Resto: on a testé L'Air de Rien à emporter

Carlo et Florence rêvaient de goûter le menu à emporter de l’Air de Rien, à Fontin (près d’Esneux). Ils ont donc enfilé leur plus joli masque et couru, volé… pour se rouler aux pieds du chef Stéphane Diffels.

Texte et Photos Florence Hainaut et Carlo de Pascale |

J’aime d’amour mon quartier bruxellois hétéroclite et foisonnant, et en cette période de menus à emporter, je ne peux pas dire que j’ai manqué de matière (à manger et à écrire). Mais j’aime encore plus Stéphane Diffels, même s’il a eu le mauvais goût d’ouvrir son restaurant, L’Air de Rien, fort loin de ma zone de confort. Dans ces mêmes pages, il y a quelques années, j’écrivais à son propos : « C’est l’un de ces chefs à qui il faut faire une clé de bras et un plaquage au sol pour avoir l’occasion de lui dire à quel point il nous a emmenés loin et que c’était beau. »
Depuis, quelques repas arrosés aidant, nos relations se sont passablement réchauffées. J’arrive même à lui faire un semblant de câlin, au mépris de toutes les règles de sécurité, ce samedi glacial, quand je viens quémander ma pitance. Les restaurants me manquent, les chefs me manquent. Stéphane est l’un des plus brillants qu’il m’ait été donné de rencontrer. Tout dans sa cuisine est équilibre, délicatesse et bienveillance. Tout dans son parcours force l’admiration. Et puis il est super drôle, mais ça, c’est une autre histoire. Entre les deux confinements, il a enfin ouvert son nouvel établissement. Le précédent était mouchoir de poche. Ici, c’est grosse débandade de volumes impressionnants, bois bruts, vieilles pierres et lumières au poil. J’y ai passé cet été un repas merveilleux. Mais là, la salle est vide et ça fait un peu mal au coeur.

Le menu

Le chef me prévient : "Ce n’est pas vraiment représentatif de ce qu’on fait d’habitude, c’est plus bistro". Faut dire que le travail ultra minutieux, les cuissons millimétrées et les dressages artistiques, ça se prête moyennement aux formules à emporter, surtout quand le gourmet take away confond meringue et croûton. Tu n’es jamais à l’abri qu’on saborde ton précieux équilibre en se trompant de potiquet en carton. Donc, au plus simple, au mieux. Mais le « simple », chez Stéphane, ce n’est pas rien. Pour 38 euros, j’ai mangé une journée entière. Je vous fais le déroulé…

 

Au gré des petits creux

11h, j’ai un petit creux. Je réchauffe la soupe de poisson. Jusqu’ici, ma référence ultime, c’était celle de chez Pérard au Touquet. Well. Me voici dans une autre dimension. Si Carlo, pas très fan de trucs à écailles, était avec moi, je mets ma main à couper qu’il aurait souligné la merveille d’équilibre. Si le poisson est bien présent - j’ai même repéré des crevettes grises et du saumon - il laisse poliment la place aux autres goûts. Le chef l’a assaisonnée au whisky et à l’ouzo, ce qui a l’étonnante propriété d’alléger et d’épicer le bazar. Les croutons croutonnent, la rouille fait ronronner. Plaisir.

13h, j’ai un petit creux. J’attaque l’entrée. Le petit contenant cartonné est à placer 10 minutes au four. Dedans, un oeuf mollet au jaune étonnamment cuit à la perfection (c’est plus du talent, c’est de la magie), une poêlée de champignons au lard de colonatta, des cubes de foie gras qui ont un peu fondu, des croutons. Le Chef s’étant arraché les poils de barbe à faire un joli dressage, il m’avait fait les gros yeux : pas question que je retourne tout dans une assiette, ça va ressembler à la bouillie pour bébé. Je couine donc de bonheur devant mon pot en carton bien dressé.

Sieste.

18h, j’ai un petit creux. J’attaque le plat. Le magret de canard de chez Lamy (tout ou presque est ultra-local dans la cuisine de Stéphane), présenté sous vide, se réchauffe au bain-marie, puis se colore à la poêle. La peau, déjà incisée, libère un gras divin dans lequel on fait revenir les pommes de terre. Les légumes, chou rouge à la framboise, betteraves et navets au thym citron font genre qu’ils sont classiques, jusqu’à la première bouchée. Trop de plaisir. Je m’endors devant un épisode de série.

20h, je me réveille, j’ai un petit creux. Mais je garde la crapuleuse crêpe Suzette aux zestes confits pour le lendemain. De mémoire de fille pas matinale, j’ai rien trouvé de mieux pour un lundi matin.

Quel marathon sublime, mes amis !

Les menus de L’Air de Rien, 38€ par personne, disponibles les samedis, jusqu'à ce que la vie presque normale reprenne.

A réserver via traiteur.lairderien.be

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