Voyage en terre Lalique

Dans le Grand-Est, les savoir-faire d’excellence du monde verrier sont toujours vivants. Autour du village de Wingen-sur-Moder, le nom de Lalique résonne encore à l’ombre de la tradition nancéenne.

Par Agnès Zamboni. Photos Lalique sauf mentions contraires. |

Vous rêvez de grand air et de nature préservée, loin du bruit de la ville ? Prenez la route des arts du feu pour entrer au Paradis, ou plutôt, dans le parc naturel régional des Vosges du Nord, première réserve mondiale de biosphère. Ici, le silence est roi et vos voisins sont les oiseaux…

La région se visite à pied, à cheval ou en VTT, recèle de merveilleux villages et rayonne de lieux uniques d’une grande valeur artistique. Réunis sous la scintillante appellation Les étoiles terrestres, ils nous rappellent qu’y il a cinq siècles, les premiers ateliers de verrerie se sont installés ici, avec à proximité, toutes les ressources naturelles pour assurer leur avenir : bois des forêts, sable issu du grès rose, fougères riches en potasse et bien sûr, l’eau, pour fabriquer la pâte de verre. Ici, la Villa Lalique et son musée forment une parenthèse enchantée, où la beauté et l’élégance se sont réfugiées, à l’abri des grandes artères et des agglomérations. 

Un parcours unique

René Lalique, à la fin du XIXe siècle, a donné une nouvelle impulsion à l’art du bijou en faisant cohabiter émail, corne, ivoire, nacre et pierres semi-précieuses, c’est encore lui qui, au début du XXe siècle, dépoussière celui du flacon de parfum. Grâce au succès qu’il rencontre dans ce second domaine, il fait construire, en 1921, la Verrerie d’Alsace à Wingen-sur-Moder. Nous sommes alors en pleine période Art déco, qui va inciter René Lalique à adopter la géométrisation des formes dans l’air du temps. Lui, qui a si bien représenté, avec poésie, simplicité et délicatesse, la flore la faune et la figure féminine de l’Art nouveau, saura évoluer dans la mouvance des styles. 

Une maison familiale

A l’exposition des arts décoratifs de 1925, le talent de Lalique culmine avec des propositions, à un très haut niveau de raffinement, dans l’univers de la décoration intérieure, des arts de la table, des objets décoratifs et des projets architecturaux. Une boutique rue Royale à Paris voit enfin le jour, en 1935. Après un ralentissement de la production pendant la Seconde Guerre mondiale et le décès de René Lalique en 1954, c’est son fils Marc qui remplace le verre par le cristal et hisse la maison Lalique au rang des plus grandes cristalleries françaises et étrangères. Et Marie-Claude, petite fille du fondateur, perpétue jusqu’en 1977, l’œuvre familiale en mariant modernité et tradition.

Une ouverture sur la modernité

Rachetée en 2008 par la société suisse Art & Fragrance, renommée Lalique Group en 2016, la maison Lalique poursuit toujours la pratique des savoir-faire traditionnels en s’associant à des artistes et designers pour créer des objets hors du commun : Mario Botta, Zaha Hadid, Anish Kapoor, Damien Hirst ou le Studio Putman… La liste est longue. Après une modernisation de la manufacture historique (que l’on ne peut hélas pas visiter) en 2010, l’année 2011 a permis l’ouverture du musée Lalique signé Jean-Michel Wilmotte, et le lancement de la ligne Maison, composée de nouvelles créations de meubles, accessoires de décoration et linge de maison, avec la collaboration de Lady Tina Green et Piero Mingarelli, qui ont réinterprété les codes de l’Art déco. Reconnue aujourd’hui Entreprise du Patrimoine Vivant, Lalique symbolise l’art de vivre à la française, sous toutes ses formes.

Une villa majestueuse

Plantée au cœur d’un parc de six hectares, la bâtisse historique offre un environnement extérieur simple et bucolique. De style Art déco, construite en 1920 par René Lalique, il venait s’y ressourcer et retrouver l’inspiration. Laissée à l’abandon, cette belle endormie fut réveillée en 2015, à l’initiative de Silvio Denz, à l’époque PDG de Lalique, puis métamorphosée en hôtel 5 étoiles. Six suites déclinent les motifs emblématiques et intemporels de René Lalique et chacune est attachée à une décennie de son art, de celui de son fils Marc et sa petite-fille Marie-Claude : l’hirondelle, le dahlia, le dragon, le masque de femme…

Tous les décors fétiches sont travaillés en cabochons, incrustations et broderies, entourés d’un choix de textiles d’ameublement et orchestrés dans une harmonie de couleurs personnalisées, rehaussés par une sélection d’essences de bois précieux qui se révèlent sous des laques transparentes. 

Dans tous les espaces, les détails ont été étudiés et travaillés jusqu’à la perfection. Poignées de portes, télécommandes ou enceintes audio… tout est griffé Lalique. La décoration des suites a été confiée à Lady Tina Green et Piet Mingarelli, architectes d’intérieur et la fabrication du mobilier est italienne. Partie intégrante de la prestigieuse collection des 569 établissements estampillés Relais & Châteaux, la Villa Lalique s’accompagne d’un restaurant gastronomique 2 étoiles, où la beauté se retrouve aussi dans les assiettes du duo de chefs, Jean-Georges Klein et Paul Stradner.

Bientôt Lalique à table… 

A cinq minutes à pied de là, continuez le voyage au pays du verre dans le musée mémoire de Lalique qui, outre une présentation permanente des créations de René Lalique et de ses héritiers, organise des expositions temporaires. Celle consacrée à l’invention du flacon de parfum moderne a marqué l’année 2019. Dans ce bâtiment, ouvert depuis 2011, plus de 650 œuvres racontent le parcours du maître, de ses bijoux aux trésors de la maison Lalique comme le vase Bacchantes, les créations d’art de la table, les luminaires… 

Une nouvelle exposition, « La table, tout un art », est programmée du 7 mai 2021 au 1er novembre 2021, autour de l’art du vin et des tables de prestige auquel le nom de Lalique est toujours associé. Plats, plateaux, coupes, chandeliers, porte-menus et verres fins de belle facture ont tenté d’êtres démocratisés par ce créateur que Sarah Bernardt aurait aimé choisir comme chef d’orchestre pour un « dîner mémorable » dédié à ses amis : « Je voudrais que Lalique se charge de décorer ma table. Il disposerait pour cette fête gastronomique ses plus belles pièces et ses plus beaux chandeliers, dont la lumière se refléterait dans les charmants objets de la table. Quoi de plus amical que d’entendre tintinnabuler le beau cristal comme l’écho d’une jeune voix qui se répand d’un bout à l’autre de la table ? »

Les nouveautés en 2020

Chez Lalique, au début du troisième millénaire, les 3 F (Femme, Flore et Faune) sont toujours à la source de l’inspiration et symbolisent l’inextinguible force de la nature, qui continue à couler dans les veines de la création. Marc Laminaux, le directeur artistique actuel,  a retravaillé le mélange de douceur florale et de force minérale qui caractérise la signature de la maison. La nouvelle collection Botanica 2020 nous entraîne au printemps avec des effluves de pivoine, muguet, cerisier en fleurs, orchidée et lotus. La fleur éphémère est cristallisée dans un moment d’éternité avec des pièces à la surface offrant des contrastes de matière satinée et repolie, ressuscitant la délicatesse de la fleur sur sa branche. Tandis que pour Noël,  le poinsettia, plante d’un rouge velouté baptisée « étoile de Noël », a été choisi pour décorer le sapin. 

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