Simon Gougnard, l'entrepreneur derrière le hockeyeur

Sportif de haut vol, le hockeyeur, champion olympique, est également un entrepreneur audacieux. Rencontre avec le médaillé d’or à peine quelques jours après son retour de Tokyo.

PAR INGRID VAN LANGHENDONCK. PHOTOS LAETIZIA BAZZONI. PHOTONEWS. |

Le hockey est définitivement le sport à suivre en Belgique. Après la médaille d’argent, ramenée de Rio en 2016, le titre de champions du monde en 2018, et celui de champions d’Europe en 2019, c’est aujourd’hui la médaille d’or que les Red Lions ramènent de Tokyo. Leur milieu de terrain, Simon Gougnard, revient avec nous sur cet exploit. Celui que l’on a surnommé Black Horse, en raison de sa rapidité et de son explosivité sur le terrain explique comment, en quelques années, les hockeyeurs belges ont pu se hisser au sommet de la discipline : "Quand nous nous sommes qualifiés aux Jeux olympiques de Londres, en 2012, j’étais juste content d’être là, de croiser les stars du hockey et de jouer les matches, nous n’avions que le sentiment d’accomplissement d’être aux J.O. Cette fois-ci c’était très différent, nous y allions pour décrocher la médaille d’or, c’était notre objectif et nous étions préparés pour cela."

Comment se sent-on après une telle consécration ?

Parler d’une récompense, ce n’est pas assez fort pour exprimer ce que l’on ressent. Un aboutissement, cela voudrait dire que je suis arrivé au bout du parcours or je ne le vois pas comme cela... On est quelque part entre les deux. On ne réalise pas tout de suite, pourtant on a reçu un accueil magnifique place Rogier avec l’équipe, on a fait un peu la fête, mais on a peu de temps pour savourer ou se reposer sur nos lauriers : on reprend les entraînements assez vite. On sera de nouveau sur le terrain le 13 septembre avec l’équipe nationale. Le planning est déjà prêt et s’étale sur les trois prochaines années, jusqu’aux prochains J.O. On a déjà une Coupe du monde à jouer dans un an et demi, donc les choses vont s’enchaîner assez vite. Cette médaille trône aujourd’hui sur une étagère avec les autres trophées comme la médaille d’argent et celui de la Coupe du monde...

Comment étaient ces J.O. en mode covid ?

L’ambiance à Tokyo était particulière, il n’y avait personne dans les stades. On n’avait jamais vécu cela. C’est vrai que cela rend la communication plus fluide pendant le match, mais c’est assez déroutant de n’entendre crier que quelques personnes quand on marque un goal. Avant la finale, le coach nous a fait fermer les yeux dans le vestiaire, et demandé de visualiser des supporters, nos proches, nos amis dans un endroit dans le stade et de regarder cet endroit en sortant des vestiaires, ça nous a procuré des frissons avant le match...

Comment étiez-vous coaché ?

Parmi les exercices que nous faisions en équipe, l’un d’eux, et probablement le plus confrontant, consiste à s’asseoir face à l’équipe et à entendre de nos coéquipiers trois points positifs et trois points “constructifs” : des points d’attention ou d’amélioration dont le but n’est que de permettre à l’équipe d’être plus performante. Pas de règlements de comptes donc, mais un réel feed back constructif. C’est à chaque fois un exercice d’être confronté à ses faiblesses, même quand la démarche est bienveillante, mais nous en sortons tous grandis !

"C’est le sport que j’aimerais pour mes enfants plus tard !"

Comment est née votre passion pour le hockey ?

J’ai commencé quand j’avais cinq ans. Mon père était hockeyeur, c’est lui qui m’a fait découvrir ce sport, lui qui m’a conduit partout pour les tournois, les entraînements... J’ai joué dans divers clubs en Belgique, puis quelques saisons en Hollande. J’ai pris une année sabbatique à 18 ans et je suis parti en Hollande pour apprendre le néerlandais. Je m’étais inscrit dans un club hollandais, on m’a ensuite fait signer pour deux saisons supplémentaires. La Hollande est super bien organisée pour les étudiants qui sont aussi des athlètes de haut niveau, la Belgique s’y est mise plus tard, mais au fil des années, les écoles et les universités ont enfin appris à s’assouplir pour permettre aux sportifs de combiner toutes leurs activités. Le sport se professionnalise, de plus en plus de joueurs ont des agents. Cette médaille d’or devrait faire parler du hockey et attirer de nouveaux adeptes, c’est bon pour les fédérations, c’est un bon signal... Le hockey est un sport qui diffuse toute une série de valeurs. En dehors des valeurs intrinsèques liées à un sport d’équipe, c’est avant tout un sport de gentlemen, un sport familial, convivial, le fair- play y est essentiel, la mixité y est plus présente que dans d’autres disciplines. C’est le sport que j’aimerais pour mes enfants plus tard.

