Carlo de Pascale nous révèle le meilleur du terroir italien

Truffes, noisettes et fromages, Carlo de Pascale nous emmène en escapade gourmande dans le Piémont, cette région d’Italie berceau de mille richesses gastronomiques. Il partage avec nous trois expériences food indispensables vécues sur place!

TEXTE ET PHOTOS CARLO DE PASCALE SAUF MENTIONS CONTRAIRES. |

Ici à l’automne il pleut, en hiver il neige, et l’été, c’est le cagnard. On descend de quelques dizaines de kilomètres et c’est la Ligurie et la mer. On remonte et c’est la beauté de l’arc Alpin. Turin, capitale éphémère de l’Italie unifiée par les rois de Savoie, Cavour et Garibaldi, a même son “Atomium” : une tour peu connue et pourtant impressionnante, la Mole Antonelliana. Plus de 160 m de haut, et un belvédère, perché à 85 m d’altitude, qui permet d’embrasser la vue du fleuve Pô jusqu’aux Alpes tout en découvrant le paysage rigoureusement géométrique de la ville, légèrement pontifiante dans sa raideur baroque et, surtout, néoclassique.

Côté cuisine, outre les produits nobles, truffe, fromages, noisette, le Piémont peut s’enorgueillir de recettes issues de la tradition où l’on emploie souvent les conserves de poisson pour accompagner la viande. Bagnet verde, pour accompagner le bollito et le fameux vitel toné. Le tout arrosé de cépages Barbera et Nebbiolo, qui donnent ici parmi les plus grands vins d’Italie. Début novembre, j’ai passé quelques jours riches en découvertes dans le Piémont ; j’ai choisi de vous partager trois expériences gourmandes indispensables.

La truffe blanche (et la noire aussi)

C’est dans cette région parfois méconnue que se cache l’un des produits de gastronomie parmi les plus fantasmatiques du monde : la truffe blanche d’Alba, tuber magnatum pico. C’est la carte de visite, l’ambassadrice la plus désirable de cette partie a priori austère de la Botte. Jusqu’au 5 décembre, à Alba, tous les week-ends, a lieu la foire de la truffe blanche. Un événement où les trifolai (caveurs) du Piémont viennent vendre leurs diamants blancs (ainsi que des truffes noires d’automne, tuber uncinatum) à une clientèle venue du monde entier, dont nombre de simples gastronomes passionnés.

Des truffes, des balances de précision et surtout des juges qui, chaque matin, contrôlent tous ces véritables cadeaux de la terre. Mieux que ça, si après votre achat (qui se chiffre vite en centaines d’euros) vous avez le moindre doute sur la qualité, vous pouvez soumettre vos truffes à la sagacité des experts et la truffe non satisfaisante vous sera remplacée, même à distance !

En plus de la visite de la foire, le moment magique, c’est la “chasse” aux truffes avec un trifolao. Avec l’entreprise Andar per tartufi – qui selon les saisons prépare des conserves ou... emmène des foodies en forêt –, j’ai, sous une pluie battante, ramassé la truffe avec une des seules femmes qui pratique ce métier. Martina Aloi, 22 ans tout juste de compétence et de passion. Avec sa chienne Edvige, dressée en dialecte piémontais (Ben andrè ! Giuma !) elle a développé une relation fusionnelle, qui est une magnifique leçon de vie et de nature.

fieradeltartufo.org ; andarpertartufi.com

La noissette IGP (Nocciola Tonda Gentile IGP) 

La noisette du Piémont, une délicatesse trilobée, reconnaissable à cette particularité botanique. Ce fruit sec a d’abord été une aubaine. Début XIXe, blocus maritime de l’Angleterre, le Piémont ne reçoit quasi plus de cacao, dont les aristocrates et les bourgeois sont friands. Vient l’idée géniale de remplacer une partie de cacao par de la pâte de noisettes. C’est ainsi que naîtra le gianduja, la fameuse praline turinoise, qui inspirera bien plus tard une pâte à tartiner mondialement célèbre.

En 1964, M. Ferrero, austère et paternaliste patron d’une confiserie de renom, rebaptise sa supercrema très locale en Nutella. Il a donc le produit (une pâte à tartiner supertartinable) et désormais, il a le nom, une marque née pour être internationale. Aujourd’hui, la noisette IGP du Piémont est trop belle pour le Nutella, mais elle est utilisée par les artisans et chefs du monde entier. Délicatement torréfiée, dérobée de sa cuticule, entière, concassée ou transformée en pâte à tartiner artisanale, elle a contribué au développement de l’économie locale tout en façonnant le paysage des Langhe, où noisetiers et vignes s’alternent en parfaite harmonie.

Un chocolatier bean to bar turinois créatif : Guido Gobino revisite le gianduiotto en tourinot ; guidogobino.it

La tuma et la Giuncà

Rencontre avec Silvio Pistone. Au départ, il est carreleur, mais il se passionne pour les brebis, leur lait, les fromages ancestraux. Il constitue un cheptel de bêtes de race locale, des Langhe, et en 1996, il apprend à faire un petit fromage doux de brebis : la tuma, qu’il affinera de diverses façons. Il ressuscite également un fromage frais, la giuncà : ni un yaourt, ni un fromage blanc, mais une sorte de crème peu grasse d’une douceur aérienne qu’ils ne sont plus que deux à produire dans toutes les Langhe. On est ici au-delà du slow food, on est dans le sanctuaire de la préservation de produits simples mais irremplaçables.

Sa giuncà se déguste sans rien, ou à la rigueur avec un peu d’huile d’olive et d’assaisonnement. Sa tuma se déguste fraîche ou affinée, découpée en morceaux et conservée au sel dans un bocal. Elle développe alors des saveurs puissantes. Quand les brebis arrêtent la lactation, Silvio va aux truffes. Bientôt, il ouvrira également des chambres d’hôtes.

cascinapistone.it

En pratique 

Voyages dans le Piémont : Alessandro Melan, dolcevita.be
La truffe en Belgique : Manu Hubeaux ; sur commande, truffes blanches et noires chaque semaine, punto-it.wine
Noisettes du Piémont en Belgique : rob-brussels.be

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