Connaissez-vous le design surréaliste ?

Tout le monde connait Magritte et son univers loufoque, mais depuis presque 100 ans, le surréalisme flirte aussi avec la création de mobilier et les objets décoratifs. Un style plein d’humour et de fantaisie ! 

Par Agnès Zamboni. Photos D.R. sauf mentions contraires. |

Alors que le Vitra Design Museum a consacré, récemment, une exposition sur cette thématique et les artistes qui « ont dénaturés, tournés en dérision ou assemblés, en hybrides étranges, les objets du quotidien », le dialogue entre surréalisme et design est toujours aussi vivant. Fondé par André Breton, poète et écrivain français, en 1924, le surréalisme est l’un des mouvements artistiques les plus influents du XXe siècle et il a laissé des traces dans toutes les disciplines de la création. Ses univers oniriques composant un terreau fertile pour puiser des idées neuves et insolites, ont envahi notre réalité. Les tableaux du peintre René Magritte, émule du mouvement subversif Dada et créateur d’un groupe surréaliste belge, nous interrogent sur la différence entre la représentation des objets et les véritables objets. Les œuvres des designers, ont, elles aussi, développé des questions critiques interpellant sur la vérité cachée des choses générée par le créativité et les nouvelles technologies.

Un nouveau regard  

La création se nourrit de rêves, de mythes, de souvenirs d’enfance et de voyages dans l’inconscient et le surréel. On plonge alors dans le fantastique, un monde parallèle et merveilleux où un chapeau et une coupole d’architecture deviennent l’abat-jour d’un luminaire, un champignon, une patère… Depuis les années 1930, où il a fait intrusion dans l’univers des premiers designers, mais surtout à partir des années 1940, le style surréaliste poursuit son chemin avec des créations qui égrainent leurs histoires décalées.

Caisse retournée pour le tabouret pour LC14 de Le Corbusier, table avec pieds en forme de pattes d’oiseau de Méret Oppenheim, il prend différents aspects. Soit il s’empare d’un objet, dans sa forme originale, et le se détourne de sa fonction d’usage courant, après une appropriation du designer, soit il emprunte des éléments à la réalité et façonne une sorte de collage avec une association d’idées pour dessiner une création innovante. Les premiers « ready-made » des designers Achille Castiglioni et  Gae Aulenti font référence au « Porte-bouteilles » ou à la « Roue de bicyclette » du plasticien Marcel Duchamp. Le détournement de fonction des objets et le recyclage accompagnent l’univers du design, sur le modèle du surréalisme dont l’un des fondements est de s’inspirer d’un objet existant pour en faire autre chose. Et là tout est possible… Design organique qui emprunte aux animaux et à l’anatomie humaine, volumes informels en référence aux montres molles de Dali. Objets revisités et réinterprétés, les créations d’essence surréalistes délivrent, de façon plus ou moins évidente, leurs sources d’inspiration, mais toujours avec un sens de l’humour et du second degré qui ne peut laisser indifférent.

Lèvres rutilantes de l’actrice américaine Mae West, d’après une idée originale de Salvator Dali, bouche et œil de Lina Cavalieri, célèbre soprano italienne, figures obsessionnelles de Piero Fornasetti… le corps est souvent coupé en morceaux ou se métamorphose en siège. Ainsi le fauteuil L’Homme de Ruth Francken, réinterprété par Pharell Williams. Tandis que le le fauteuil en cuir Joe des designers Jonathan De Pas et Donato D’Urbino, en forme de gant de baseball surdimensionné, rend hommage au joueur Joe DiMaggio…  

L’Italie à l’honneur

Tous les designers du monde entier ont créé des objets surréalistes. Mais le design italien s’est largement abreuvé à cette veine. Elle s’ouvre avec le Design Radical des années 1970 s’insurgeant contre la standardisation des objets générés par la fabrication industrielle. Puis se retrouve, plus tard, avec bonhommie, dans l’esprit clin d’œil des années 1990 avec la balayette pour WC Merdolino et la boîte Mary Biscuit de Stefano Giovannoni, toujours éditées chez Alessi. Depuis les années 1960, le plastique et ses dérivés ont permis de fabriquer des formes libres à des prix réduits. Leur usage intensif n’est pas étranger au déferlement de l’esprit surréaliste dans les objets de consommation. Porte-manteau façon cactus (forme récurrente pour les vases) géant ou canapé en formes de lèvres XXL, la société Gufram a cultivé l’art sculptural des objets surréalistes commercialisés aux prix de véritables œuvres d’art. Aujourd’hui, le design surréaliste délivre un message poétique et ludique dans un monde où la production minimaliste manque souvent de chaleur. Et parfois ce message n’est pas seulement léger et comique, il peut témoigner d’une réalité dramatique, à l’image du canapé Pack de Gianfranco Binfaré : tout en évoquant le confort idéal d’un canapé contemporain, il nous alerte aussi sur le dérèglement climatique, la fonte de la banquise et le destin tragique des ours polaires !

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