Les caves d'Alex : une cuisine savoureuse et humble depuis dix ans

 À l’heure de la gastronomie créative, des menus où l’on nous décline (souvent avec grand bonheur) betteraves, fenouil, cochon artisanal et maquereau, le chef Alex, formé chez Bruneau et d’autres maisons classiques, spécialisé en viandes rouges, plus ou moins maturées, plus ou moins persillées, en avait justement un peu assez d’être surtout connu pour la qualité de ses viandes (et déjà de ses sauces, on va y arriver). Pour avoir suivi depuis des années le travail de cette maison, la passion d’Alex et de Hugues - et leur humilité -, j’avais pu constater que l’envie était de renouer avec des grands classiques, volailles, poissons, queues de homard, ris de veau, pied de porc. La maison a donc décidé d’entériner discrètement ce pari audacieux et, apparemment, peu moderne. Apparemment seulement car les classiques, il y a toujours des gens qui aiment ça, et les “classiques français de France” réalisés sans raccourci, ça ne court pas les rues. 

Pour une recette comme en Italie, c'est ici :

Le défi ensuite, c’est de convertir Florence à des agapes riches en graisses saturées. Je sais déjà qu’elle évitera quoi que ce soit à base de pied de porc, mais que du côté de la béarnaise (surtout s’il y a du homard dedans) j’aurai son assentiment. Je suis allé récemment trois fois chez Alex, mes digressions se réfèrent donc à plusieurs repas, et l’envie de vous en parler se niche dans cette volonté du duo de se frotter aux plats d’anthologie, même si les deux gars ne sont pas les plus doués du monde pour clamer leur savoir-faire et leurs envies. Si ce n’est pas affiché à l’entrée, l’envie ici est de pourtant de vous épater en cuisant, mijotant, flambant, émulsionnant, croustillonnant, avec un désir de donner de la valeur au travail de cuisine et de salle, avec une cave à vins, classique mais ambitieuse. Les caves d’Alex, c’est une salle dans une cave, celle de feu Les Foudres. C’est chaleureux, nappé de blanc, sans chichis mais élégant. Nous y avons dîné lors des derniers beaux jours, au jardin, un jardin un peu sauvage, en plein cœur d’Ixelles, un univers à lui tout seul.

Dans l'assiette 

La maison propose une carte, un menu, et des “grosses pièces” par table, à commander d’avance. Moi, c’est carte et j’impose mon choix à Florence, car cette gourmandise franco-française m’excite d’autant plus que je ne l’expédie pas en deux bouchées. Oui, il y a un menu “avantageux” à 70 €, mais vraiment, l’esprit de cette cuisine, c’est “carte”, mangeons à la carte ! Je me laisse attendrir par un carpaccio de bar et pied de porc (25 €), Florence choisit les quenelles de brochet sauce Nantua (23 €). Le pied est gentiment pimpé par des touches de citron, tandis que les quenelles sont pareilles à des souvenirs enfouis de voyages dans l’Ain: fermes et fondantes, caressées par une Nantua seulement réduite.

On poursuit avec un ris de veau à la béarnaise de homard (46 €) pour moi (ce jour-là, le chef proposait en option payante d’y adjoindre une queue de homard, go !) tandis que Florence choisit le dos de cabillaud (36 €). Les plats confirment la maîtrise du chef. Cuissons, “croustillance” (du ris de veau), et surtout, talent saucier. Ce chef est un saucier, un saucier incroyable, un des meilleurs sauciers rencontrés dans cette vie de mangeurs-raconteurs. Mon assiette manquait un peu de cohérence avec des légumes “vapeur” mal assortis à l’ensemble, mais on sent ici la qualité tant de la mise en place que de l’envoi. Un autre repas aux Caves m’avait donner à goûter ce talent saucier avec une bordelaise de haut vol, saucier, on a dit, saucier. Un baba au rhum (12 €) bien exécuté viendra achever notre appétit. Les mignardises déçoivent un peu, mais on est confiants de ce que la maison, dans sa volonté de monter en gamme, continuera de s’améliorer.

En images, notre dégustation :