Retro Paradise, le bon plan vintage par les Petits Riens

La mode aujourd'hui, c'est mixer pièces neuves et vêtements d’autres époque: seconde-main et upcycling se sont débarrassés de leur connotation ringarde. Visite dans les coulisses du Retro, l’enseigne la plus fashion du réseau des Petits Riens.

 

par Marie Honnay, photos D.R |

Uni idée qui a cartonné 

Lundi, 10 heures 30, rue Américaine à Bruxelles. Devant la porte d’entrée du numéro 101, comme tous les jours, la file s’allonge de minute en minute. Parmi les gens qui attendent patiemment l’ouverture du magasin central des Petits Riens, on trouve des familles en quête d’une machine à laver, de mobilier ou de vêtements pour rhabiller parents et enfants à la veille de la rentrée, mais aussi de jeunes clients plutôt lookés. Ceux-là ne visent pas forcément la bonne affaire. Quoi que. Depuis quelques années, dans certains milieux arty ou bobo, rien n’est en effet plus chic que de décorer son intérieur avec une chaise cannée totalement désassortie au reste du mobilier, mais aussi de s’afficher dans un petit blazer épaulé couleur pêche siglé Céline. Une pièce que de jeunes femmes – les mêmes que celles qu’on peut observer, l’œil rivé sur leur téléphone, pour ne rien louper des looks vintage postés par d’autres modeuses à Bruxelles, Paris ou New York – vont porter avec un vieux Levi’s, probablement vintage, lui aussi. Ce profil de clientes figure, au même titre que d’autres (la costumière de cinéma, la dame plus âgée nostalgique d’une décennie passée ou encore l’étudiant en mode, ravi de dénicher des raretés au rayon fille) au rang des inconditionnels du Retro Paradise, la boutique la plus fashion du réseau des 27 magasins des Petits Riens. Si cette enseigne existe depuis une quinzaine d’années, elle a été ré-inaugurée en version agrandie et modernisée en avril dernier. Enfin « modernisée », tout est relatif. Au Retro, les grands miroirs anciens, les lampes années 50 ou 70, les vases et les bibelots en verre coloré contribuent à créer une ambiance cool et surannée, en phase avec l’offre mode du magasin.

L'équipe

Des défilés à Instagram

Les chefs d’orchestre de ce temple de la hype, ce sont Peggy Van Reeth, responsable de la boutique, et Stéphane Langhendries, son « second ». Formée en création textile, Peggy Van Reeth a développé différents projets dans le domaine artistique avant d’être engagée par Les Petits Riens, il y a 8 ans. Diplômé en stylisme, son complice, a travaillé comme freelance dans le secteur de la déco et comme set designer. Il a aussi orchestré des shootings pour différents magazines. Leur mission : traquer les tendances, suivre l’évolution de la mode et décrypter les envies des consommateurs pour ensuite dénicher les pièces qu’ils vont pouvoir aligner sur les portants du Retro Paradise. Pour remplir cette périlleuse mission, ils ne sont pas seuls. A leurs côtés, on trouve Laura, engagée dans le cadre d’un projet de réinsertion professionnelle pour les épauler dans la gestion quotidienne du magasin. Chaque mercredi, le trio reçoit une dizaine d’énormes sacs blancs directement issus du centre de tri ; des sacs remplis de vêtements et d’accessoires qu’il faut « déchiffrer » (histoire de pouvoir fixer un prix juste, entre quelques euros et environ 500 pour les pièces les plus chères), étiqueter, puis placer en boutique dans un esprit branché et « vendeur ». Si le contenu des sacs est à chaque fois une surprise, Peggy et Stéphane dialoguent au quotidien avec Ana et Valère, les filles de l’ombre, histoire d’aiguiller la recherche de celles qui, dans la montagne de vêtements qui transitent par le centre de tri, sélectionnent les perles vintage destinées à la boutique. Au total, pas moins de 80 trieurs officient à « l’usine » (le centre de tri d’Anderlecht de 9.000 mètres carré inauguré en 2015), mais elles ne sont que deux à traquer les vêtements les plus pointus parmi les dons qui arrivent tous les jours des 4 coins de Wallonie et de Bruxelles.

Chanel, Hermès, Saint Laurent

80% des pièces vendues au Retro ne sont pas griffées, mais au détour d’un portant, vous trouvez parfois de petits trésors : un cardigan Céline des années 80, un foulard Hermès ou encore un petit sac Chanel ou Delvaux en très bon état. Alors que, sur certains sites, ce genre d’accessoires s’écoulent à prix d’or, ceux pratiqués ici restent très doux. Même quand Ana et Valère dénichent une pièce Jacquemus de 2020 ou un haut Louis Vuitton par Nicolas Ghesquière vus sur le catwalk de la marque en 2017, les prix ne s’envolent pas. La mission première des Petits Riens - permettre aux personnes dans le besoin de s’habiller dignement- reste la ligne de conduite du magasin. Et si les modeuses en profitent pour dévaliser certains rayons, rien ne le leur interdit. Il ne faut en effet pas oublier que 80% des actions sociales orchestrées par les Petits Riens (fournir des repas chauds gratuits aux personnes précarisées, des nuitées aux sans-abris dans des centres dédiés ou encore aider des familles dans le besoin) sont financées par les bénéfices de son réseau de magasins. Alors, quand une jeune Parisienne branchée d’à peine 20 ans repart avec deux vestes Chanel d’un coup, personne ne va s’en plaindre. Au Retro, on ne fait toutefois pas dans le name dropping. Si un collectionneur de passage au magasin a parfois la chance de dégoter un sac Delvaux années 60 en croco en parfait état (avec certificat d’authenticité et signature de l’artisan, s’il-vous-plait) pour 400 euros, la majorité des pièces brille plutôt par leur style que par le nom du designer inscrit sur l’étiquette. Et c’est là, justement, que la maestria de Peggy et Stéphane intervient. Car pour donner encore plus de légitimité à ces pièces du passé, y compris les non-griffées, il faut les mettre en scène dans l’espace, mais aussi créer des ensembles, histoire d’inspirer les clients avides de… nouveautés.  

Et quand il s’agit de tendances, rien n’échappe à Peggy et Stéphane. Pendant qu’elle observe méthodiquement les looks des Instagrammeuses férues de vintage, il ne rate aucun défilé. L’engouement des Millenials pour les pièces Céline remises au goût du jour par Hedi Slimane, le retour en grâce des vieilles chemises Ralph Lauren, le buzz autour des années 90, l’esprit de mixité qui s’empare de la mode ou encore l’amour immodéré des jeunes filles pour les blouses néoromantiques : tout les inspire.

Les Petits Riens en bref

Depuis plus de 80 ans, Les Petits Riens mènent différentes actions sociales financées dans leur quasi-totalité par les bénéfices de 27 boutiques belges du réseau. Chaque année, 6.000 tonnes de vêtements sont données (directement dans les magasins, mais surtout par le biais des bulles jaunes), puis triées avant d’être vendues dans les magasins ou recyclés. Les Petits Riens emploient 1.000 personnes au quotidien : 1/3 sont salariés, 1/3 embauchés dans le cadre d’un projet de réinsertion socio-professionnelle et 1/3 bénévoles.   

Les Petits Riens, magasin central et Retro, rue Américaine 101 1050 Ixelles. petitsriens.be

Suivez So Soir sur Facebook et Instagram pour ne rien rater des dernières tendances en matière de mode, beauté, food et bien plus encore.