Cinq lieux à voir au moins une fois dans sa vie selon le photographe Serge Anton

Le photographe globe-trotter, spécialiste du portrait, est l’un des invités de l’exposition Hope, à découvrir à La Maison Commune, un nouvel espace de rencontres artistiques à Ixelles. L’occasion pour nous de revenir avec lui sur ses voyages qui l'ont marqué. 

Par Sigrid Descamps. Photos : Serge Anton |

Que représentent les voyages pour vous ?

C’est à la fois du travail et du plaisir. J’ai travaillé pour nombre de grandes marques qui m’ont envoyé dans différents points du globe. Quand on bosse, on a rarement le temps de découvrir le pays, mais je m’arrange souvent pour prolonger mes séjours pour pouvoir faire d’autres choses sur place. Par exemple, lors d’un contrat à Madagascar, je suis resté pour faire des portraits, ma spécialité depuis 35 ans. Au final, je ne vois plus trop la différence entre les voyages pour le travail et ceux pour le plaisir, tout est lié.

Vos destinations dépendent-elles donc toujours des missions que vous acceptez ?

Pas toujours, mais souvent. La plupart de mes voyages étaient liés à des missions professionnelles, mais celles-ci sont très diverses ; j’ai travaillé pour des campagnes publicitaires, mais aussi pour des missions humanitaires.

En quoi les voyages vous séduisent-ils ?

On revient toujours transformé d’un voyage. Voyager, c’est s’ouvrir l’esprit. Mon père utilisait cette expression que j’affectionne particulièrement : “N’oublie jamais de te laver l’œil”. Il voulait dire par là qu’il faut sans cesse oublier ce que l’on a vu pour mieux regarder les choses autrement... comme quand on était un enfant. J’ai besoin de bouger sans cesse, de voir d’autres univers, de me ressourcer...

Votre dernier grand voyage, où était-ce ?

C’était à Madagascar avant la pandémie. Il y a déjà trois ans ! Depuis, je travaille sur un gros projet dans les Ardennes françaises, où je vais ouvrir L’Atelier, à Sedan. Le confinement m’a obligé à me poser. J’ai acheté une presqu’île où depuis deux ans je gère l’énorme chantier de ce projet. Je veux y mélanger des artistes de partout dans le cadre d’ateliers sur la photographie évidemment, mais aussi l’architecture, la céramique...

La vidéo du jour :

Le confinement nous a poussés à revoir notre notion d’évasion. Pour vous dépayser sans trop vous éloigner, où allez-vous ?

Précisément à Sedan, où j’ai acheté cette presqu’île avec une maison abandonnée depuis plus de quinze ans. Il y a une cascade devant, dont le bruit me rappelle l’Afrique. Il y a également un énorme branchage, un arbre sur l’eau sur lequel les oiseaux viennent se poser. Les Ardennes sont méconnues, un peu rudes, mais magiques.

De tous vos voyages, lesquels vont ont particulièrement marqué ?

Le Maroc. J’ai découvert Marrakech et le Haut Atlas en 1998 avant que cela devienne une destination branchée. A l’époque, dans le Haut Atlas, il y avait encore des tas de villages reculés, sans eau ni électricité. Ensuite, je dirais Madagascar, que j’ai découvert le pays dans le cadre d’une mission pour Pierre Marcolini. J’adore ce pays, les Malgaches sont d’une gentillesse absolue. Ça reste très peu touristique. Comme on y parle français, le contact passe facilement et les liens se nouent plus vite que dans d’autres pays où parfois, la langue fait barrière. Même si au travers de regards, de gestes, on finit par tous se comprendre. Je pense notamment à l’Éthiopie en vous disant cela. Si je devais citer un troisième pays coup de cœur, ce serait l’Éthiopie, que j’ai tellement aimée qu’à mon retour, j’ai planché avec des amis éthiopiens sur l’ouverture d’un restaurant, le Toukoul ; j’ai travaillé sur la décoration, puis je me suis retiré du projet, juste avant l’ouverture officielle, car je manquais de temps pour m’y consacrer.

