Une journée dans la peau d'un orfèvre

Pour percer quelques-uns des mystères du métier de joaillier, nous avons testé l’atelier d’immersion que propose Sergiu Lom et créé notre propre bijou.

TEXTE ET PHOTOS : MARIE HONNAY. |

Spécialiste du bijou sur mesure, le jeune joaillier Sergiu Lom a eu envie d’approfondir la relation personnalisée qu’il entretient avec ses clients. Cet ancien tatoueur (son tout premier métier) passé par la case designer de mobilier (il est diplômé de Saint- Luc Tournai et de la Cambre) a finalement choisi la création de bijoux comme moyen d’expression privilégié.

En septembre 2018, il a ouvert Esquisse Jewels, un atelier boutique installé à deux pas du Cinquantenaire. Un lieu à son image, décoré de meubles de récupération. Il faut dire que la recup”, Sergiu Lom adore ça. L’or qu’il utilise pour ses créations l’est aussi. Tout comme certains outils et meubles de son atelier.

L’univers de la joaillerie, l’artisan est tombé dedans il y a cinq ans lorsqu’il a montré les dessins qu’il réalisait en tant que tatoueur à un sculpteur, ancien collaborateur de la maison bruxelloise Leysen. C’est lui qui l’a convaincu de se lancer dans la joaillerie.

Du tatouage au bijou 

Autodidacte et visiblement passionné, Sergiu Lom réalise ses propres alliages sur base d’or recyclé. Une question d’éthique. Très épurés, ses bijoux se parent souvent de pierres qu’il choisit en collaboration avec sa fiancée, diplômée de l’école royale de gemmologie.

Du design au polissage en passant par la maquette et le travail d’orfèvrerie, il prend tout en charge, à l’exception du sertissage. L’artisan collabore aussi avec un graveur qui personnalise les bijoux des clients qui le désirent en y apposant un dessin ou une inscription. Ce qui l’a incité à imaginer cet atelier d’initiation ? L’envie d’accentuer encore la dimension humaine de son travail. 

"J’ai remarqué le caractère presque thérapeutique d’un tel atelier. Les participants ont la sensation de créer quelque chose de concret. Mettre la main à la pâte permet également de prendre conscience de l’aspect artisanal du métier de joaillier. C’est une manière de rééduquer les gens à la notion de beauté et au concept de savoir-faire. Je veux leur offrir une expérience qu’ils pourront ensuite porter au quotidien. Ce concept me permet en outre d’ouvrir les portes de mon atelier. Dans le monde de la bijouterie, on sait que c’est rarement le cas."

L'atelier en pratique 

Chaque workshop commence par un petit- déjeuner. Juste de quoi se mettre dans le bain et découvrir les rudiments du métier. Sergiu Lom présente aussi quelques pierres, histoire de tenir son public en haleine.

Vous pouvez en effet choisir de rehausser, moyennant un supplément, la pièce que vous vous apprêtez à créer de quelques mini-saphirs, grenats, tsavorites, tourmalines ou citrines. Le joaillier les place sous une lampe spéciale permettant d’obtenir un rendu semblable à celui obtenu à la lumière du jour. Instant magique... Reste à déterminer la pièce que vous voulez créer : une bague, un pendentif ou un bracelet.

C’est un étage plus bas, dans le sous-sol du magasin transformé en atelier, que le travail peut vraiment commencer. Mais autant être clair tout de suite : le métier de joaillier n’est pas destiné aux pressés et aux impatients. Chaque étape demande rigueur et minutie. Très calme, Sergiu Lom explique, montre, corrige et, au besoin, prend le relais à l’établi.

À vous de jouer

Accueillant et chaleureux, l’atelier traduit parfaitement l’esprit qui anime le joaillier. On y découvre un établi réalisé avec les pieds d’une table vintage, un tableau d’école, un banc à étirer “fait maison” et quelques postes de travail destinés à la fonte, au polissage et au sertissage, les différentes étapes de la création d’un bijou.

La première, c’est la formation d’un lingot. À ce stade, on laisse le maître faire. C’est lui qui fait fondre le métal de récupération à l’aide d’un chalumeau, puis qui le coule dans une lingotière. Ça ne plaisante pas. Les participants sont invités à s’attacher les cheveux et à porter des vêtements de coton, histoire de ne pas finir la matinée transformés en torche vivante. Voir le métal se liquéfier lentement a un côté magique.

Pour arrêter l’oxydation, le lingot est ensuite trempé dans de l’acide. Ce processus est répété plusieurs fois au cours de la mise en forme du bijou. L’idée, c’est qu’il reste suffisamment malléable pour être travaillé. C’est sur base de ce lingot que les apprentis joailliers vont pouvoir façonner leur pièce.

Face au laminoir, un appareil qui permet de transformer la grosse “frite” sortie de la lingotière en un fil d’argent, il faut trouver le bon calibrage. Ce même laminoir sert à façonner les fines griffes des bagues. Dans ce cas précis, l’expression “travail d’orfèvre” prend alors tout son sens...

Une main de fer

Après plusieurs allers-retours entre le poste de fonte et le laminoir (notre patience est mise à rude épreuve), le bijou est prêt à être formé. Enfin, presque... L’un des aspects sympas de cet atelier, c’est que vous pouvez tout décider en temps réel.

Au moment de donner sa forme au fil (l’engin utilisé s’appelle une filière), nous devons trancher : notre bracelet sera plutôt carré, rond ou entre les deux ? Ici, le travail est artisanal. Cet atelier est un bon moyen de prendre conscience de toute la complexité du métier.

De retour à l’établi, Sergiu Lom nous propose un exercice de découpe de l’argent. L’outil ressemble à un fil à couper le beurre, mais finement dentelé. Le bracelet est posé sur la cheville de l’établi : une petite pièce de bois propre à chaque joaillier car adaptée à sa manière de travailler. Il est scié pour obtenir la bonne longueur, puis limé et poli. Une étape qui demande de la poigne, mais aussi beaucoup de minutie.

Place au point suivant : celui qui consiste à courber le fil d’argent. L’outil porte un nom aussi étrange que rigolo : triboulet. L’argent plie sans broncher. Vu comme ça, l’exercice a l’air simple. Encore faut-il trouver la bonne inclinaison à donner au marteau et ne pas taper trop fort. L’idée, c’est de dessiner une jolie courbe, pas de mettre le bijou KO.

Reste les différentes (et très longues) phases de polissage : d’abord à la main avec des grains de plus en plus fins, puis avec deux machines différentes. L’idée, c’est de ne pas lâcher l’affaire avant que le bracelet soit parfait. Cela dit, les éventuelles petites imperfections font partie du jeu. Elles vous rappellent, chaque fois que vous portez votre bijou, que c’est vous qui l’avez réalisé. Enfin, presque...

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