’attribue et celui qu’elle donne affectueusement à ses millions de fans depuis 2016. La youtubeuse, qui s’est fait connaître par ses crash-tests de cosmétiques et son compte instagram @gaellegd, a fondé sa propre marque de make-up en 2018, avec son humour et son franc-parler, mais aussi une touche perso et une farouche volonté de sortir des produits irréprochables. Alors que les palettes font un carton plein dès la première édition, elle lance en 2023 Martine Skin, sa ligne de soins. Des produits tellement clean que même les bébés peuvent y prétendre.

Zoom sur la tendance du hair oiling :

C’est à Paris que nous la retrouvons, pour l’inauguration d’un corner au cœur de la Samaritaine. Un événement qui, ce jour-là, attire près de 2 000 personnes, qui se sont déplacées pour la voir. Une file de plus de cent mètres s’étire devant l’entrée, des heures d’attente pour échanger quelques mots et un selfie avec Gaëlle. C’est une dinguerie !, nous lance-t-elle, alors que sa marque caracole au top des ventes depuis trois jours dans le magasin, toutes marques confondues... On a même dégommé Chanel, dit-elle avec les yeux qui brillent. On aime son franc-parler, sa gouaille, sa gentillesse. Elle a ce petit quelque chose qui donne envie de s’en faire une pote.

Blacklistée au début

Quand on lui parle de la genèse de la marque Martine, on réalise que sa créatrice, à 34 ans, a déjà vécu mille vies. Je venais du monde du poker, j’en ai fait pendant sept ans et c’est grâce à cela que j’ai pu me constituer le trésor de guerre qui a rendu tout le reste possible. J’avais commencé à parler de beauté sur YouTube deux ans plus tôt, ce n’était pas très long comme parcours dans ce domaine, mais je suis passionnée de make-up depuis toute petite : comme toutes les gosses, je volais le mascara et le rouge à lèvres de ma mère...

Las, dans la vraie vie, le créneau de la beauté est saturé sur les réseaux sociaux. Peu importe, Gaëlle refuse de rentrer dans le moule : Au début, avec les marques, ça s’est très mal passé car c’est un monde extrêmement lissé. Les youtubeuses beauté représentent un marché énorme et les influenceuses qui reçoivent plein de produits redoutent de ne plus en recevoir, elles chercheront donc toujours quelque chose de positif à redire sur les produits. Ce n’était pas mon cas, je ne recevais rien du tout, j’étais blacklistée d’emblée. Probablement parce qu’au départ, le personnage de Martine était perçu par les marques comme vulgaire, trop premier degré... Je suis comme la super copine qui parle mal, qui fait des blagues, mais je suis en totale sincérité avec ma communauté. C’était bien plus simple pour moi, j’étais une consommatrice lambda, donc je disais à mes followers : On est dans le même bateau, meuf, moi aussi je paie, donc je te dis tout ! Ce côté nature, ce contrat de confiance avec mon audience, c’est devenu ma signature !

Les astres alignés

Des vidéos à sa propre marque, il y avait quand même un sacré pas à franchir. Pour Gaëlle, tout est parti d’une rencontre : Un jour, je reçois un mail de Fanny Kielbaey, d’une entreprise belge qui produit du ‘white label’, des parfums et produits sans marque, sur commande pour des entreprises ou des hôtels. Ils me proposent de créer mon propre label. Ils ne le savent pas, mais c’est le bon moment par rapport à ma réflexion. Je me suis dit : C’est un signe, les astres sont alignés ; go, je dépose la marque. J’ai eu un coup de foudre professionnel pour ces gens, parce qu’ils ont respecté ma liberté, ma volonté de tout faire par moi-même et m’ont accompagnée, malgré les risques. C’était un pari fou, mais on l’a fait... Et ça a fonctionné ! Ça pouvait flopper aussi, mais quand tu viens du monde du poker comme moi, si tu n’as pas le sens du risque, tu ne joues même pas... (Elle rit).

La réussite, un travail d'équipe

Si parfois elle doute, Gaëlle ne s’excuse jamais de ce succès : C’est très à la mode le syndrome de l’imposture, mais moi, je bosse depuis que j’ai 16 ans. J’ai travaillé dur, même si ma conviction est qu’on n’y arrive pas toute seule. Il faut savoir s’entourer de gens de talent, qui ont envie, et qui font qu’on y arrive ensemble. Je ne mérite pas plus que quelqu’un d’autre tout ce qui m’arrive, mais j’ai les gens que je mérite autour de moi, c’est une évidence ! Sans mes équipes, rien n’est possible. Parfois, c’est vrai, je fuis un peu ce succès, je suis tout le temps dans le mouvement : on a à peine ouvert le corner à Paris que je prévois déjà une réunion pour la suite. On me le reproche – sa make-up artist opine :  ̋Elle ne profite jamais ! ̋ – mais aujourd’hui, aller à la rencontre des gens, voir qu’il y a des personnes derrière tous ces likes et qu’elles sont formidables, ça m’a permis aussi de me poser un peu et de réaliser combien tout cela est concret. J’ai entendu des filles me dire que mes produits les aidaient à se sentir mieux dans leur peau, c’est inouï ! On ne sauve pas le monde, c’est sûr, mais on amène des petits bonheurs... Cela donne du sens à tout ce que je fais. Gaëlle voit cependant plus loin et se projette encore : Mon défi est de pérenniser la marque. Je voudrais qu’on l‘achète non pas parce qu’elle est associée à mon image, dont les gens se lasseront peut-être un jour, mais parce que ce sont de bons produits. C’est pour cela que je suis moins visible dans la communication des soins que pour le make-up.

