Rencontre avec le modiste le plus connu du pays, Elvis Pompilio

À l’écart du tumulte de la mode, le modiste le plus connu du Royaume continue à faire ce qu’il aime par-dessus tout : créer des chapeaux de manière artisanale, dans son atelier bruxellois. Interview (re)découverte et visite guidée des coulisses de sa légende.

TEXTE ET PHOTOS MARIE HONNAY. PORTRAIT CICI OLSSON |

Il a collaboré avec Ann Demeulemeester, Thierry Mugler ou encore Chanel. Il a géré jusqu’à vingt boutiques dans le monde, vendu des chapeaux à Madonna, Johnny et Blondie. Et puis, un jour, au tournant du nouveau siècle, l’homme qui avait réinventé le chapeau à la belge a tout arrêté. Depuis, plus de quinze ans ont passé. Mais la passion d’Elvis Pompilio, elle, n’a pas changé. Explications.

En 2002, au pic de votre activité, vous avez décidé de vous retirer du circuit commercial. Un choix qui, à l’époque, a surpris tout le monde. Que s’est-il passé ?

Je produisais 30 000 chapeaux par an, tous réalisés à la main. À l’atelier, j’employais 40 collaborateurs. J’étais devenu un gestionnaire, obligé de créer des coiffes d’été et des chapeaux d’hiver au rythme des saisons. Ça ne me correspondait plus. Je travaillais non stop sans prendre de vacances ou presque. Alors, quand j’ai senti que la fast fashion et les grands groupes de luxe étaient en passe de bouleverser le secteur, j’ai fait le point. Et décidé de fermer ma première boutique (celle à l’angle de la rue du Midi et de la rue du Lombard, à Bruxelles, ndlr). Une page se tournait. J’avais réalisé beaucoup de mes rêves. J’étais prêt à changer de vie. Revenir à mes fondamentaux : la création.

Pendant quelque temps, après ce changement de vie, vous avez quand même eu une autre boutique, rue Lebeau, dans le quartier du Sablon…

C’était une jolie vitrine. J’y suis resté quatre ans, mais là encore, je passais tellement de temps avec les gens que je n’avais plus l’occasion de créer. J’ai senti, une nouvelle fois, que j’avais besoin de passer à autre chose, d’aller là où on ne m’attendait pas forcément. J’aime créer la surprise, me surpasser. Lorsque je crée des chapeaux pour un défilé, je considère que mon travail consiste à dépasser les attentes des créateurs, à faire encore mieux que ce qu’ils imaginaient.

Concrètement, aujourd’hui, qu’est-ce qui vous fait vibrer ?

J’ai la chance de pouvoir créer des chapeaux pour une clientèle de puristes qui recherchent de belles pièces, le plus souvent sur mesure. J’ai retrouvé ma liberté. Celle d’imaginer des modèles uniques et surtout d’expérimenter de nouvelles techniques et matières.

En bref : on vous voit moins, mais vous n’arrêtez pas…

Je travaille, c’est vrai, sept jours sur sept. En marge des commandes privées, je crée encore des pièces pour des défilés comme, récemment, celui d’Ann Demeulemeester Hommes. Je suis également professeur à la Cambre. J’enseigne l’art du chapeau aux étudiants en Master Accessoires.

Quel est votre rêve, aujourd’hui?

Je pourrais vous dire que c’est la création d’un nouveau concept, à mi-chemin entre l’accessoire de luxe sur mesure et la production industrielle. Je me verrais bien proposer des chapeaux en série, mais ultra bien finis et vendus dans de toutes petites boutiques disséminées partout dans le monde. Mais si vous me reposez la question dans trois minutes, je vous dirais que j’ai juste envie de voyager, de créer à mon rythme et de profiter de la vie, tout simplement.