Comment la Corée a bousculé nos modes de consommations ?

Beauté, food, mode, culture... Quel que soit le domaine, tous les regards sont braqués sur le pays du Matin calme, qui n’en finit pas de revisiter nos modes de consommation.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. |

Chez nous, l’image de la Corée du Sud est associée à des marques comme Samsung, Hyundai ou Kia, qui ont mis le pays sur orbite et qui lui ont permis d’afficher un PIB qui dépasse aujourd’hui celui de la Russie. C’est dire ! Mais en marge des voitures et des téléphones portables, les secteurs de la cosmétique et de la gastronomie sont désormais deux des symboles forts d’un pays qui avance à pas de géant.

A l'origine, il y eut la BB Cream

Selon une récente étude, le marché mondial des produits de beauté coréens pourrait atteindre 21,8 milliards de dollars d’ici six ans. La raison : la demande accrue des consommateurs pour les produits innovants et/ou biologiques. Quel rapport avec la Corée du Sud ? Souvenez-vous : il y a quinze ans, l’arrivée sur le marché des fameuses BB et CC creams, puis celle des sheet masks, ces fameux masques en tissu à effet cure de jouvence, ont bouleversé l’univers du make-up et de la cosmétique.

    À l’image des Coréens, obsédés par leur apparence, les Européens ont tout à coup revu leurs exigences à la hausse, voulant désormais des résultats immédiats et, de préférence, grâce à des ingrédients bio et premium. Pour l’expert en beauté Raphaël Hobart (Senteurs d’Ailleurs), " La force du marché des cosmétiques coréens, c’est le mariage d’ingrédients naturels et ultra-technologiques. Quand on évoque la richesse des formules, on parle souvent de l’île de Jeju (une terre rocheuse naturellement riche en antioxydants) et de la capacité des labos coréens à innover en permanence. L’engouement pour le pays est d’ailleurs tel que les grands groupes mondiaux (L’Oréal, LVMH...) y installent des succursales ou rachètent des entreprises cosmétiques. "

    Une manière de ne rien louper des tendances et d’anticiper le futur. Parmi les autres tendances beauté venues du pays du Matin calme, on notera l’utilisation d’actifs fermentés, très prisés notamment chez des marques comme Starskin ou Whamisa. " Ils pénètrent plus facilement dans l’épiderme et facilitent le rééquilibrage naturel de la peau ", précise Raphaël Hobart. Et que penser du fameux layering, cette routine beauté quasiment incontournable là-bas, qui consiste à multiplier les étapes de soin ? Si notre expert est convaincu des bienfaits du double nettoyage (sur base d’une huile hydrosoluble qui nettoie et élimine l’excès de sébum, puis d’un gel ou d’une crème) ou des essences (qu’on applique par tapotements, jusqu’à sept ou huit fois d’affilée), il est toutefois réaliste : ce type de routine a de quoi effrayer certains clients. Adepte d’une approche didactique, il préfère donc associer l’utilisation de ces gammes de produits à une sorte de challenge beauté qui, jure-t-il, "ne tarde pas à produire ses effets".

    La folie kimchi

    " En Corée, bien manger et prendre soin de sa peau vont de pair. Et ça n’a rien d’un phénomène nouveau ", explique Kyky Her, propriétaire de Maru, un restaurant coréen très branché de Bruxelles. Et de citer en exemple : " Compte tenu de la pureté de l’eau et de la nature de la terre, le ginseng et le thé vert coréens sont beaucoup plus riches en substances bénéfiques pour l’organisme que les mêmes produits cultivés en Chine." Pourtant, ce ne sont pas eux qui ont le vent en poupe aujourd’hui, mais bien les ingrédients fermentés, véritable marotte des Coréens et... d’une certaine Michelle Obama. " C’est elle qui, la première, s’est entichée du kimchi, un mélange typiquement coréen de piments et de légumes lactofermentés, au point de fabriquer le sien et de le promouvoir sur les réseaux sociaux ", explique Dong Min Shin, chef de cuisine chez Maru.

      L’ex-First Lady n’est évidemment pas la seule à avoir mis le kimchi sur orbite. Le chef belgo-coréen étoilé Sang-Hoon Degeimbre, ainsi que le Liégeois Hyun Frère, chef du restaurant Sauvage, contribuent eux aussi à convertir les Belges aux joies de la lactofermentation. Sur la carte du restaurant où il officie depuis quatre ans, Dong Min Shin surfe sur la tradition tout en gardant un œil rivé sur les soubresauts de la K culture : " Les nouilles instantanées aux épices fermentées ultra-piquantes font l’objet de challenges dans lesquels s’affrontent de jeunes Coréens sur les réseaux sociaux."