Et côté carrière, vous avez monté une entreprise en plein confinement, c’est un sacré défi !

Je suis en pause carrière depuis un an et demi. Je travaille chez Deloitte, je reste en contact avec l’entreprise, je fais quelques talks et des événements avec eux, mais évidemment la vie qu’on mène avec le hockey est peu compatible avec un boulot classique. C’est entre autres pour cela que j’ai lancé The Strong Company avec Valentin Pliester (ancien joueur du Beerschot et managing director de Socialsky, NDLR.). Le concept est simple : on livre aux entreprises des box qui contiennent tout un programme de remise en forme via une app’, des barres énergétiques, des compléments alimentaires et des accessoires de fitness... L’idée est d’offrir aux employés du bien-être et une solution saine, une alternative au chocolat... (Il sourit). Un employé plus en forme, en bonne santé, sera plus performant, donc tout le monde y gagne. Dans le programme, il y a trois niveaux et tous les exercices sont présentés par moi ou par la sprinteuse Cynthia Bolingo, deux athlètes belges olympiques... Nous avions envie avec Valentin de développer quelque chose autour du sport. L’idée est née durant le confinement, en voyant passer sur LinkedIn l’annonce d’un chef d’entreprise qui recherchait des boîtes de vitamines pour 3 000 personnes de son entreprise, on s’est dit qu’on pouvait étendre le concept. Tout est parti de là, mais nous étions déjà en octobre, ça a été un sprint pour tout développer et lancer les premières box pour la fin de l’année. On était prêts mi-novembre. Notre idée était bonne, mais je pense que le confinement nous a été bénéfique, les entreprises sont devenues plus sensibles que jamais au bien-être et à la santé de leurs équipes.

D’après vous, comment le sport peut-il aider l’entreprise à mieux fonctionner ?

De plus en plus, les entreprises sont conscientes qu’elles fonctionnent comme des équipes, le patron est davantage un coach et la cohésion et la complémentarité entre les membres de cette équipe en garantissent la performance, c’est à ce niveau-là que des ponts sont possibles entre le sport de haut niveau et l’entreprise. Nous devons communiquer sur le terrain, et en dehors du terrain, ce sont des choses que nous travaillons dans le sport, mais qui s’avèrent intéressantes pour les entreprises qui s’inspirent de notre parcours d’équipe pour évoluer. Être sportif m’a appris la discipline, la concentration et la communication. Nous suivons des sessions de coaching mental ; il y a un vrai travail sur la motivation, entre autres à travers la manière dont nous nous parlons, dont nous apprenons à rester toujours constructifs même quand nous avons un feedback à donner ou quand on doit travailler pour améliorer un point dans notre jeu, parce que nous devons tous ramer dans la même direction. Il faut savoir dire les choses mais aussi et surtout, il faut savoir les entendre. C’est un exercice et une attitude qui peuvent facilement être implémentés dans des équipes au boulot.

Vous vous voyez donc évoluer dans le monde de l’entreprise ? Avez-vous déjà envisagé votre reconversion ?

Mes parents m’ont toujours envoyé comme message que les études étaient importantes, que c’était prioritaire, même si le hockey me prenait beaucoup de temps. Là, je profite de ma carrière d’athlète professionnel, mais je sais que je dois m’en construire une autre en parallèle. Je suis diplômé de la Louvain School of Management et j’ai, durant le confinement, suivi une formation en codage, je voulais développer d’autres compétences, car je n‘envisage pas une reconversion dans le sport, ni comme entraîneur. Je n’ai pas de plan de carrière bien établi, et je ne suis pas le seul : d’autres Red Lions ont aussi monté leur propre projet en parallèle. On le voit, les jeunes sont aujourd’hui plus nomades, ils ont envie d’avoir une carrière plus variée, de pouvoir prendre un break d’un an ou deux pour développer des projets qui leur tiennent à cœur, peu d’entre nous se voient encore passer trente ans dans la même entreprise.

Combien de tatouages avez-vous ?

Le hockeyeur sourit quand on lui parle de ses tatouages : J’en ai beaucoup, dix-sept je pense (il rit) on ne les voit pas quand je suis habillé parce que j’ai toujours voulu qu’ils ne soient pas visibles dans le cadre de mes activités professionnelles, surtout dans le secteur de la consultance, même si je sais que regard des gens sur les tatouages a pas mal changé. Évidemment, on jouait en marcel à Tokyo, donc ils étaient plus visibles. C’est très addictif les tatouages, chacun d’eux raconte une histoire... J’ai fait dessiner les anneaux olympiques en 2012 après mes premiers J.O à Londres. Après ceux de Rio, je me suis fait tatouer le symbole chimique de l’argent, et je ne sais pas encore ce que je veux faire après Tokyo, il y a toujours de la place, c’est bien là le problème (rires). Certains sont simplement esthétiques, certains sont réfléchis et planifiés des mois à l’avance, d’autres ont été faits de manière plus impulsive...

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