Le Colonel, la cuisine aux viandes d'exception

Nouveau chef, nouvelle carte : le Colonel a négocié sans faute le passage de témoin et taille élégamment sa route entre cuisine léchée et viandes exceptionnelles.

TEXTE ET PHOTOS CARLO DE PASCALE ET FLORENCE HAINAUT. |

Aujourd’hui, on vous parle d’un restaurant qui n’a plus vraiment besoin d’être découvert car, au bout de trois ans d’activités, on peut déjà lui donner le brevet de “jeune classique”. Mais c’est tellement bon d’aller offrir de temps en temps son appétit à un lieu qui a su vous le capturer et lui offrir une satisfaction à la fois attendue et rassurante. 

Colonel est né de la volonté de Benoît Vano et Anaïs Droeven d’offrir à notre capitale un restaurant où la vraie viande de qualité, avec une belle origine noble, maturée ou pas, serait mise à l’honneur par des cuissons au fameux four “Josper”, sorte d’usine à très grandes chaleurs qui donne un goût fumé-boisé à la bidoche. On ne peut d’ailleurs que se réjouir de voir coexister à Bruxelles de vrais “restaurants à viande” comme Colonel, Les Caves d’Alex (provisoirement en sommeil avant réouverture dans quelques mois) ou Holy Smoke. Certes, ce dernier pratique la cuisson à l’américaine, le slow cooking, qui est le contraire absolu du Josper, mais il n’y a absolument pas à trancher entre ces différents modes : le plaisir offert étant aussi intense.

Des côtes...

Colonel, c’était aussi, pendant les deux premières années, une cuisine tenue par le chef Benjamin Laborie. S’il excellait à cuire les viandes, il cherchait également une reconnaissance — boudée par les guides — à travers une belle carte de suggestions. Après son départ (il exerce aujourd’hui son talent avec brio à Lasne, à la Ligne Rouge), je suis retourné chez Colonel plusieurs fois. D’abord il y a quelques mois pour y commander une côte à l’os rubia gallega (ça devenait difficile de commander de la côte à l’os sous l’empire de Benjamin !). Pour vous donner une idée de l’expérience, l’ami Jean qui m’accompagnait, aussi gourmand que moi, dira Je ne me souviens pas d’une meilleure côte. Puis, pas plus tard que ce mois-ci, mais sans Florence, qui se dorait la couenne en Thaïlande, avec l’envie d’en découdre avec la carte des suggestions, hors viande du comptoir. Oui, car la pépite de Colonel, c’est le comptoir de boucherie, avec les côtes à l’os en vitrine, prêtes à être “jospérisées”.

On y trouve aussi le vrai boeuf de Kobé, une délicatesse à s’offrir en doses homéopathiques, tant c’est rare et cher. Mais aujourd’hui, foin de viandes luxueuses, à nous la carte des suggestions du chef Florent Tintignac. N’y allons pas par quatre chemins, ce chef, qui a trouvé rapidement ses marques entre viandes sublimées et cuisine personnelle, nous a bien emballé les papilles. Un classique oeuf parfait (certes déjà vu) mais bien cadré par une crème de pecorino et des truffes, le tout flanqué d’un “travail sur l’oignon” remarquable en contraste. Paleron de boeuf fondant, jus de viande réduit et… encore des oignons pour moi ; filet pur d’Aubrac non maturé pour ma commensale…

… Et des papilles

La soirée se poursuit avec des assiettes qui certes ne lorgnent pas vers la gastronomie sophistiquée, mais qui comblent parfaitement le mangeur gourmand, épicurien, celui qui aime que ses papilles soient mordues par de vrais jus de viande, de vraies saveurs tranchées. 

Côté vins, la carte est relativement courte, avec des propositions classiques. J’y ai toujours bu des vins plutôt propres, qui font le job. Nous avons ce soir péché par excès de gourmandise : le Givry premier cru Sevoisine du Domaine Joblo (72 €) était certes très équilibré mais, pour tout dire, très court en bouche… Ça m’apprendra à ne pas être raisonnable.

L’addition ? À deux visages. Quand j’y suis allé pour des côtes à l’os de luxe, elle tutoyait les 200 € à deux. En revanche, la carte des plats proposés par le chef Florent Tintignac est tout à fait conforme à l’esprit, au cadre et au service du lieu. Les plats sont tarifés à 20/25 € et on peut y dîner d’un plat et d’un verre de vin sans que l’on vous regarde un quart de seconde de travers. Bref, Colonel a négocié sans faute le passage de témoin en cuisine et taille élégamment sa route entre cuisine bien léchée et viandes d’exception, selon l’humeur… et le portefeuille du mangeur.

24 rue Jean Stas, 1060 Saint-Gilles. T. 02 538 57 36, www.colonelbrussels.com.