Rencontre avec Jean Imbert, chef de file des nouveaux étoilés Michelin

La cérémonie de remise des étoiles du Guide Michelin s'est déroulée ce 22 mars à Paris. Et parmi les heureux lauréats, on retrouve Jean Imbert, l'ancien Top Chef qui avait suscité un certain émoi l'an passé, en reprenant les cuisines d'Alain Ducasse au Plaza Athénée. Nous l'avons récemment rencontré, il nous commente sa vision de la cuisine et du luxe. 

par Jules Lambert, Photos D.R, Photo ouverture copyright: BobYallin/Plaza Athenée |

Un parcours atypique

Obtenir une étoile, c'est un joli pied de nez pour le chef Imbert. Propriétaire de son premier restaurant à 23 ans et vainqueur du concours Top Chef en 2012 à l’âge de 32 ans, Jean Imbert a un parcours atypique qui lui vaut quelques inimitiés auprès de certains critiques culinaires lui reprochant une ascension trop rapide entouré de stars comme Johnny Halliday à l’époque ou Pharell Williams avec qui il est associé sur divers projets, plutôt que de continuer à faire ses armes et accumuler les étoiles auprès de vieux briscards de la profession. Un gagnant de Top Chef pour remplacer vingt ans de collaboration avec Alain Ducasse qui avait offert trois étoiles au restaurant gastronomique ? Certains ont crié au fou. On comprend que quelques habitués de la grande salle majestueuse du restaurant gastronomique aient pu s’étrangler en commandant un vol-au-vent, un veau Orloff ou un Pithivier en lieu et place des spécialités sophistiquées de son prédécesseur.

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Mais c’était mal connaître l’art de Jean Imbert de sublimer ces plats traditionnels de la cuisine française. Et son discours culinaire prend alors tout son sens. Ici, car chaque bouchée vous replonge dans un souvenir tout en en faisant naître un nouveau… Celui d’un plat traditionnel sublimé, une sorte de retour aux sources qui a du séduire le jury du célèbre Guide Michelin. Le mouvement en cours dans la restauration de palace (et dans la haute gastronomie en général est clairement de ne plus viser une cuisine ultrasophistiquée mais de diversifier les expériences culinaires. Et dans ce contexte, Jean Imbert excelle désormais de part et d’autre de l’avenue Montaigne.

Le chef entouré de son équipe du Plaza Athénée - copyright: BobYallin/Plaza Athenée

Le Plaza, la Maison Dior, le choix haut de gamme

Jean Imbert officie désormais également dans les cuisines de la boutique de la Maison Dior: le restaurant "Monsieur Dior",  qui vient de rouvrir ses portes après des années de travaux, 30 avenue Montaigne à Paris. Un lieu mythique à deux pas du Plaza. Pourtant, le choix de Christian Dior d’implanter sa maison de couture avenue Montaigne ne doit rien au hasard. Pour réussir, la plupart de ses concurrents étaient déjà installés à proximité d’un grand hôtel parisien pour favoriser la venue des clientes fortunées en boutique. La présence du palace Plaza Athénée, créé en 1913 dans cette même avenue Montaigne, fut une raison stratégique d’implanter les ateliers sur le trottoir d’en face, en plus de permettre à Christian Dior, fin gastronome, de s’y rendre régulièrement. Le hasard de l’histoire est que l’homme qui officie désormais dans les cuisines du célèbre palace n’est autre que le même Jean Imbert.

Un hasard? Pas tant que cela: le chef explique: « Dans la chronologie, le projet Dior était arrivé avant le Plaza même si les nouvelles cuisines du Plaza ont ouvert avant Dior. Et lorsque je me balade dans le palace et que je vois des photos de Christian Dior partout dans les couloirs, son nom associé à des salles ou au spa, c’est un clin d’œil de l’histoire presque émouvant. Je pense que cela aurait fait très plaisir et probablement sourire Christian Dior de savoir que le chef dans son restaurant est aussi le chef du Plaza ».

Le restaurant Monsieur Dior, ouvert récemment. Copyright: Dior

L'héritage de votre grand-mère Mamie, l’héritage d’Alain Ducasse, l'héritage de Christian Dior,... La transmission est-elle dans vos valeurs ?

"Elle a toujours été présente, c’est vrai. Quand j’avais 12 ans, je voulais déjà que ma grand-mère me transmette ses recettes, c’est pour cela que d’arriver à ouvrir un restaurant avec elle a été un cheminement de longue date. Que ce soit au Plaza où j’ai envie de raconter l’histoire iconique d’un palace parisien et retransmettre des recettes de 200 ans ou dans mon obsession à intégrer des recettes historiques de Monsieur Dior, ce qu’il adorait manger après un défilé ou dans la maison de Granville… Quand j’y réfléchis, c’est vrai que je suis comme cela : j’ai besoin de m’accrocher à mes racines, comme je m’accroche à mon potager en Bretagne. J’ai besoin de m’accrocher à quelque chose qui rend la chose vraie parce que je ne supporte pas ce qui est superficiel et je ne me retrouverais pas dans un restaurant qui ne me raconterait rien. Je suis comme un enfant à qui on doit raconter une histoire et c’est pour cela que j’aime la raconter aux autres, la transmettre aux autres."

Quel regard portez-vous sur le luxe ?

Dans la vie personnelle, mon plus grand luxe, c’est mon potager en Bretagne, c’est de savoir d’où viennent les choses. Mais c’est aussi mon savoir de cuisinier, le savoir de mon palais. La part de luxe, c’est le savoir. Je me le répète souvent, je suis toujours très heureux de savoir cuisiner. Comme je suis toujours impressionné devant quelqu’un qui sait jouer du piano ou devant un grand connaisseur de la littérature. Savoir cuisiner, c’est un luxe incroyable parce qu’on peut recevoir des gens à diner. C’est pour cela que j’étais toujours impressionné par ma grand mère parce qu’elle savait cuisiner donc elle pouvait recevoir. Hier soir, je suis rentré chez moi à 23h30, j’avais quelques trucs dans le frigo et je me suis fait un petit repas. Je trouve que c’est toujours incroyable d’y arriver alors qu’au final ce n’était pas grand chose… Mais si on évoque le luxe dans une acception plus classique, je trouve que l’évolution de la notion de luxe, et plus encore depuis le covid, tend vers une certaine authenticité. Si on regarde les grandes Maisons historiques dans le luxe, on voit cette recherche perpétuelle autour des origines, d’où vient-on, quelle est notre histoire. J'aime l'idée de raconter une certaine idée de la France, de son art de vivre, de l’art de ses Maisons et je suis fier de faire partie de cette histoire, à ma mesure, à mon niveau.

Retrouvez cette interview exclusive en intégralité dans votre Magazine So Soir ce samedi 26 mars.

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