L'incroyable rénovation d'une ancienne maison dans laquelle a vécu René Magritte

Il y a un peu plus de deux ans, l’architecte et décoratrice d’intérieur Julie Lacour entreprend la décoration d’une maison dans laquelle a vécu le père du surréalisme, dans la commune de Schaerbeek. Visite guidée en exclusivité ! 

par audrey morard. Crédit photo : D.R. |

Dans le quartier des Fleurs, à Schaerbeek, un petit chemin mène vers une maison en briques rouges légèrement cachée par les arbres. Après avoir gravi quelques marches et franchi la porte d’entrée, nous découvrons un magnifique terrazzo au sol décoré de petits carreaux noirs et blancs. Quelques-uns se déclinent dans des nuances de vert gris et terracotta, tandis qu’une petite fissure s’est dessinée.

Le peintre belge René Magritte a foulé ce même terrazzo. L’artiste a en effet vécu entre 1955 et 1960 dans cette maison construite dans les années 1915-1930. "Il avait l’habitude de peindre dans le salon", sourit Laure, la propriétaire des lieux depuis treize ans. 

Quelles sont les erreurs à éviter pour trouver le style de sa maison ? La réponse en vidéo : 

Respecter l'âme du lieu 

Il y a trois ans, Laure et son mari entreprennent d’importants travaux de rénovation. "Le déclic a eu lieu lorsque l’un de nos fils est venu nous rejoindre en pleine nuit en nous disant qu’il pleuvait dans sa chambre !". Laure recherche alors sur Instagram “le” décorateur idéal, qui répondra au mieux aux demandes et aux attentes de sa famille. "Nous voulions une maison plus moderne, avec plus de charme. J’avais plein d’idées, mais il était difficile de créer une harmonie d’ensemble entre chaque pièce". Elle finit par découvrir le compte de Julie Lacour, architecte et décoratrice d’intérieur basée à Bruxelles. "J’ai été attirée par la beauté de ses projets. Beaucoup de choses me plaisaient".

La prise de contact a lieu en février 2021 par mail. C’est au milieu des bâches et de la poussière que l’architecte d’intérieur découvre la maison pour la première fois. "La toiture était en pleine rénovation, la cuisine complètement vide. C’était très difficile de se projeter, mais pas impossible car je voyais les volumes de chaque pièce". Julie doit alors faire face à un défi de taille : sublimer cette maison du début du siècle dernier avec ses moulures, ses hauteurs sous plafond, sans dénaturer l’âme du lieu. Décorer une maison dans laquelle René Magritte a vécu aurait pu impressionner, voire stresser l’architecte, mais elle en fait une force : "J’étais complètement emballée ! Ce fut un moteur de me dire qu’on met les pieds là où un peintre célèbre a habité". 

Effet cocooning

Le projet est ponctué de fils rouges. Le rose tout d’abord, que Julie Lacour distille par petites touches aux quatre coins de la maison. Dans la cuisine, on le retrouve sur le motif graphique signé Pierre Frey, visible sur la banquette, sur les luminaires arrondis installés au-dessus de la table de la maison Sersk.

On devine aussi du rose dans l’entrée, sur le papier peint signé Ellie Cashman. Quatre des cinq coussins de la chambre parentale sont habillés de rayures rose poudré ou d’un tissu uni tirant dans une nuance plus terracotta. Le textile constitue un autre fil conducteur avec des rideaux en lin blanc dans la cuisine, des coussins en velours dans le salon pour accentuer le côté douillet et enveloppant de la maison. "Il était essentiel d’avoir une décoration avec un effet cocooning. C’est pour cela qu’on a fait le choix d’objets arrondis, sur les appliques, les interrupteurs, les luminaires…"

Dans l’entrée, un somptueux plafonnier attire immédiatement le regard avec ses feuilles d’or et ses courbes faisant penser à des vagues. Du côté du salon, deux petits fauteuils Pacha Lounge de Gubi sont installés face au bow-window. On croit observer de loin deux petits nuages avec leur effet molletonné. "Cette maison est un joli écrin, chaleureux, pétillant et raffiné. C’est une maison dans laquelle on veut vivre, où l’on se sent bien. Elle est à l’image de cette famille, des gens simples et détendus", glisse Julie Lacour. Laure tenait à conserver cet esprit familial : "Il y a toujours beaucoup de monde, nos amis, nos voisins. La maison est souvent remplie (sourire). C’était important d’être entouré d’une décoration accueillante". 

