3 femmes qui ont réussi dans le monde de l'horlogerie

Dans le monde de l'horlogerie, les femmes aux commandes sont encore rares. Mais les choses changent petit à petit. Illustration de cette évolution : trois femmes jouent aujourd'hui un rôle majeur dans le succès de trois belles maisons horlogères. Chabi Nouri est à la tête de Piaget depuis 2017. Caroline Scheufele, partage la Présidence de Chopard, avec son frère Karl-Friedrich. Aletta Stas participe, depuis sa création en 1988, au succès de Fréderique Constant avec son mari Peter.

PAR JEAN PERINI. PHOTOS : D.R. |

Caroline Scheufele, partage la Présidence de Chopard

Vous avez fêté, l’année passée, les 25 ans de la Happy Sport. C’est l’une des montres féminines les plus successful du marché des montres dames et elle n’a pas pris une ride. Comment expliquez-vous ce succès et cette continuité. ?

En 1993, j’ai décidé de concevoir une montre sportive intégrant le concept Happy Diamonds. C’était la première fois qu’une montre en acier était associée à des diamants. Les ”Happy Diamonds” font désormais partie de l’ADN de Chopard et son design est devenu icônique. Le lancement de la Happy Sport remporte immédiatement un grand succès. Depuis, nous lançons regulièrement de nombreuses réinterprétations de ce modèle, qui con- tribuent à cette continuité.

Vous venez de franchir une nouvelle étape importante avec l’introduction du calibre maison. Cet apport important était-il attendu et réclamé par vos clientes... ou plutôt conseillé et suggéré par les maris ? Avez-vous déjà pu en mesurer les résultats?

Les femmes s’intéressent vraiment aux mouvements mécaniques et il était naturel de leur dédier l’un des nôtres. Nous avons vraiment une passion pour l’excellence chez Chopard. Avoir un mouvement pour les montres féminines est devenu une priorité pour mon frère et moi-même, et nous avons tout mis en œuvre pour y arriver. Happy Sport a fêté ses 25 ans l’année dernière. Quelle meilleure façon de fêter cet anniversaire en dédiant un mouvement à cette collection emblématique! C’est un réel plaisir de proposer aux femmes féminité, élégance, modernité et technique.

Vous aviez détecté très tôt cette tendance des femmes à acheter des montres d’homme... dont les chronographes. Cette évolution est-elle toujours d’actualité?

Tout a fait ! Attendez encore quelques mois, vous serez surpris... A Baselworld nous n’avons dévoilé qu’une partie de nos nouveautés pour 2019 !

Vos fonctions et vos charges de co-Présidente de Chopard vous permettent-elles encore d’assumer au quotidien votre rôle de Directrice Artistique ?

Bien sûr ! Je n’ai pas besoin d’être derrière mon bureau pour créer. Cela se produit partout et constamment. Le rôle de directrice artistique fait partie intégrante de mon rôle de co-présidente. J’aime créer et repousser les limites. Mes constants voyages d’affaires m’inspirent énormément. Je rencontre beaucoup de femmes de styles et de cultures différentes, qui peuvent influencer mes collections.

La nature, les fleurs et leurs couleurs m’inspirent également. Pour certaines collections, tout commence par un symbole, comme ”le cœur” pour la collection Happy Heart. Ensuite nous choisissons les matériaux et développons le processus de conception.

Vous avez été l’une des premières femmes à occuper ces fonctions... dans un univers largement dominé par les hommes. Avez-vous souffert de cette situation et pensez-vous que les mentalités évoluent aujourd’hui dans ce secteur ?

Ce n’était pas facile au début ; Ma mère est mon ”role – model”. Elle m’a toujours soutenue. En tant que femme, je pense qu’il est important, dans la société actuelle, que les femmes soient considérées comme égales aux hommes.

Chopard défend le principe de l’égalité des chances pour tous ses employés et offre un environnement de travail exempt de discrimination. Tous les employés ont donc droit à un traitement juste et équitable. Ma devise aux autres femmes est la suivante : faites toujours confiance à votre vision et n’ayez pas peur de prendre la parole et de sortir des sentiers battus. Dirigez avec courage et passion !

Pour conclure : quel est votre ”coup de cœur ”dans les nouveautés que vous venez de présenter à Baselworld. ?

Mon coup de cœur est notre nouvelle montre Happy Sport Oval. Nous la proposons en différentes versions : en or rose, en acier inoxydable et en or rose et acier inoxydable. Ce que j’aime vraiment dans ce modèle, c’est notre bracelet ”Galet”, qui suit les courbes du poignet. Il rend hommage au premier bracelet original de Happy Sport lancé en1993.

