Beauté masculine : le point sur les nouveautés

Plus informés, moins timides qu’il y a deux ou trois décennies et fans de nouvelles expériences, les hommes se soucient de plus en plus de leur apparence. Au point de voler la vedette aux femmes dans les parfumeries et les instituts ?

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS : D.R. |

Dans le registre du parfum, la figure masculine classique continue à faire vendre. En témoignent la nouvelle campagne Armani, incarnée par le comédien Ryan Reynolds, et celle de Biotherm, portée par David Beckham. Rides légères, barbe de trois jours... Un homme viril même lorsqu’il promeut une fragrance ou un produit de beauté. Soit un homme qui prend soin de lui sans mettre en péril sa masculinité.

Chez Senteurs D’ailleurs, boutique de niche centrée sur les parfums et la cosmétique, on reconnaît qu’un homme qui passe la porte de l’enseigne doit d’abord être rassuré. En charge du conseil clients, Raphael Hobart confirme : "Le marché de la cosmétique masculine est clairement en devenir. Les hommes ont besoin qu’on les rassure, mais aussi qu’on crédibilise leur démarche. La reconnaissance de leurs besoins spécifiques est fondamentale." 

Aujourd’hui, Raphael Houbart estime que sa clientèle est composée à 40 % d’hommes. Un chiffre plutôt impressionnant qui ne se vérifie toutefois pas au niveau de l’institut. "Les femmes constituent 75 % de notre clientèle, mais les hommes qui tentent l’expérience du soin en cabine y reviennent. C’est le soin visage qui remporte le plus de succès, suivi du massage, puis de l’épilation", poursuit-il.

Les premiers concernés par les produits de soin sont les hommes issus de la génération X (nés entre 1965 et 1980) : "Ils ont un certain pouvoir d’achat et arrivent à un point où ils cherchent une solution curative. Un contour des yeux, principalement. Assez libres dans leurs choix et plutôt bien informés, les hommes nés juste après, les trentenaires, vont nous demander des produits préventifs. Ils achètent moins que la génération X, mais plus que les baby-boomers qui, eux, sont encore très marqués par cette image de l’homme viril qui ne doit pas faire aveu de faiblesse devant sa femme. Ces derniers se sentent obligés de se justifier. Quant aux plus jeunes, les Millenials, ils n’ont pas le budget pour s’offrir des crèmes chères mais ils sont au courant de tous les buzz beauté qui passent sur la toile. La folie de la cosméto coréenne ne leur a évidemment pas échappé", précise Raphael Hobart.

En Corée, un pays à la pointe en termes de recherche et de développement produits, les hommes utilisent en moyenne 26 produits au quotidien (du shampoing au sérum en passant par le masque et le déodorant) contre seulement 6 en France !

Les précurseurs

Dans les années 90, Nickel, une marque branchée aux packaging, noms et textures audacieux, avait déjà réussi à conquérir une partie de la clientèle masculine. Une clientèle qui s’était enthousiasmée pour ces produits spécifiquement dédiés aux besoins des hommes et dont l’approche ciblait parfaitement sa sensibilité.

Cette même décennie, Jean Paul Gaultier lançait un fond de teint masculin, le premier du genre. La presse en avait beaucoup parlé, mais peu d’hommes se vantaient vraiment d’en utiliser. Raphael Hobart : "Le Bronzing Gel de Tom Ford est une bonne alternative à la tendance maquillage amorcée l’an dernier. Nos clients préfèrent une approche plus soft. Ça peut être un autobronzant, un anticernes, un produit très demandé au rayon hommes, ou encore le Cycle Éclat, un soin de la marque 66°30 qui crée un effet bonne mine graduel en cinq jours. Cela dit, on remarque un besoin, chez la majorité des hommes, d’obtenir un résultat immédiat. À l’institut, pas mal d’hommes, dont des politiciens, misent sur une teinture de sourcils pour accentuer leur regard et en imposer davantage. Ce phénomène n’est cependant pas neuf. On le constate depuis une bonne quinzaine d’années déjà." 

Gagner en assurance: c’est probablement ce qui motive un nombre croissant d’hommes à se tourner vers les cosmétiques et le make-up. Tout comme les femmes, les mâles osent désormais faire état de leurs complexes. Notez toutefois que ce qui semble les troubler le plus, ce n’est ni la ride (qui, en version masculine, apparaît plus tard, mais plus soudainement et de manière plus marquée que chez les femmes), ni le poids, mais bien la perte de cheveux qu’ils tentent le plus souvent de solutionner par le biais de produits achetés en pharmacie.

Code couleur

Un homme qui entre dans une parfumerie va soit demander un conseil, soit, par timidité et par manque d’habitude, tenter de se débrouiller seul. "Ceux-là sont facilement repérables", confirme Raphael Hobart. "Ils se dirigent spontanément vers des packagings bleus ou rouges, des codes couleur traditionnellement associés aux produits masculins. C’est évidemment le meilleur moyen de faire de mauvais choix", précise l’expert qui avance quelques chiffres plutôt encourageants. 

Dans son magasin, le panier moyen des femmes s’élève à environ 125 €, contre 90 € pour un homme. Une différence qui, selon lui, s’explique tout simplement par le fait que la majorité des clientes ajoutent un produit de maquillage à leur shopping. En ce qui concerne le montant que les hommes sont prêts à investir dans une crème, il est très variable : "30 € pour un client non initié qui se lance pour la première fois dans l’achat d’un bon produit jusqu’à l’expert qui peut dépenser plus de 100 € pour son produit fétiche."

Quant à l’idée selon laquelle la communauté gay aurait forcément une longueur d’avance, Raphael Houbart la réfute : "il est vrai que nos clients homosexuels sont moins sensibles au qu’en dira-t-on. Ils ne ressentent pas le besoin de se justifier s’ils souhaitent tester tel ou tel produit. Mais en Asie, tous les hommes s’intéressent à la cosmétique. Preuve que ce n’est pas une affaire de préférence sexuelle, mais bien d’évolution sociétale !"

Derniers tabous

Médecin esthétique installé à Liège, le docteur Fréderic Nivelle constate une croissance des consultations masculines tout en indiquant que sa clientèle reste majoritairement féminine : "Il y a 20 ans, les hommes faisaient très rarement appel aux services d’un médecin esthétique. Actuellement, c’est plus fréquent, mais les hommes ne constituent, à ce stade, que 25 % de toute ma patientèle. Ils consultent habituellement à partir de 30 ans, mais j’en traite peu dans la tranche d’âge 50-55 ans. Cette génération se sent, à mon sens, moins concernée par cette médecine. À titre de comparaison, mes patientes ont entre 20 et 80 ans."

Et lorsqu’ils franchissent le pas, les hommes ont des demandes très ciblées, constate encore Fréderic Nivelle : "les injections de toxine botulique pour traiter les rides du front, la ride du lion et les pattes d’oie figurent au premier rang des demandes masculines suivies des injections d’acide hyaluronique pour remplir les sillons nasogéniens et les vallées des larmes." Dans un registre davantage préventif, les peelings pour entretenir et améliorer la peau viennent en troisième position. 

Enfin, si en termes de cosmétique, la parité hommes/femmes n’est pas encore à l’ordre du jour, les choses changent doucement, mais sûrement. Du côté de chez Chanel, on se félicite ainsi de l’accueil reçu par la ligne Boy, une gamme de maquillage masculine lancée tout récemment. Selon nos sources, certains points de vente de la capitale auraient même été dévalisés en quelques jours. Preuve, s’il en fallait encore une, que le secteur a décidément de très beaux jours devant lui.

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