L'importance de contrebalancer

De l’époque Magritte, il reste le bow-window, typique de la période Art nouveau, souligné de délicates moulures au plafond, des portes, et le fameux terrazzo. Julie Lacour s’est arrêtée sur un canapé bronze dans le salon, une couleur des années 1900 qui ne dénature pas la maison. Cette ambiance vintage aurait pu être amplifiée en jouant au maximum avec l’esprit du peintre surréaliste. Mais la priorité était au contraire de casser les codes. "Si on avait beaucoup chiné, on serait tombé dans le style années 1960. Cela n’aurait pas marché avec cette maison. J’aime les savoureux mélanges. Je me suis donc amusée à contrebalancer les éléments décoratifs. Si j’avais opté pour un canapé en velours capitonné dans le hall d’entrée, l’ambiance aurait été too much, un peu “Madame l’Ambassadrice” ! (rires)".

Le canapé de style bohème, qui a finalement été choisi, amène un côté plus détendu et se complète avec le côté froid du terrazzo. Dans le bureau, le savoureux mélange si cher à Julie Lacour se traduit par l’installation d’un canapé en cuir mélangé avec un tapis berbère. Un petit fauteuil en bambou trouvé à Lille vient compléter la décoration. "J’ai essayé de distiller ma patte dans chaque pièce en choisissant de beaux objets raffinés, sans tomber dans l’ostentatoire". Si Julie Lacour a travaillé sur de nombreux projets, celui-ci a une saveur particulière. "C’est un coup de cœur, malgré les difficultés rencontrées notamment dans la chambre parentale. Cette pièce a la particularité d’être sous pente. Il a fallu s’adapter à cette forme originale dans l’élaboration des plans. Il fallait un espace bureau, des rangements, un dressing. Tout a été dessiné au millimètre près afin d’avoir un rendu joli, léger et fonctionnel. C’est du sur-mesure “plus, plus”. Ce fut un vrai Tetris (rires)".

L’architecte avoue avoir un petit faible pour la cuisine, sa pièce chouchoute qu’elle a imaginée de A à Z. "Ce fut un travail titanesque. L’idée était d’avoir une cuisine le plus fluide possible entièrement réalisée et dessinée par nos soins. Le but était d’optimiser l’espace et les rangements avec un coin repas intégré pour accueillir une famille de cinq personnes". De nombreuses questions se sont succédé dans la tête de Julie : bois ou pas bois ? Quelle pierre choisir pour la cuisine : du quartz, du marbre ? Le résultat est aéré, la lumière du jour qui passe à travers les rideaux en lin blanc sublime cette pièce décorée d’un parquet point de Hongrie. 

"Le lien avec le client est essentiel"

Ce chantier a duré neuf mois, "comme un accouchement", sourit Julie. C’est aussi une réussite grâce à la relation entretenue avec Laure. "Le lien avec le client est essentiel dans le métier d’architecte et de décorateur d’intérieur, il ne faut pas le négliger. Laure est venue avec ses idées, on a travaillé main dans la main. Elle m’a suivie et m’a fait confiance. Elle a quelquefois hésité et voulait juste avoir ma validation. J’ai apprécié qu’elle me dise quand elle aimait ou n’aimait pas quelque chose, tout était fluide. Nous sommes toujours en contact bien que le chantier soit terminé. Je la conseille toujours sur ses futurs choix décoratifs".

Au moment où nous écrivons ces lignes, Laure devrait recevoir une lithographie de René Magritte. L’œuvre se compose d’un ciel bleu avec des nuages, un élément cher au peintre, et d’un lampadaire qui éclaire la façade d’une maison construite au bord de l’eau. Laure devrait l’installer dans la salle à manger. Un joli clin d’œil au passage de René Magritte dans cette maison. L’artiste aurait peut-être osé dire : “Ceci n’est pas une maison” !

julielacour.com

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