Des champignons à base de bière : une affaire qui marche

Cultiver des champignons asiatiques à partir de résidus de bière, c’est possible! Ça se passe en Belgique et c’est une affaire qui marche. La preuve, on en retrouve sur les meilleures tables de Bruxelles, comme au Sea Grill...

PAR GILDA BENJAMIN. PHOTOS D.R. |

Les Bruxellois Sevan Holemans, Hadrien Velge et Thibault Fastenakels ont monté un projet très original. Dans les caves de Cureghem, à Anderlecht, ils cultivent trois sortes de champignons asiatiques, véritables petites bombes gastronomiques, à partir de restes de céréales. Résultat : les shiitakes, maitakes et namekos de leur coopérative, Le Champignon de Bruxelles, font le bonheur des habitants de la Capitale et de plus d’un restaurant de qualité. Rencontre avec Thibault, l’agronome de la bande.

Comment a démarré votre coopérative ?

Suite à un projet lancé en 2014 via un crowdfunding. Deux idées se rejoignaient. D’une part, cultiver des shiitakes, champignons asiatiques appréciés en Extrême-Orient depuis plus de mille ans. D’autre part, utiliser comme terreau un produit bien de chez nous. Pendant plusieurs mois, nous avons d’abord testé comme substrat le marc de café avant de nous réorienter vers les drêches, qui sont un résidu du brassage de l’orge lors de la fabrication de la bière. 

Pourquoi avoir choisi ces variétés de champignons ?

On voulait diversifier l’assiette des Bruxellois. Le shiitake dégage peu d’eau à la cuisson et a un goût très agréable et intense en bouche.
Le maitake est plus subtil avec un petit goût boisé et noisette. Sa traduction signifie “Dancing mushroom”, “Champignon dansant”. La tradition japonaise raconte qu’”On danse de joie quand on le trouve en forêt” ! Nous sommes les seuls à le produire en Belgique.

Et le nameko, malgré son aspect gluant, se révèle très beau dans l’assiette. Mais ces champignons sont aussi bénéfiques pour la santé. Le shiitake et le maitake ont des vertus médicinales. Ils stimulent l’immunité naturelle du corps, ont des propriétés antioxydantes et sont riches en vitamines B et D.

Comment fonctionnez-vous ?

Les conditions des caves de Cureghem nous permettent de cultiver nos champignons toute l’année, avec une température variant de 12 à 19o, idéale pour leur croissance. Les mois de plein rendement, nous pouvons produire près de deux tonnes par mois ! Nous comptons désormais plus de 120 clients. Les champignons frais ne sont vendus qu’aux grossistes de restaurants ou directement aux restaurants. Mais nous distribuons des shiitakes séchés en magasins et sur notre site Web. 

Les drêches sont le seul substrat que vous utilisez ?

Pour le moment, nous collaborons avec les brasseries Cantillon, mais elles ne brassent que l’hiver. Nous avons donc démarré en parallèle
une production plus “classique”, à base de sciure de bois. Mais nous recherchons d’autres brasseurs pour l’été. Nous avons enfin notre propre pasteurisateur. Ce qui signifie que, dans quelques mois, nous pourrons exclusivement cultiver à partir de drêches de bière.

Vous avez d’autres projets en gestation ?

On s’est aussi lancés dans la culture de micropousses (des jeunes plants à forte teneur en nutriments qu’on récolte dès que les toutes premières feuilles apparaissent, ndlr). Ces cultures font un tabac aux USA et au Canada. Ça commence en Europe. Nous avons, cette fois, envie de réinventer la salade... 

Comment Yves Mattagne les prépare

Doublement étoilé, le restaurant Sea Grill présente toujours des recettes “fusion” célébrant le mariage de saveurs parfois insoupçonnées. Son chef Yves Mattagne a découvert les produits du Champignon de Bruxelles lors de l’édition du festival Culinaria en octobre 2017. Depuis, les trois variétés se retrouvent à sa carte.

Chacune apporte sa délicatesse à mes plats nous explique-t-il. Ils sont très bons pour la santé et il me plaît d’encourager des jeunes qui osent avec des produits de qualité. Ce sont eux qui m’ont fait découvrir les maitakes, et je les ai utilisés immédiatement. Je les fais déshydrater avant de les réduire en poudre afin de renforcer le goût sur une sole meunière, avec un beurre noisette. Le nameko adore les saveurs fumées. Et je connaissais déjà les shiitakes qui se préparent de multiples façons : en velouté avec une langoustine cuite au galet et flambée au vieux saké, en très fin carpaccio ou cru dans une salade. Un conseil, si vous utilisez des shiitakes séchés : faites-les tremper dans de l’eau tiède, gardez le jus qui a beaucoup de goût mais retirez le pied un peu filandreux et amer. 

Envie de cultiver vos propres shiitakes ?

Des kits de shiitakes à faire pousser sont en vente sur le site de la coopérative, vous permettant d’en cultiver et récolter de 300 à 600 grammes. On trouve également diverses recettes à base de champignons : velouté, risottos, tartelettes. Quant aux caves, elles se visitent, en groupe ou lors de team buildings.

www.lechampignondebruxelles.be