Exigeante et intransigeante

Lancer le skincare, c’est une aventure encore plus périlleuse que le make-up ! J’ai bossé avec des chimistes sur les formules, sur la composition, les ingrédients, le packaging... Ça me passionne. J’ai dû tout apprendre. J’ai déposé Martine Skin en 2021, cela a pris du temps parce que le développement est délicat : il y a la fiabilité, la compatibilité, les tests... Je veux être disponible en pharmacie, donc je ne fais pas ce que je veux. Il y a une liste noire très longue de conservateurs douteux, de parfums, d’alcool, d’émulsifiants ou de perturbateurs endocriniens... C’est complétement banni chez Martine Skin, je suis intransigeante sur ce point. Mais aussi, je comprends mieux aujourd’hui pourquoi si peu de marques le font : parce qu’une plus grande naturalité, c’est très cher. C’est fou de se dire que plus un produit est clean, plus il est cher à produire.

Martine Skin était en ligne le 13 janvier 2023 à 12h. En 24h, plusieurs produits étaient déjà sold out. Et pourtant, j’avais créé du stock, je connais les chiffres de vente du make-up, je croyais avoir anticipé pour être à l’aise et, une fois encore, j’ai été prise par surprise. Le Nettoyant et la Grasse Night sont partis en quelques heures, c’est fou. Ma crème de nuit est d’ailleurs devenue un best-seller ; elle est hyper réparatrice ! On peut même la mettre en couche épaisse, en masque. Ce qu’un cocktail d’ingrédients arrive à faire sur la peau, la réparer, c’est impressionnant !

Des produits et des productions

À l’heure de notre rencontre, les préparatifs de la campagne pour la palette Halloween 2023 battent leur plein, l’équipe grouille et la créatrice s’enthousiasme : Avec le make-up, je m’amuse. Je m’inspire de tout ce qui me rend nostalgique. C’est tout un processus. Pour créer une collection, je dois en premier lieu imaginer le thème. Ici, pour la palette Halloween, j’ai eu envie d’un thème sur les requins. J’avais regardé Les Dents de la Mer pour la 243e fois. L’univers de la peur, de l’inconnu, de la profondeur des océans, j’y voyais déjà le potentiel en matière de réalisation et je me disais : On va faire une dinguerie ! Une fois le thème décidé, avec les graphistes, on brainstorme sur l’univers graphique qu’on va développer sur la palette, tout un monde sur un objet de 20 cm. Ensuite, il y a une phase que je réalise seule : je m’enferme à la maison, je travaille la palette, la colorimétrie, je compose mon puzzle. J’ai chez moi une collection de plus de 4 000 fards, des développements de textures et de couleurs, je place tout sur une grande table et c’est parti ! Je veux du bleu, du gris, un bordeaux, je sors tous les fards qui me font kiffer, je retravaille les textures si je veux tel ton en chromé, telle couleur en mat... Car sur une palette il faut de tout, des intenses, des tons plus doux, des irisés...

Vient ensuite la partie harmonie : Avec Sarah Carlier, qui me maquille depuis des années et qui est incroyable pour créer des harmonies, on travaille la mise en place, les nuances de pigments, les fards de transition qui vont venir blender, adoucir un look... Ensemble, on définit l’harmonie finale et ça peut alors partir en production. Mais le secteur est très lent, tout cela met presque un an et demi... Et puis, tu serres les fesses et tu espères que cela fonctionnera (Elle rit).

Une autre phase importante est la communication, la partie la plus créative, celle qui différencie le plus Martine des marques classiques. Mon second grand amour c’est la production, je veux faire vivre les produits dans un univers qui me ressemble. Et pas question de verser dans le premier degré qu’on trouve en général dans le monde de la cosmétique, lisse et ennuyeux, je veux que ça claque. C’est mon côté YouTube, j’imagine. Oui, je mesure ma chance d’avoir la liberté de ne pas me soucier de toutes ces considérations marketing, de penser à n’offusquer personne... Même si je respecte profondément les gens qui me suivent, car ce sont eux qui font vivre cette marque, ce sont eux qui achètent mes produits et je leur dois tout, mais Martine, c’est l’histoire d’une proximité avec eux, tout est lié à notre communauté, je leur dois de rester moi- même, de bousculer les codes, et surtout de ne pas faire comme tout le monde. Au final, dans le monde de la beauté, il y a un océan de marques, des milliers de poissons de toutes les tailles, et moi, je suis Némo (rires).

La campagne pour la collection Halloween est en ligne le 7 octobre, retrouvez le clip sur Instagram : @martinecosmetics

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