Gangnam dans l’assiette : à la découverte de la cuisine coréenne

Petit voyage dans une cuisine qui, chez nous, se laisse doucement apprivoiser et dont on peut facilement introduire, même dans notre quotidien, quelques ingrédients qui sont de véritables bombes de saveurs.

PAR CARLO DE PASCALE, PHOTOS D.R. |

Dans le monde des initiés autoproclamés des tendances culinaires, depuis dix ans environ, une année sur deux, on annonce alternativement l’avènement de la cuisine coréenne et de la cuisine péruvienne. Nous reviendrons un jour sur la péruvienne, mais en ce qui concerne celle du pays du matin calme, cela fait quelques années qu’elle n’en finit pas d’arriver. À ce jour, les restaurants coréens n’abondent pas sur notre territoire et les épiceries spécifiquement coréennes ne se comptent que sur un seul doigt ou presque. Pourtant, la cuisine coréenne a une spécificité bien nette parmi les autres cuisines d’Asie, elle a conquis la côte Est des Etats-Unis, et plus près de nous, l’Allemagne, sans encore totalement s’imposer chez nous.

Partir à la découverte

Un œil et un palais peu attentifs auraient vite fait de catégoriser cette cuisine en tout point pareille aux autres cuisines asiatiques. De fait, notre ethnocentrisme simplificateur va détecter qu’il y a des baguettes, du riz, de la viande et des légumes en lamelles... Pas de quoi faire l’effort d’approfondir. Mais voilà, du bout de notre lorgnette, on a toujours besoin de simplifier, de réduire les choses que nous ne connaissons pas à un plus petit dénominateur commun.

Or, à l’instar de l’immense Chine, du Japon ou de la Thaïlande, les cuisines en Corée sont multiples : populaire, aristocratique, terrienne, maritime, végétarienne (la cuisine dite “des Temples”) ou régionale, quoique pour ce qui concerne l’aspect régional de la cuisine de la Corée du Nord, on n’a pas vraiment vérifié. Zoom sur quelques “marqueurs” typiquement coréens...

Kimchi, Gochujang, etc.

Tout d’abord la table coréenne, comme dans tous les pays d’Asie, voit arriver les plats en même temps ; le paradigme “entrée-plat- dessert” étant définitivement occidental. Toutefois, et c’est une caractéristique tout à fait coréenne, nombre de plats sont servis obligatoirement avec des banchans, des “accompagnements” dont la traduction en anglais est plus heureuse, side dishes. Parmi ceux-ci l’incontournable kimchi qui, de par sa lactofermentation, a conquis les pages détox de la plupart des magazines depuis quelques années. Fermentation ? On en parlera, elle est essentielle dans le goût typique, intense, riche, long en bouche de la plupart des plats coréens.

Côté ingrédients, le riz, évidemment. Ici aussi, il est souvent mélangé aux autres ingrédients comme dans le bibimbap, ainsi que d’autres céréales comme le sarrasin, qui finit dans les nouilles. Les légumineuses sont très présentes en cuisine coréenne (souvent mélangées au riz également, comme si les Coréens avaient inventé la cuisine vegan), mais pas que... Les pommes de terre le sont également, ou encore les patates douces et un beau nombre de légumes, racines, feuilles choux (fermentés ou non), puis il y a les champignons, qui remplissent un véritable rôle de protéines dans nombre de plats végétariens.

Des condiments riches en goût

Du côté des protéines animales, l’œuf est omniprésent, ainsi que viandes et poissons, sans oublier crustacés et coquillages. Mais la force, la puissance et la profondeur de goûts de la cuisine coréenne viennent des condiments. Ils apportent une touche intense aux marinades, aux plats braisés, et aux sortes de ragoûts, très présents dans la gastronomie coréenne. Nous avons la pâte de soja (de type miso en plus corsée, pour les nipponophiles), de grandes variétés de sauce soja (ganjang) ainsi que mon ingrédient coup de cœur : le gochujang, une pâte pimentée (pas forcément très piquante) que j’ai envie de mettre même dans mes tartines au petit- déjeuner depuis que j’ai commencé cette petite exploration coréenne.

Les pignons de pin sont également très présents et font partie de la culture locale, notamment dans le yoekhoe, le tartare de bœuf à la coréenne, un délice de viande de bœuf, sauce soja, sucre, poire coréenne (ça marche aussi avec celles de chez nous). Le tableau se complète, dans le désordre, d’oignons jeunes, d’ail, de graines de moutarde, de piment et bien sûr d’huile de sésame (un trait d’huile et de sauce soja sur une simple feuille d’épinard et vous serez en Corée).

Bibimbap, ravioli, viande braisée et bulgogi

Les plats traditionnels sont nombreux et on connaît surtout les grands classiques, comme le bibimbap (mélange de riz cuit, légumes, viande de bœuf et pâte pimentée obtenue à base de gochujang, champignons et jaune d’œuf). Il peut être également proposé dans le bol en pierre brûlant - cette version emporte ma préférence - qui va donner un côté croustillant à une partie du riz et qui donne un caractère  particulièrement joyeux au plat !

Les ravioli (un peu à la manière des gyoza japonais) sont également ici présents, et puis des ragoûts bien épicé au bœuf, comme le yukgaejang, ou tous les jjigae, à base de kimchi, tofu et une foule d’autres ingrédients. Bulgogi ? Bien entendu ! Ce que l’on appelle également le Korean bbq fait la fortune des restos coréens dans le monde, la viande de bœuf de ce plat n’étant, pour nos goûts européens, pas vraiment saisie, mais marinée avant cuisson avec une sauce semblable à celle des jjim, et plutôt sautée que réellement grillée... Mais ce plat offre un accès facile à la cuisine coréenne et il est généralement réussi par la plupart des restaurants coréens de chez nous.

Difficile pour nous d’entrevoir la différence entre les jjigae et les jjim, que les livres de cuisine coréenne nous traduisent par “plats braisés”, mais dont les ingrédients sont en fait... bouillis ! Ce qui est braisé en revanche, ce sont les côtes de bœuf, les soe-galbijjim, et leur sauce riche à base de sauce soja, poire, ail, vin de riz et huile de sésame. 

Un mot encore d’un de mes plats coup de cœur : le paejon, une crêpe à base de farine, crevettes et poireaux (ou jeunes oignons) qui est un véritable délice quand elle est réussie. Je ne peux que vous inviter à vous procurer quelques ingrédients locaux (on les trouve aussi dans certaines épiceries chinoises ou japonaises), franchir le seuil des rares restaurants coréens du royaume (même quand ils ne paient pas de mine) et à vous laisser transporter par ces saveurs proches et lointaines à la fois de ce que nous connaissons de l’Asie.

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