De Mouscron à l'Australie : la vélodyssée de 49.000 km de François Loncke en images

Sans aucune autre expérience que des tours de pédales en Wallonie, le Mouscronnois François Loncke - alias Francis Bike On - a passé plus de trois ans sur sa selle, traversant une quarantaine de pays. Retour sur un long voyage...

Par Nelson Garcia Sequeira. Photos: Francis Bike On. |

Son retour en Belgique en pleine pandémie est passé un peu inaperçu. Et pourtant, c’est un réel exploit sportif que celui réalisé par François Locke, jeune traducteur originaire de Mouscron qui, durant plus de trois ans, a sillonné une partie du globe à vélo. Un défi né d’un rêve, comme nous l’explique le tout jeune trentenaire.

Ce n’est pas commun d’enfourcher son vélo pour relier l’Australie à la Belgique. Un périple qui inspire une question élémentaire : pourquoi ?

Après mes études en traduction (à l’Université de Mons, NDLR), des envies d’ailleurs me titillaient. Je rêvais de découvertes, avant de me lancer dans la “vraie vie”. Malgré un premier stage à Londres, je me cherchais un peu... jusqu’au déclic : j’apprends l’existence du voyage à vélo ! Un copain passionné m’invite par hasard à la conférence d’un Belge qui avait pédalé depuis l’Australie. Cela me semblait impossible, uniquement accessible aux super-héros. Mais son récit m’a illuminé ! Derrière l’épreuve sportive, je devinais l’aventure humaine.

Vous n’étiez donc pas un mordu de bicyclette ?

Pas du tout ! C’était juste un outil de transport et je ne savais même pas réparer une crevaison. Alors, pour me tester, j’ai fait un essai en Wallonie au mois de mars : dix jours sur la selle jusqu’au signal de Botrange ! C’était horrible physiquement... La neige, les douleurs : une vraie galère. Bref, j’avais le moral dans les chaussettes, au point d’abandonner le projet naissant. Mais, étrangement, après une semaine à la maison, le vélo me manquait.

Septembre 2017 : vous partez de Melbourne pour pédaler vers la Belgique. Mais, en chemin, vous déviez...

L’Australie, c’était le rêve dans le rêve : je voulais traverser l’Outback. Je me disais même que si un abandon devait surgir après un mois de voyage, au moins j’aurais découvert ces contrées isolées. Mais... la sauce a pris. Plus les kilomètres défilaient, mieux j’apprivoisais ma nouvelle réalité. J’ai donc suivi fidèlement mon itinéraire jusqu’aux portes de l’Arabie saoudite. C’est là que le doute s’est immiscé : j’allais rentrer directement en Belgique, vraiment ? J’avais un goût de trop peu : le besoin d’un défi plus “exotique” encore pour satisfaire ma quête de l’inconnu. Je bouscule alors mes plans pour bifurquer vers l’Afrique.

Son itinéraire de 49 000 km qui lui a fait traverser 40 pays :

Sacrée décision ! Pourquoi avoir voulu soudain découvrir le continent africain ?

Les mots de l’aventurier Mike Horn résonnent en moi : “Si vos rêves ne vous font pas peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands”. Selon moi, la peur révèle nos ambitions enfouies. Après avoir dépassé la solitude dans le désert australien, les difficultés inhérentes à l’Afrique m’attiraient autant qu’elles m’effrayaient. Cela me fascinait de traverser des zones, comme le Soudan, où la géopolitique s’exprime au quotidien : expérimenter, quitte à en pâtir. Voilà comment, après l’Iran, mon voyage a pris une nouvelle tournure pour se muer en une véritable aventure...

Comment s’organisaient vos journées ?

Contrairement à ce que l’on pense, je ne pédalais pas non-stop (rires). Malgré tout, une routine s’installe dans un voyage au long cours. En général, je dormais sous tente ou chez des locaux. Après un bol de flocons d’avoine, je roulais un maximum le matin, une cinquantaine de kilomètres, pour exploiter au mieux mon énergie et éviter le cagnard. L’après-midi, encore un peu de vélo, mais aussi des visites et des pauses au gré des lieux et des rencontres.

Seul pendant des heures sur une selle, à quoi pense-t-on ?

On peut craindre l’ennui, mais je ne voulais pas trop occuper mon esprit, afin de le laisser vagabonder, et rester aussi attentif à mes sensations et aux interpellations extérieures à ma bulle. Sauf en Afrique, où j’ai découvert le podcast Africa Today pour suivre l’actualité du continent. Sans tomber dans le cliché, c’est effectivement un voyage intérieur qui stimule le questionnement, les idées, les projets, etc. D’autant plus que l’aventure renforce la confiance en soi, comme si, soudainement, rien n’était impossible.

Votre expédition est aussi synonyme de confort rudimentaire. Ce ne fut pas trop difficile ?

