Cap sur Porto, loin de l'afflux touristique

Arrimée à une falaise de granite au nord du pays, sur la côte Atlantique, d’une émouvante beauté, la deuxième ville du Portugal est une invitation à la découverte, à l’aide de nos cinq sens, quand la foule de touristes est plus clairsemée.

PAR BÉATRICE LEPROUX-GILLET. Photos : Anne-Marie Massoc. |

Chaussé serré pour dompter les pavés irréguliers de la ville, on se laisse aller dans les ruelles sombres et escarpées. On y voit de ravissantes maisons aux façades fanées qui contrastent avec les azulejos bleus (ensemble de faïences aux motifs figuratifs ou géométriques, ndlr.) ou les décors saturés de dorures des églises baroques, ou encore avec les édifices futuristes Vodafone ou Casa de Musica.

Ambiance des petits matins

Cultivés en amont, les vignobles s’étirent le long de la Vallée du Douro, classée au patrimoine mondial par l’Unesco. Dès le lever du soleil, les amoureux des paysages poétiques peuvent admirer les toits de tuiles rouges qui dégringolent jusqu’au fleuve d’où s’élèvent les neblinas, ces brumes matinales qui font des chais le lieu idéal pour la maturation des fameux portos. Pour les curieux ou les gourmands, il est difficile de résister au charme de Cantareira, un petit port de pêche à l’embouchure du fleuve. Les bateaux y rentrent entre 5 et 7 h du matin, chargés de dorades, de poulpes, de bars et de sardines. En face, le bar Paparoca da Foz sert cafés, pâtisseries et croissants. Après avoir fait le plein d’huile d’olive et de porto blanc au marché Bolhao dans le centre-ville, les lève- tard, eux, prennent leur petit-déjeuner à la Pastelaria Bela Torre Restaurante, juste à côté du symbole de la ville : la Torre de Clerigos, un clocher de 75 mètres visible depuis tous les recoins de la cité et qui appartient à l’église baroque des Clerigos.

    Sports in the city

    Pour ceux qui ont l’âme sportive, c’est l’occasion de s’essayer au surf sur les vagues de l’Atlantique. Pour ce faire, sur la plage de Matosinhos, des écoles vous guident pas à pas pour une séance de deux heures en solo ou en petit groupe (les tarifs vont de 20 à 30 €). Pas envie de vous amuser dans les vagues ? Joignez-vous aux joggeurs du week-end sur la promenade longue de 10 km qui longe l’océan puis le fleuve, en partant du Fort de Saint François Xavier jusqu’au Pont du Freixo. Et si vous n’avez pas envie de bouger, optez pour le farniente sur une plage, Praia do Homem do Leme, sur la rive droite ou Praia do Senhor da Pedra, sur la rive gauche. www.surfinglifeclub.com.

      Plein la vue

      Si vous désirez prendre un peu de hauteur pour admirer Porto d’en haut, allez sur la rive gauche du Douro. Depuis le Monastère da Serra do Pilar, un ancien couvent transformé en caserne, le panorama sur la ville est spectaculaire ! Au-delà du pont métallique Dom Luis I, le regard porte vers les maisons colorées du quartier Ribeira et se perd dans les courbes du fleuve. Encore un autre point de vue exceptionnel vous attend depuis l’esplanade de la Cathédrale de Porto, une église forteresse du XIIe siècle érigée dans le centre historique de la vieille ville.

        De sel et de sucre

        Les Portuense sont gourmands. Outre les nombreuses enseignes pâtissières, dont O Forno dos Clerigos (ouverte le dimanche), les restaurants éloignés des circuits touristiques sont de grande qualité et les assiettes y sont généreuses. On peut déjeuner sur la plage Praia da Luz sur fond d’ambiance DJ ou dîner au centre-ville à la Cantinho do Avillez, au milieu d’une déco chaleureuse (la carte est typique et goûteuse). Mais le must pour nous se trouve en haut de la colline de Vila Nova de Gaïa, où le restaurant gastronomique du Graham’s Port Lodge offre une vue dominante sur le Douro.

          Prendre un bol d'air marin et de culture

          Jardins à la française, bassins et allées forestières... 18 hectares paysagers abritent le plus grand centre multiculturel du nord du pays, le spacieux et lumineux musée d’art contemporain imaginé par l’architecte portugais Álvaro Siza Vieira. Insolite, la Casa de Serralves, à la façade rose et Art déco, accueille spectacles de danse, colloques et concerts. Toutes les heures, de jolis barcos rabelos partent à la découverte des six ponts de Porto. Entre le IXe et le XXe siècle, ces embarcations à fond plat et haute voile carrée transportaient le vin de la haute vallée du Douro, lieu de production, aux chais de Vila Nova de Gaia, avant d’être exporté vers l’étranger.

