Des voitures volantes qui circulent entre les gigantesques buildings de métropoles spatiales : les images d’archives montrent que les générations passées avaient parfois une vision d’un avenir très technologique, un monde robotisé, où l’homme n’aurait plus à se soucier des tâches ménagères. S’il est vrai que, en 2023, nous avons réussi à leur refiler quelques besognes comme la tonte du gazon, la cuisine ne peut pas encore se passer totalement de l’être humain. Quoique... Le chef robotisé Moley Kitchen, développé par une société high tech londonienne, serait capable de reproduire entièrement des recettes enregistrées via sa caméra 3D.
En vidéo, l'un des meilleurs chefs du monde :
Plus proche de chez nous, vous avez peut-être déjà repéré des drones ou des robots en train de servir les boissons en salle. Un service proposé, entre autres, par le restaurant Happy Wok de Fayt-Lez-Manage. Heureusement pour le monde de l’horeca, ces expériences sont encore très marginales, mais d’autres révolutions culinaires moins invasives ont trouvé leur place dans les cuisines de restaurants. Appareils dernier cri qui facilitent le quotidien, gestion des clients via les réseaux sociaux ou encore intelligence artificielle... Comment les chefs intègrent-ils les nouvelles technologies au quotidien ?
Les réseaux sociaux
L’arrivée de Facebook en 2004, celles d’Instagram en 2010, et plus récemment, de TikTok, ont bouleversé le monde, tous secteurs confondus. Pour les chefs, ces outils permettent de se faire connaître, de créer un sentiment de proximité avec leurs clients et aussi de découvrir de nouvelles techniques, associations audacieuses ou ingrédients provenant du monde entier. Certains chefs et maîtres pâtissiers, comme Cédric Grolet, ont largement suivi le mouvement. Le roi de la pâtisserie trompe-l’œil est suivi par 5,3 millions d’abonnés sur TikTok et 8 millions sur Instagram. À l’international, le chef Gordon Ramsay aime partager ses créations, et des moments de vie, avec ses 15 millions de followers. Les chefs Philippe Etchebest, Pierre Sang Boyer ont, eux aussi, suivi cet engouement en lançant leur chaîne YouTube. Une nouvelle casquette qui vient s’ajouter à leur quotidien déjà bien chargé.
Nous vivons avec les réseaux sociaux et je suis souvent dessus, comme tout le monde, confie le chef du restaurant gastronomique namurois Attablez-vous, Charles-Edouard Jeandrain. Je gère les réseaux sociaux de mon établissement depuis dix ans. Cela me sert à la fois dans le privé – je scrute les réseaux sociaux quand je voyage pour me faire une première idée des endroits que je vais visiter – mais c’est aussi une source d’inspiration à titre professionnel. Et c’est justement ça la cuisine, c’est s’ouvrir au monde. Je ne parle pas de suivre les modes, mais de regarder ce qui se fait ailleurs en matière de techniques de cuisson, de sauces. C’est aussi un excellent outil pour découvrir, par exemple, de nouveaux maraîchers, poursuit-il. Le chef connecté planche d’ailleurs sur une potentielle chaîne YouTube ou une collaboration avec la plateforme Prime Video.
Les appareils dernier cri
Si le Thermomix (ou tout autre robot culinaire) a changé votre quotidien, imaginez celui des chefs. Ces appareils polyvalents représentent un gain de temps et d’argent (un détail qui n’est pas insignifiant au vu du coût de la main-d’œuvre en Belgique), mais ils permettent aussi de repousser les limites de la créativité. Dans les cuisines du restaurant bruxellois Bagheera, où officie désormais Romain Longchamp, vous trouverez un Thermomix, un Pacojet – un appareil compact doté d’une puissante hélice qui vous permet de créer des glaces et sorbets à partir de, pratiquement, n’importe quel ingrédient – ou encore, un four dernier cri programmable avec port USB. Avec le Pacojet, nous pouvons préparer une glace aux huîtres, par exemple. Cet appareil permet de proposer une belle carte de glaces maison sucrées ou salées. Au lieu d’acheter un sorbet industriel, nous pouvons créer nos propres goûts et doser avec précision le degré de sucre.
