Dans les coulisses de la création d'une montre d'exception

À l’occasion du salon international Watches & Wonders, nous avons rencontré Marie-Laure Cérède, directrice de création de l’horlogerie Cartier, qui est revenue avec nous sur le développement de la dernière montre de la collection Cartier Libre, inspirée par un bijou iconique de l'actrice Gloria Swanson.

 

Par Magali Eylenbosch. Photos Cartier. |

Chez Cartier, on a su dompter le savoir-faire horloger et les grandes complications. Chaque année, la maison se doit de susciter l’émotion. Elle l’a notamment fait avec deux montres exceptionnelles. L'une d'elles fut inspirée par un spectaculaire bracelet en cristal de roche et diamants, alors créé pour l’actrice Gloria Swansondans les années 1930, et a rejoint la collection Cartier Libre. Marie-Laure Cérède, directrice de la création nous en dit plus sur sa conception.

Parlez-nous de la synergie entre design et création horlogère…
C’est une préoccupation quotidienne. Pour moi, la création de la maison Cartier doit avoir du sens et ne pas être purement décorative. On commence toujours par le dessin à la main.  C’est très important parce qu’il est vecteur d’émotion. D’ailleurs souvent, en fin de parcours et après avoir fait des constructions en utilisant les techniques modernes, on se rend compte que la pièce est particulièrement proche du premier croquis.

Qu’est-ce qui fait la différence entre une montre Cartier et une autre montre de luxe ?
Nos montres racontent une histoire. J’aime dire aussi qu’une montre Cartier, c’est une signature en un trait. On prend le crayon et la pièce doit prendre forme en un trait parce que c’est cette perfection que nous recherchons. On va faire plusieurs essais et, à un moment, ça devient magique. Pour moi, une autre chose importante, c’est la volonté de maîtriser parfaitement le patrimoine de la maison. Même si on s’en libère, sa connaissance fait partie des prérequis nécessaires à la maîtrise du design et à la manière de concevoir l’horlogerie chez nous.

Peut-on dire que l’horlogerie se met au service de la création ?
Oui, parce que la création et la beauté du produit priment. Mais il s’agit d’un dialogue et le but est toujours d’emmener la technique plus loin pour qu’elle réponde à nos ambitions. D’ailleurs, cette année, nous présentons deux produits qui sont extrêmement complexes. L’un, dans la collection Cartier Libre et l’autre, dans la collection Coussin.

Comment vous est venue l’idée de vous inspirer du bracelet en cristal de roche et diamants ayant appartenu à Gloria Swanson ?
Ce bracelet est iconique. De passage dans l’atelier de haute joaillerie, j’ai vu l’un des joailliers travailler sur une réédition de ce bracelet. J’étais subjuguée par l’élasticité et la minéralité du produit. Je me suis dit qu’il fallait essayer de le rendre plus accessible et plus contemporain. À partir de là, nous avons fait des dessins et nous avons entamé un dialogue avec la manufacture. Il y a trois faces. La difficulté a été de combiner trois histoires différentes puisqu’elles ont chacune des couleurs et des pierres différentes. La montre se cache dans la continuité des maillons. C’est la petite surprise !

Le bracelet en cristal créé alors pour Gloria Swanson dans les années 30.

Dans la collection Cartier Libre, cette montre de forme singulière inspirée par ledit bracelet. Entièrement réversible, elle se retourne sur elle-même avec la souplesse d’un élastique : côté face, une montre, côté pile, un bracelet. Elle existe en trois versions, une en or gris, une seconde en or rose (ci-dessus) et dotée de 394 diamants, et une 3e en or rose également mais sertie de 711 diamants.

Vous imposez-vous de revisiter certains matériaux en commençant une collection ou est-ce un hasard ?
On ne s’impose rien, la seule exigence que l’on ait est d’utiliser un langage coloriel qui rappelle la maison. Et ça passe parfois par des matériaux ou des pierres qui n’ont été que peu utilisés. Il faut que chaque pièce ait la signature Cartier, mais nous n’avons pas le poids du temps. Une pièce ne sort que lorsqu’elle correspond parfaitement à nos attentes. C’est une chance. Nous avons aussi un devoir d’audace. Si nous nous reportons à l’époque de Jeanne Toussaint, elle a toujours été extraordinairement audacieuse. Nous retravaillons nos icones de manière très subtile en leur apportant de la modernité, mais, à côté de ça, on doit rajouter à notre langage esthétique des choses surprenantes.

Quelle serait pour vous une faute de goût au niveau de la création ?
Faire quelque chose qui n’a pas de sens. Ça voudrait dire qu’on tombe dans la facilité ! La pérennité d’un produit est due au fait qu’il apporte du sens.

On dit de plus en plus que la mode a tout dit. Ça n’a pas l’air d’être le cas en horlogerie…
Je suis convaincue qu’il y a une voie que l’on doit explorer, et qui ne l’est pas beaucoup aujourd’hui. Elle consiste à faire des montres à la manière d’un joaillier et pas à la manière d’un horloger. Les deux pièces que je vous présente n’ont pas pour première ambition de dire l’heure ou d’être typiquement une montre bijou. Je pense notamment aux montres à secret. On essaie d’installer une troisième voie qui n’est pas catégorisable de manière précise mais qui va nous permettre de faire ce pont entre l’art du joaillier et celle de l’horloger. Pour moi, c’est une autoroute de création. Et puis, l’évolution de la technique nous offre un potentiel de développement créatif immense.

cartier.com

Ne manquez plus aucune actualité lifestyle sur sosoir.lesoir.be et abonnez-vous dès maintenant à nos newsletters thématiques en cliquant ici.