Les mots du monde d'après Gilles Dal : « Glamping »

… Ça y est !  Je vis dans  le fameux “monde d’après”. D’après quoi ? D’après avant, j’imagine. Enfin, il faudrait que je demande. Mais je ne sais pas à qui. Tout est si confus. 
 

PAR GILLES DAL. PHOTO LAETIZIA BAZZONI. |

Le glamping, concentré de “glamour” et de “camping”, désigne… Bon, vous avez deviné. C’est l’avantage de ces néologismes issus de la contraction de deux mots : pas besoin d’être un génie de la déduction pour comprendre instantanément de quoi il s’agit ! Certes, des esprits plus tortueux auraient pu songer à de “glamour pingouins”, ou à la fusion de “glace” et de “dumping”, mais dans les deux cas, on a un peu de mal à voir ce que ça aurait pu désigner. 

Petite question en passant : tant qu’à fusionner des mots, pourquoi ne pas aller plus loin ? Et parler, pour du glamping bio, de “bioglamping” ? Puis, pour du glamping bio nouveau, de “néobioglamping” ? Ensuite, pour du glamping bio nouveau d’envergure, de “hypernéobioglamping” ? Bon, je cesse là mes exemples cocasses ; on a compris l’idée, et je m’en voudrais de trop charger la barque… Même si la tentation est là, je l’avoue (allez, je craque : si on y disposait des tables de ping-pong, pourquoi ne pas parler de “hypernéobioglampingpong” ?) 

Blague dans le coin, cette réconciliation des contraires est très bien : tout un temps, on n’aurait jamais imaginé Marilyn Monroe au camping, mais c’était du temps où le glamping n’existait pas ! Et là, c’est tout un monde qui s’ouvre à notre imagination : Audrey Hepburn dans la file des douches, Ava Gardner participant au concours de fléchettes, Grace Kelly bien à l’aise devant son barbecue… Après tout, tout est une question de mode, et peut-être que d’ici quelques années, il n’y aura rien de plus chic que de boire une canette de bière tout seul dans la rue. Allez savoir. Hélas, je réalise à l’instant l’imposture de ma démonstration puisque, précisément, le glamping n’est pas le camping ! Et qu’un camping glamour, c’est très bien, mais que le camping, c’est la simplicité, l’absence d’artifices, le contact direct avec la nature, c’est-à-dire l’antithèse exacte du glamour. Après, le monde change, et on peut toujours faire évoluer les concepts : il y a bien des savons sans savon, des bouchers végétariens, des cours de spontanéité. 

Cela dit, il arrive un moment où les contraires deviennent carrément inconciliables : de la pollution responsable, ou un fascisme bienveillant, ou une calvitie chevelue… Et il n’est pas toujours facile de savoir si les mots nouveaux sont là pour accompagner des nouveautés, ou pour donner les attraits de la nouveauté à des trucs qui, en fait, existent depuis toujours. Car au fond, si l’idée du glamping a l’air super, pourquoi ne pas parler, tout bêtement, de logements originaux à la campagne ? Telle est ma “billestion” (contraction de “billet” et de “question”).
 

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