      Génération K Pop

        Des réseaux sociaux qui ont boosté l’engouement pour les tendances venues de Corée du Sud. De passage à Bruxelles dans le cadre de leur tournée mondiale, les quatre membres du groupe de K Pop The Rose incarnent ainsi parfaitement cette nouvelle jeunesse. Sur le trottoir qui longe la Madeleine, là où le band s’est produit en novembre dernier, les jeunes fans belges, qui ont découvert le groupe via Youtube et Instagram, affichent un mélange d’hystérie et d’une certaine retenue finalement très... asiatique. En coulisse, les quatre garçons au look griffé (Chanel, Saint Laurent...) revendiquent clairement leur appartenance à une génération qui n’entend pas se laisser enfermer dans l’un ou l’autre carcan.

        " Le succès de notre musique est intimement lié à l’engouement pour la K Pop, un mouvement qui embrasse bien plus que juste la musique. C’est une culture qui privilégie une fidélité à certaines traditions, mais aussi une ouverture sur le monde," confie le leader du groupe tout en saluant la présence, dans plusieurs grandes maisons de mode européennes, de designers coréens. Parmi eux, Kim Young-Seong, la charismatique directrice du studio tissu chez Chanel qui, en interview, ne cache pas son attachement à la culture coréenne traditionnelle.

        Culture hybride et branchée

        Adeptes d’une mode unisexe, obsédés par l’idée d’inclusivité et de partage, les jeunes Coréens s’imposent partout. À Shanghai, dans les bars et les discothèques, la musique coréenne est omniprésente, preuve d’une tendance qui n’est pas près de s’éteindre. Si les quatre musiciens de The Rose se défendent d’être des fashion victims ou des beauty addicts en puissance, leur look zéro défaut traduit une réalité sociétale bien réelle. " Après la crise qu’a connue le pays dans les années 80, la beauté est devenue un moteur de succès, un tremplin pour trouver un job de rêve, mais aussi l’amour ", précise Raphaël Hobart.

          Sans tomber dans les travers d’un pays qui n’est pas à un excès près, la Corée a le mérite d’ouvrir des portes, de décloisonner les genres et de nous régaler de sa légèreté assumée. Programmé au Théâtre de Liège en clôture du festival Pays de Danse, North Korea Dance (un titre aussi provocateur que le spectacle est kitsch, engagé et hors normes) résume bien la force d’un pays qui ose brouiller les pistes, les genres et les codes. Sensation mode à elle seule, la chorégraphe Eun-Me Ahn caste ses danseurs dans les karaokés de Séoul, ultime preuve de la porosité des barrières culturelles d’un pays qui, plutôt que d’attendre qu’on s’intéresse à lui, vient à nous en nous offrant ce qu’il a de plus exotique, mais surtout de plus décapant.

          Pour Pierre Thys, directeur adjoint du théâtre de Liège, qui a noué des contacts privilégiés avec la Corée du Sud, ce pays est beaucoup plus accessible que le Japon ou la Chine : " C’est un pays asiatique que je qualifierais de très méditerranéen. Les codes de politesse sont les mêmes qu’au Japon, mais assouplis. Le pays investit aussi beaucoup dans son autopromotion. C’est un pays ouvert, inclusif qui, bien que très patriarcal à l’origine, est en train de s’émanciper. Le mouvement #Metoo y est très présent. La Corée est, en outre, le pays asiatique qui compte le plus de mariages mixtes. On sent chez les Coréens un vrai désir de marier tradition et modernité, mais aussi de valoriser au mieux la principale ressource du pays : le corps. À défaut de disposer de ressources naturelles vecteurs de puissance, ils utilisent le corps comme moyen de provocation, de valorisation, mais aussi d’expression."

          Symbole de cette culture hybride et très branchée : le succès des mannequins masculins qui brillent sur les catwalks internationaux, à l’instar de Han Hyun Min, un jeune homme né d’un père nigérian et d’une mère coréenne. "Il symbolise parfaitement le nouveau visage du pays", conclut Pierre Thys.

          La gamme Starskin est disponible chez Planet parfum, la gamme Whamisa chez Senteurs d’Ailleurs - North Korea Dance, le 21 février 2020 au Théâtre de Liège. theatredeliege.be - Restaurant Maru, 510 chaussée de Waterloo, 1050 Bruxelles.

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