Le chef Nicolas Decloedt nous livre ses secrets pour sublimer la betterave

Adorée des chefs, souvent boudée des consommateurs : la betterave divise. Et si on redonnait une chance à ce légume racine ?

PAR LAURA SWYSEN. PHOTOS D.R. SAUF MENTIONS CONTRAIRES. |

Les betteraves ne m’ont jamais vraiment attirée. Un goût tantôt fade, tantôt terreux ; je les ai subtilement évincées de mes assiettes pendant de nombreuses années. C’est dire ma tête lorsque, un jour, un chef en a glissé une “déclinaison” dans son menu. J’attendais ce plat comme un enfant attend une visite chez le dentiste... Et là, surprise ! Le légume racine n’avait rien à voir avec celui que j’avais goûté pendant mon enfance. Ce tartare de betterave rouge et sa tuile de betterave Chioggia étaient une pure explosion de saveurs, bien loin des salades en cubes fadasses de la cantine. Depuis cette expérience, je ne suis plus étonnée de croiser ce légume racine à la carte de nombreux établissements gastronomiques, comme la prestigieuse table d’Humus x Hortense. Dans cet établissement bruxellois couronné d’une étoile verte au Guide Michelin, la betterave se déguste en entrée, en plat, en dessert et... dans un verre !

De l'apéro au dessert

Dans ce temple multiprimé du végétal - Nicolas Decloedt a été élu “Meilleur chef légumes 2019” par le Gault & Millau et son établissement a décroché le titre de meilleur restaurant vegan au monde décerné par le guide We’re Smart - la betterave est l’une des stars du menu. En tartare, en marinade, cru, cuit ou confit, le légume racine est l’un des chouchous du chef. C’est un produit que l’on travaille très régulièrement. J’apprécie son goût riche et sa profondeur, c’est une saveur particulièrement intéressante. En plus, les betteraves que Dries, mon maraîcher, me fournit n’ont pas ce goût terreux qui peut s’avérer dérangeant.

Même si la clientèle d’Humus x Hortense se veut très ouverte et s’attend à un menu végétal aux saveurs surprenantes, Nicolas Decloedt sait pertinemment que la betterave n’est pas l’aliment favori des gourmets, plus encore lorsqu’il est servi en dessert. Même si c’est encore peu courant dans la culture occidentale, de nombreuses gastronomies intègrent des légumes dans leurs préparations sucrées. À l’exception de la carotte, c’est une habitude encore peu présente chez nous, mais je vous garantis que ce n’est pas aussi étrange que ça en a l’air ! (Rires) Souvent, nous associons des saveurs moins connues à des produits plus appréciés. Par exemple, je prépare un dessert à base de betterave rouge, de chantilly et de chocolat blanc. Ce mélange de produits et de textures connues ou moins connues facilite la dégustation.

Le goût riche de la betterave fait de ce légume racine un aliment parfois difficile à marier. Pour Nicolas Decloedt, deux familles d’aliments sont capables de la sublimer. Je l’associe presque toujours à deux types de saveurs : je la sers soit avec du piquant, comme le Raifort, soit avec un aliment qui se distingue par sa fraîcheur comme le vinaigre ou des légumes fermentés, dont l’acidité aideront à contrebalancer le côté rond, terreux et sucré de la betterave. En entrée, j’aime accompagner la betterave d’une crème au yaourt ou au fromage de brebis. Je la prépare aussi en tartare avec de la rhubarbe fermentée. Pour accompagner ces mets originaux, vous pouvez tester un des cocktails durables conçus par Caroline Baerten (la mixologue utilise des restes d’herbes et de légumes pour préparer des infusions et des fermentations qui assaisonnent ses cocktails botaniques) ou poursuivre sur votre lancée en optant pour... une bière aromatisée à la betterave : la Cantillon Zwanze 2020. Nous sommes de grands amateurs des bières Cantillon. Celle-ci est très équilibrée, le goût riche de la betterave est contrebalancé par l’acidité de la bière.

Chez Humus x Hortense, la betterave se décline de l’entrée au dessert :

La chouchoute des chefs

Le succès de la betterave s’explique par sa polyvalence et son goût, mais aussi par celui de la philosophie montante du “bien manger”. Elle s’inscrit parfaitement dans ce mouvement, qui prône une cuisine durable, végétale, de saison et locale. Le légume racine qui  se décline dans de nombreuses variétés, est un pur concentré de bons nutriments (vitamine A, bêta- carotène, vitamine C, fer, magnésium ou encore potassium). Elle diminue la tension artérielle, détoxifie le foie, réduit le taux de mauvais cholestérol, a un effet bonne mine et des vertus aphrodisiaques.

Si elle est très prisée des chefs, que ce soit dans des établissements gastronomiques ou non (la chaîne SushiShop en a fait la star de sa dernière collection de sushi veggie), le consommateur belge la boude encore, comme l’explique Dries Delanote, le maraîcher de Nicolas Decloedt. Je constate une forte augmentation de la demande de betteraves ces dernières années, mais cela concerne plutôt les chefs, le consommateur belge reste encore frileux. Pendant la pandémie, l’horeca étant fermé, nous nous sommes retrouvés avec un grand stock de betteraves que nous avons essayé de vendre aux particuliers. Mais cela n’a pas eu le succès escompté, raconte le maraîcher, qui cultive des betteraves rouges, jaunes ou Chiogga bio. Heureusement, la situation s’est depuis rétablie et ses précieuses betteraves sont de retour sur la table d’Humus x Hortense. Nicolas a un style particulier, j’aime ses associations surprenantes ainsi que son approche respectueuse du produit et des saisons. Je suis fier de voir mes légumes dans ses assiettes !

L'adresse ? Humus x Hortense, 2 rue de Vergnies, 1050 Bruxelles

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