Même si je n’étais pas très branché matériel, j’avais initialement emporté trop d’affaires “au cas où” (rires). Je me suis donc délesté au fil des kilomètres : des vêtements distribués en Asie, des médicaments et même mon réchaud, qui est resté au Rwanda. Borne après borne, j’allégeais mon vélo... et mon esprit. Paradoxalement, j’ai trimballé un saxophone de la Chine à la Zambie : une folle histoire d’auto-stop, au cours de laquelle un Chinois m’a commandé l’instrument en ligne sans paiement préalable, avant que je ne le récupère chez lui quelques semaines plus tard. Un autre coup de folie ? Gizela, une petite lapine qui m’a accompagné (parfois illégalement) du Mozambique à la Namibie.

Démystifions le tabou de l’argent. Vous n’êtes ni rentier ni milliardaire...

Vraiment pas ! J’avais des économies, le fruit de deux ans de travail. Tout dépend du luxe que l’on veut s’offrir... Mon père, qui cogérait mon compte bancaire, s’est parfois étonné de ne voir aucun mouvement des mois durant. Je dépensais très peu, entre autres pour dormir. Les plus belles expériences naissent de ces nuits passées à la belle étoile ou dans une famille. D’ailleurs, les contacts avec les locaux sont plus naturels et équilibrés qu’on ne l’imagine. J’ai souvent ressenti le plaisir et la fierté qu’ils avaient à m’accueillir. De véritables moments d’échange et de partage équitable, car j’essayais toujours d’offrir quelque chose (coup de main, nourriture, souvenirs, photos imprimées, etc.).

Que gardez-vous de ces centaines de rencontres ?

D’un simple sourire à un repas partagé, c’est inimaginable, pour le meilleur et pour le pire. En Chine, je me souviens avoir “subi” un appel vidéo avec la mamy de la famille pendant une bonne demi-heure : elle qui s’exprimait en mandarin, moi, avec des gestes ! Au final, le plus important reste la spontanéité. Dans nos villes, on a tendance à s’inhiber, alors que c’est toujours appréciable de s’ouvrir aux autres. Je veux garder cette ouverture, cette humanité, même chez nous : demander mon chemin à un passant, plutôt que de regarder sur Google Maps !

En 2020, le covid met votre voyage sur pause. Comment cela s’est-il passé ?

Je voulais remonter tranquillement le continent africain jusqu’en Belgique en passant par le Congo pour découvrir un pan de notre histoire. Mais j’ai été forcé de descendre de selle en Angola, où je me suis posé quelques mois près de Benguéla. Un arrêt brutal, à cause d’un événement hors de ma portée, qui a eu un impact incommensurable... La sédentarité m’a coupé de mon énergie. Pour la première fois, je sentais une certaine maturité à l’idée de rentrer. De plus, les visas étaient difficiles à obtenir et mon matériel se dégradait. Alors, quand l’envolée des prix des billets d’avion est retombée, j’ai rejoint Lisbonne pour pédaler vers la Belgique.

Comment avez-vous vécu votre retour à la maison ?

Avec énormément de nostalgie, sous la drache nationale. Pendant les derniers kilomètres, le film de mon périple défilait dans ma tête. À proximité du stade de foot de Mouscron (et même sur la pelouse), je me suis arrêté pour m’imprégner des émotions et trouver le courage de franchir le pas de la porte. Rien n’avait changé ! Comme si le temps avait été suspendu pendant mon absence. À cause du covid - ou grâce à lui ? - , mon retour n’a pas été grandiose, mais cela m’a permis de digérer l’événement à mon rythme.

Cette aventure vous a-t-elle transformé ?

Je reste le même, mais j’ai développé certaines sensibilités et acquis la conviction de pouvoir réaliser mes rêves en devenant acteur de ma vie. Cela m’a fait prendre conscience de l’importance de la résilience, de la capacité à relativiser et de l’ouverture. Étonnamment, j’ai remarqué qu’il était parfois plus facile de se confier aux étrangers qu’à nos proches, ce que j’essaie de changer en valorisant davantage ces relations consistantes... Je m’inspire aussi de la devise de l’une de mes plus belles rencontres en Angola : “Lutter pour être, pas pour avoir”.

D’autres grands voyages au programme ?

Des échappées peut-être, mais aucun périple. Quand on est un électron libre pendant trop longtemps, on a parfois la sensation d’être une coquille vide. Un vagabond ! Aujourd’hui, je veux mettre à profit cette énergie née du voyage pour construire du concret et m’engager pour des causes qui me tiennent à cœur. Même si le vélo me démange encore souvent et que la vie sédentaire n’est pas aussi confortable que la selle (rires) !

Découvrez son périple en images :

Retrouvez le compte-rendu des aventures de François sur son blog et son compte Instagram

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