Cuisinez fermenté, c’est branché !

Présente autrefois dans les cuisines du monde entier, la fermentation a fait les frais de l’avènement du frigo et des supermarchés. Convaincue par ses bienfaits sur notre santé et sur l’environnement, une poignée de chefs remet cette technique au goût du jour. 

Par Laura Swysen. Photos D.R. |

Il existe deux types de personnes : celles qui adorent la choucroute et celles... qui refusent d’en goûter.  Lorsque l’on pense aux légumes fermentés, impossible de ne pas envisager ce plat populaire typique de la gastronomie alsacienne. Résultat, les aliments fermentés ont plutôt mauvaise réputation. Mais ça, c’était avant la révolution Noma. Ce restaurant danois doublement étoilé a réinventé la gastronomie avec un grand G, en replaçant entre autres la fermentation lactique au centre de leur cuisine. Aussi surprenante soit-elle, cette technique qui consiste à prolonger la durée de vie des produits de Mère Nature grâce à la prolifération de bonnes bactéries (en les plongeant dans un liquide salin et en les privant d’air), n’a rien de révolutionnaire, elle est même séculaire. Convaincus par leurs bienfaits sur notre santé, leur impact environnemental positif ou leur goût riche en saveurs, quelques chefs ont décidé d’intégrer des produits fermentés à leur carte.  

Nicolas Decloedt 

« Les légumes et les fruits fermentés amènent beaucoup de fraîcheur aux plats »

En tant qu’adepte de l’esprit Noma, Nicolas Decloedt met un point d’honneur à mettre en valeur les produits du terroir et minimiser les déchets alimentaires. Hors de question de jeter des ingrédients, surtout lorsqu’ils sont de si grande qualité et qu'ils ont été sélectionnés avec soin par leur maraîcher. Avec un tel objectif durable, la fermentation lactique semblait incontournable.  « René Redzepi (le chef du Noma, NDLR.) a eu l’intelligence de regarder dans le passé et de l’intégrer à ses assiettes de manière contemporaine », explique le chef, grand fan du resto étoilé danois. « Malheureusement, la gastronomie actuelle est encore trop souvent assimilée à une cuisine de gaspillage. Une cuisine de luxe où seuls les plus beaux morceaux sont exploités », constate-t-il. « La fermentation permet d’utiliser de manière intelligente ces aliments mais aussi de découvrir des saveurs exceptionnellement riches en unami ». La clé pour intégrer ces ingrédients complexes à son menu ? Tout réside dans l'équilibre. « Les légumes et les fruits fermentés amènent beaucoup de fraîcheur aux plats. Vous pouvez même les utiliser en dessert ! Il faut juste veiller à contrebalancer ces notes sauvages avec des saveurs plus rondes et douces ».

Portrait de Nicolas Decloedt. Crédit Photo Bruno Dalimonte. Humushortense.be

Cyprien Ameloot & Sophie Courouble  

« Ils sont plus sains et plus digestes que leurs équivalents crus »

Du cran, il en faut pour consacrer un restaurant entier aux légumes fermentés. Grands convaincus des vertus de la lacto-fermentation, Cyprien Ameloot et Sophie Courouble ont ouvert Mile End au cœur de la capitale, il y a plus de deux ans. Burgers ou bowl de légumes fermentés, ils régalent les Bruxellois en quête de nouvelles saveurs. « La fermentation est si gratifiante : elle permet de transformer facilement des aliments en leur conférant un goût incomparable. Contrairement aux légumes cuits ou pasteurisés, ils gardent toutes leurs vitamines. Les légumes fermentés sont également plus sains et digestes que leurs équivalents crus. Plus besoin d’acheter des probiotiques issus des laboratoires pharmaceutiques : ceux contenus dans les légumes fermentés sont plus nombreux, plus variés et meilleur marché. » Le couple  a même édité un livre rempli de recettes et de bons tuyaux (La Magie de la Fermentation aux éditions Renaissance du Livre). « Le premier pas pour faire accepter les légumes fermentés est de faire comprendre qu’un tiers de notre alimentation est composée d’aliments fermentés (vin, café, yaourt, saucissons). En Belgique, citer le chocolat et la bière aide forcément » ajoute le couple avec humour. 

Portrait de Cyprien Ameloot & Sophie Courouble. Crédit photo Pierre-Yves Thienpont. Mileend-brussels.com

Sang-Hoon Degeimbre

« La fermentation lactique permet d’augmenter la complexité de certains arômes »

Faut-il encore vous présenter l’Air du Temps, le fabuleux resto du chef Sang Hoon Degeimbre ? Le chef dispose d’une arme secrète : une cave où il entrepose, à côté de ses bouteilles de vin maison et de ses jambons de daim, des dizaines de bocaux remplis de légumes fermentés. Un véritable laboratoire où Sang Hoon Degeimbre pratique ses expériences culinaires. « Au-delà de l’approche durable, la fermentation lactique permet d’augmenter la complexité de certains arômes», assure-t-il.  « Ce n’est pas une surprise si le kimchi (une préparation coréenne à base de chou fermenté, NDLR.) fait partie des cinq meilleurs superaliments du monde. La fermentation lactique rend les aliments plus digestes, une vertu essentielle au vu de notre société toujours plus stressée ». Très présente dans la gastronomie coréenne, la fermentation lactique fait partie intégrante des assiettes du chef étoilé. « Ces aliments fermentés servent de base à ma cuisine, je les incorpore dans des bouillons ou des sauces. Ils me permettent d’équilibrer les saveurs».

Portrait de Sang-Hoon Degeimbre. Crédit photo : Miguel Degroot. Airdutemps.be

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