            Ferreira forever

            Plus de cinquante compagnies font vieillir leurs vins à l’abri de vieux fûts de chêne stockés dans les chais de Vila Nova de Gaia (que vous pouvez visiter), dont les vins Ferreira. Ce patronyme est ici le plus vénéré au Portugal. En effet, les vins Ferreira ont 250 ans d’histoire et leur effigie a pour nom Dona Antónia Adelaide Ferreira, une riche propriétaire qui s’est rendue célèbre pour sa défense des agriculteurs, sa relance du commerce avec les Britanniques, son combat contre le phylloxera (un puceron qui ravage les vignes, ndlr) et son soutien financier à des centaines de familles de paysans.

            Les nuits portuanes

            Une bonne adresse à l’heure du sacro-saint apéro au coucher de soleil ? La terrasse du toit de l’espace Porto Cruz, avec vue sur le Douro. Et quelques marches plus bas, le restaurant Decastro Gaïa offre une carte très délicate et un Porto blanc délicieux, en harmonie avec le climat portuense. La nuit se finira Galeria de Paris en déambulant de bars en boîtes de nuit dans ce passage à ciel ouvert bordé d’immeubles aux façades Art déco.

              La vallée du Douro

              Le Portugal cultive un trésor d'environ 400 cépages dont plus de 90 plantés dans les vignobles du Douro. Que l’on s’y rende en bateau, en train ou en voiture, remonter le fleuve sur 150km est un doux voyage dans le temps à ne manquer sous aucun prétexte. Sur les pentes des montagnes taillées par les hommes pour façonner murets de pierres sèches et  terrasses, les ceps qui produisent les vins rouges, blancs, rosés, et le vin du Porto, nourris par les brumes du fleuve Douro et par le soleil qui inonde les versants, le schiste jouant les accumulateurs de chaleur.

              Plantées d’oliviers et de vignes, les terrasses ondulent à donner le vertige le long des côteaux ponctués ici et là d’un pigeonnier blanc. Sur les rives, non pas de châteaux comme dans le Bordelais français, mais d’imposantes et élégantes quintas, fermes-manoirs aux murs blanchis à la chaux et aux toits de tuiles rondes rouges. Au bord de l’eau, de vieux paysans binent leur potager, directement alimenté par le fleuve bleu ou vert selon la couleur du ciel, le Douro venu d’Espagne coule depuis loin en amont. Pénétrer dans les terres c’est aller à la rencontre du Portugal rural, de ses villages historiques tout de pierres et de pavés comme Marialva. Les petits villages blancs perchés de Seixas et les châteaux médiévaux de Longroiva ou Numao rappellent la résistance aux envahisseurs espagnols, et les piloris la justice que l’on rendait sur les places.

                La plupart d’entre elles ne s’animent vraiment qu’en Août, quand leurs habitants immigrés en France reviennent passer leurs vacances. De San Joao da Pesqueiro à Pinhao, la route bordée de rochers et de chênes verts est particulièrement pittoresque. Unique en Europe : en 1992, on découvrait des gravures rupestres paléolithiques à l'air libre sur 17 kilomètres le long du lit du fleuve Côa, un affluent du Douro. Vila Nova de Coz Fôa  a brutalement suspendu la construction d'un barrage pour se consacrer à la sauvegarde de ce site exceptionnel, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, puis à la construction d’un musée interactif aussi troublant que captivant et doté d’un excellent restaurant. www.arte-coa.pt

                  En pratique :

                  Où dormir ? À la Casa da Calçada Relais & Châteaux à Amarante (www.casadacalcada.com/pt); au Vintage House à Pinhao (www.vintagehousehotel.com/pt/); à la Casas do Coro à Marialva.

                  Où se régaler ? Chez Os Lusiadas, la référence portuane en matière de poissons http://restaurantelusiadas.com/pt/ , ou au restaurant gastronomique Largo do Paço à Amarante www.largodopaco. com/ et au DOC du chef Rui Paula à Folgosa. www.docrestaurante.pt

                  Pour naviguer : http://www.cruzeiros-douro.pt/fr/

                  S’y rendre ? Avec la TAP (www.flytap.pt) et voyager avec (www.visitportoandnorth.travel)

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