Métier : inventeur de concepts hôteliers

A quelques semaines de l’ouverture d’un nouveau Mama Shelter au Luxembourg, nous avions rencontré Serge Trigano, l’inventeur de ce concept d’hôtels aussi génial que novateur, dans son QG parisien du XIe arrondissement.

Par Marie Honnay. Photos D.R. sauf mentions contraires. |

Avec son père Gilbert, Serge Trigano a réussi, dans les années 90, à faire du Club Med une success story mondiale. Il y a vingt ans, quand l’aventure s’est arrêtée, ce visionnaire proche de sa famille a écrit, en tandem avec ses fils, une nouvelle histoire. D’abord français et désormais mondial, le Mama Shelter, un concept d’abris anti-sinistrose logé au cœur des villes, a contribué au relifting du secteur de l’hôtellerie. A 72 ans, l’homme qui se dit encore « disk jokey », plutôt que « dj » (de son propre aveu, sa réussite tient justement de l’alliance de sa propre expérience et de l’input de son équipe, jeune et branchée) a le pouvoir - il l’a prouvé à deux reprises - de transformer votre manière de voyager. Situé dans le quartier d’affaires du Kirchberg à Luxembourg, le 11e Mama Shelter, un hôtel de 145 chambres comptera - une première dans la saga Mama Shelter - une boulangerie et un espace de coworking. Deux initiatives parmi celles imaginées par la famille Trigano pour faire de ces gîtes branchés le point de chute des touristes, mais aussi des locaux en quête de lieux où s’encanailler dans une ambiance relax et branchée.

En quoi le concept Mama Shelter a-t-il secoué le monde de l’hôtellerie ?

Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Quand, avec mes fils, nous avons réfléchi à ce que nous pourrions faire après l’aventure Club Med, le monde avait changé. Le concept de famille était en train de disparaître. Plus personne ne planifiait, comme avant, trois semaines de vacances en Méditerranée, six mois à l’avance. La situation politique dans certaines régions du monde, le concept de tribu recomposée, les dangers liés au soleil et les nouveaux rythmes de travail poussaient les gens vers un autre type de voyage : plus court et souvent improvisé. Les couples ou les groupes d’amis décident le lundi, de réserver deux jours dans une ville européenne pour aller y voir un concert le samedi soir. A l’époque, ce n’était pas tellement le manque d’offres qui posait un problème. N’était-ce pas plutôt le caractère formaté des concepts? Vous aviez en effet le choix entre un hôtel de chaîne très impersonnel ou un palace inabordable. Entre les deux, rien. C’est là qu’on a eu ce coup de génie, enfin, disons, pas idiot. On s’est dit qu’on allait lancer un hôtel, qui s’inspirerait de l’énergie de la ville dans laquelle il était implanté. Avant, personne n’avait envie de manger dans un resto d’hôtel. Nous avons pris le contre-pied de ça en offrant aux touristes la possibilité de sentir les palpitations de la ville sans forcément devoir dîner dehors. Pour ça, il nous fallait nous entourer des bonnes personnes : le chef tri-étoilé Alain Senderens (aujourd’hui décédé et remplacé par Guy Savoy, ndlr) pour élaborer la carte et Philippe Starck, côté design.

A l’époque, ce n’était pas tellement le manque d’offres qui posait un problème. N’était-ce pas plutôt le caractère formaté des concepts?

Vous aviez en effet le choix entre un hôtel de chaîne très impersonnel ou un palace inabordable. Entre les deux, rien. C’est là qu’on a eu ce coup de génie, enfin, disons, pas idiot. On s’est dit qu’on allait lancer un hôtel, qui s’inspirerait de l’énergie de la ville dans laquelle il était implanté. Avant, personne n’avait envie de manger dans un resto d’hôtel. Nous avons pris le contre-pied de ça en offrant aux touristes la possibilité de sentir les palpitations de la ville sans forcément devoir dîner dehors. Pour ça, il nous fallait nous entourer des bonnes personnes : le chef tri-étoilé Alain Senderens (aujourd’hui décédé et remplacé par Guy Savoy, ndlr) pour élaborer la carte et Philippe Starck, côté design.

Lors du lancement du premier Mama Shelter, tout le monde disait justement « Waw, dormir dans du Starck pour 79,99 € par nuit : quelle révolution ! » C’était votre idée ?

Le fait de nous être installés dans le XXe arrondissement - un quartier de Paris sur lequel personne n’aurait misé et surtout pas les investisseurs qui, d’ailleurs nous ont tourné le dos - nous a permis de nous entourer de plusieurs génies, chacun dans leur domaine, tout en proposant des prix très compétitifs. Chez nous, comme dans les grands hôtels, on recommande à nos clients les adresses les plus branchées pour boire un verre, dîner ou faire du shopping. Dans nos restaurants, nous encourageons le personnel à rester lui-même, quoi qu’il arrive. Si l’un de nos collaborateurs n’aime pas un plat de la carte, il a le droit de le dire aux clients. Ça aura l’avantage de crédibiliser les autres.

Et pourquoi ce nom : Mama Shelter ?

Là aussi, tout le monde nous a dit qu’on était fous. Nous avons associé « shelter » (un mot anglais qui signifie abri) et « Mama » : la femme qu’on aime le plus au monde. Celle qui nous protège, nous aime inconditionnellement et… nous donne à manger, même quand on n’a pas faim. La table : on y revient toujours. Pourquoi est-ce aussi important dans votre concept ? Les chambres sont toutes petites. On n’y reste que pour dormir et y faire l’amour…

Quelles sont les futures villes branchées selon vous?

Je crois beaucoup dans l’Afrique. Pour moi, c’est le continent de demain. La scène artistique y est en plein boom. Nous sommes d’ailleurs en pourparlers pour ouvrir deux Mamas en Afrique du sud. Je suis également tombé amoureux de Medellín, une ville colombienne qu’on associe encore à Pablo Escobar alors qu’elle est ultra intéressante, ne serait-ce que par ses projets environnementaux. La seule chose qui pourrait nous éloigner d’une ville, c’est qu’elle pratique une quelconque forme de ségrégation à l’égard des femmes. Ça, c’est contre nos principes. Donc, même si on nous fait des ponts d’or, nous ne nous y installerons jamais. Et à Bruxelles, vous comptez ouvrir un Mama ? Oui, ainsi qu’à Anvers.

mamashelter.com

Suivez So Soir sur Facebook et Instagram pour ne rien rater des dernières tendances en matière de mode, beauté, food et bien plus encore. 

Lire aussi :