En parlant de nourriture, un plat ou une gastronomie que tout le monde devrait goûter un jour ?

J’adore la gastronomie japonaise et les poissons crus. Quand je suis allé là-bas, je logeais dans des ryokans, des auberges traditionnelles. Au petit-déjeuner, on servait du thé vert et du poisson cru. Ce qui a de quoi déconcerter au début. Sauf que j’ai perdu 14 kilos durant mon séjour et j’en suis revenu avec une pêche d’enfer. J’ai décidé à mon retour d’arrêter les croissants et le café (rires). J’aime aussi les repas que l’on partage, comme les couscous au Maroc ou l’injera en Éthiopie, une sorte de grande crêpe à base de tef, une céréale locale, où l’on dépose toutes sortes d’ingrédients.

Avez-vous été confronté à une tradition surprenante ?

J’ai un souvenir impérissable lié au Japon : j’étais allé chez le coiffeur. Ça a duré cinq heures. J’y allais simplement pour me faire couper les cheveux, on me parlait, je ne comprenais rien, mais quatre personnes s’occupaient de moi dont une qui coupait, deux qui ramassaient les petits cheveux qui tombaient avec un pinceau qu’ils passaient sur mon visage, et une quatrième qui m’a fait un massage de la tête, à la fin duquel je ne savais plus comment je m’appelais (rires).

Avez-vous déjà été ému par un site ou un paysage ?

J’ai eu la chance de travailler avec le pilote de Yann Arthus-Bertrand, qui est spécialisé dans les prises de vue aériennes. Une technique qui se perd avec l’essor des prises de vue avec drones. En outre, c’était assez coûteux, à l’époque, on déboursait queqlue 60 000 euros pour une semaine d’hélicoptère ! On se levait à 6 h du matin pour avoir la meilleure lumière. Cela m’a valu l’un des plus grands chocs émotionnels de ma vie. J’ai découvert ainsi le Maroc vu du ciel, la vallée des roses, j’en ai tiré notamment une série de photos sur les casbahs. Ça a été une expérience inoubliable.

Un monument qui vous impressionne ?

Difficile chez nous de ne pas être impressionné par l’Atomium. Sinon, je suis féru d’architecture et j’ai fait une série de photos à New York, que je voulais approcher de manière différente de tout ce qui avait déjà été fait. J’ai beaucoup photographié la ville, de jour comme de nuit. C’est comme cela que j’ai notamment pris beaucoup de clichés du Chrysler Building.

Un coucher de soleil qui vous a marqué ?

Un coucher de soleil sur la place Jemaa el-Fna, à Marrakech, avec la fumée et les odeurs de toutes les préparations culinaires qui flottaient dans l’air.

Un moyen de locomotion insolite ?

Un jour, à Madagascar, on est arrivés devant une rivière infestée de crocodiles. Impossible de traverser avec la voiture. Des gens du village voisin sont arrivés, certains tapaient dans l’eau avec des bâtons pour éloigner les animaux et on m’a mis sur le dos d’un zébu pour passer d’une rive à l’autre.

Vous faites un métier dangereux en fait !

Ça arrive ! La dernière fois que je suis allé à Madagascar, je me suis fait tirer dessus ! Heureusement, j’étais accompagné de légionnaires suisses qui assuraient ma sécurité. Ma prochaine mission devrait m’emmener au Congo, où je dois photographier quelque 3 000 chefs de tribus avec des photographes locaux, et je vous avoue qu’avant de partir, je veux être certain que ma sécurité soit assurée. La dernière fois que j’y suis allé, le garde du corps qui était censé me protéger s’est enfui et m’a laissé seul dans une zone à risques.

Outre votre matériel photo, qu’emportez-vous toujours avec vous ?

Un carnet de voyage, dans lequel je prends des notes... et un stylo ou un crayon. Je continue à procéder comme cela, même si j’utilise de plus en plus mon téléphone.

En images, quelques-uns des portraits noir et blanc capturés au fil de ses voyages :

sergeanton.be ; atelier08.fr

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