En image, le Pacojet, un appareil compact doté d’une puissante hélice dont se parent de nombreux chefs
Malgré l’utilisation des dernières technologies, le chef se considère plutôt comme un puriste. Je suis conscient que les nouvelles technologies peuvent grandement faciliter le travail du cuisinier, mais il ne faut pas non plus oublier les bases, insiste le jeune chef, qui est passé par de très grandes maisons comme Sketch à Londres (3 étoiles), L’Arpège d’Alain Passard à Paris (3 étoiles) ainsi que le Chalet de la Forêt ici à Bruxelles (2 étoiles). Nous coupons nos légumes à la main, nous utilisons des appareils comme le Thermomix plutôt pour contrôler les paramètres et la température de certaines recettes. Ces appareils offrent une liberté incroyable et c’est plus dans cet esprit-là que je vois les technologies en cuisine.
D’un resto zurichois à la pointe des technologies (doté de thermoplongeur, four Holdomat...) à l’institution triplement étoilée Arpège, le chef a multiplié les expériences culinaires afin de définir son style et sa philosophie. Avant d’utiliser le Thermomix, il est essentiel de maîtriser toutes les étapes de production. Quand j’apprends à mon cuisinier à préparer une recette comme une huile aux herbes, je lui apprends toujours la version classique avant d’utiliser le Thermomix. Il faut transmettre le savoir et ne surtout pas tomber dans une dépendance aux machines.
Intelligence artificielle
Depuis l’arrivée de Chat GPT, les prouesses de l’intelligence artificielle ne cessent de nous étonner. Capable d’imiter des chanteurs à la perfection, d’écrire des mémoires de philo ou de concocter des programmes de sport efficaces, l’intelligence artificielle a bouleversé notre société au point que de nombreux travailleurs envisagent l’avenir avec beaucoup d’incertitudes. Pour le consommateur lambda, ce genre d’outil se révèle efficace lors de l’élaboration du menu de la semaine, mais peut-il atteindre le niveau supérieur ?
Pour en avoir le cœur net, nous avons demandé à Chat GPT de nous imaginer une recette gastronomique autour de la truite. Une poignée de secondes plus tard, il nous proposait une truite avec une sauce au beurre, au citron et à la moutarde de Dijon. Pour l’originalité, on repassera. Fair-play, nous avons réitéré notre demande avec un autre ingrédient (du foie gras) en insistant sur l’aspect original. L’intelligence artificielle nous propose alors une tartelette croustillante au foie gras, aux figues et vinaigre balsamique. La recette est claire, précise et plus originale que la précédente, mais soyons honnêtes, l’association figue- foie gras-balsamique – aussi succulente soit-elle – est loin d’être révolutionnaire !
À la vitesse on l’on va, je ne serai pas étonné de voir un jour un livre de recettes imaginées par Chat GPT. C’est révolutionnaire, mais je n’arrive pas encore à savoir si c’est bien ou non, confie Charles- Edouard Jeandrain. Cette technologie m’intrigue, comme tout le monde, mais je pense que l’intelligence artificielle ne remplacera jamais la sensibilité humaine, et la cuisine, c’est clairement une question de sensibilité. Les technologies peuvent ouvrir des horizons, mais elles ne sont pas essentielles. Regardez L’Arpège, à Paris. Ils sont certes hyperconnectés sur Instagram, mais dans les cuisines, vous ne trouverez pas tous ces appareils dernier cri et ils ont quand même trois étoiles ! Les technologies peuvent apporter beaucoup, mais il ne faut pas en devenir dépendant. Elles ne doivent pas empiéter sur l’artisanat ou la sensibilité du chef, conclut le chef de Bagheera.
Romain Longchamp, le nouveau chef de Bagheera, avoue être adepte des nouvelles technologies
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