Mon coup de cœur dans la collection ”Hommes”, c’est la montre L.U.C Flying T Twin. C’est le premier garde-temps automatique Chopard à abriter un tourbillon volant. Un projet sur lequel mon frère Karl-Friedrich travaille depuis 4 ans. Entièrement développé, produit et assemblé dans les ateliers de L.U.C il représente le mélange parfait d’élégance et de technique. Ce modèle est fabriqué à partir d’un bloc d’or ”Fairmined”, certifié éthiquement. Chopard est aujourd’hui le principal acheteur mondial d’or Fairmined. Depuis juillet 2018, la Maison utilise 100 % d’or éthique pour la production de l’ensemble de ses montres et bijoux. J’en suis très fière !

Chabi Nouri, à la tête de Piaget depuis 2017

Depuis votre arrivée à la tête de Piaget, vous manifestez votre volonté de redévelopper l’un de vos atouts majeurs : la bijouterie! Cette évolution vous parait-elle importante?

La joaillerie a toujours fait partie de l’ADN de la Maison depuis la fin des années 50. C’est à cette époque que Piaget ouvre son premier Salon à Genève où sont présentées ses premières créations joaillière. Elles allient le travail de l’or ainsi que celui des pierres précieuses et ornementales, toujours au cœur du savoir-faire de Piaget.

Dans les années 1990, Piaget crée la collection Possession, destinée à célébrer les moments de la vie. S’en suivront d’autres collections telles que Piaget Rose – hommage à la passion de Mr. Yves Piaget pour les roses dont celle qui porte son nom — ou encore notre toute nouvelle collection Sunlight qui s’inspire du soleil. La joaillerie a donc en effet une place importante au cœur de la Maison, mais nous n’oublions toutefois pas notre héritage et expertise horlogère de plus de 140 ans !

Vous êtes aujourd’hui à la tête d’une marque qui exprime son savoir-faire dans deux univers très proches, mais actuellement en pleine évolution. Pensez-vous que votre savoir-faire en terme de calibres ultra-plats puisse vous permettre de séduire également une clientèle féminine ?

L'expertise de l’extra-plat est ancrée chez Piaget depuis l’origine de la marque, lorsque George Edouard Piaget fournissait des ébauches excessivement fines aux marques de l’arc jurassien. Cet amour pour l’infiniment petit s’est concrétisé par le lancement de notre calibre 9P, en 1957, avec une épaisseur de seulement 2 mm, une sacrée prouesse technique à l’époque!

Et 4 ans plus tard avec le 12P, automatique cette fois avec une micro masse oscillante emblématique en or 24 carats. Très rapidement nous avons proposé des pièces féminines équipées de ces deux calibres excessivement fins. En effet, ces calibres offrent la place à une liberté créative qui ne serait techniquement pas possible avec un mouvement traditionnel plus épais.

En raison de leur grande finesse, ils laissent suffisamment de place pour des cadrans en pierre, dont l’épaisseur peut être plus importante que le mouvement (afin d’éviter qu’ils ne se brisent) ou d’utiliser également des diamants de taille conséquente — tout en gardant à la fin une montre fine et élégante. Encore aujourd’hui, nos calibres exceptionnels permettant une telle créativité sont tout autant appréciés par notre clientèle masculine que féminine.

La clientèle des ”millennials” constitue de plus en plus une cible de prédilection pour votre secteur. Partagez- vous cette importance et pensez-vous disposer d’une offre susceptible de répondre aux attentes de cette clientèle ?

Piaget incarne la créativité, l’innovation et l’audace. La Maison a également une expertise unique de savoir- faire authentique au sein même de ses ateliers amenant ainsi à des créations exceptionnelles et originales. Ce sont exactement ces caractéristiques — savoir-faire et innovation — que recherchent les millenials aujourd’hui! Par exemple, les montres Possession permettent d’exprimer un style qui s’adapte à toute occasion et à la personnalité grâce à différentes couleurs de bracelets interchangeables. Piaget Altiplano s’inscrit dans la tendance actuelle des montres élégantes et raffinées avec des mouvements extra-fins.

Aletta Stas, participe au succès de Frédérique Constant 

Quand le jeune couple hollandais Peter et Aletta Stas annonçait en 1988 sa décision d’implanter, sous le vocable Frederique Constant, une nouvelle manufacture au coeur même de l’horlogerie genevoise, bien peu de spécialistes auraient misé un florin sur les chances de réussite du jeune duo.

Il allait pourtant très vite démontrer combien il maîtrisait parfaitement un art qui fait, depuis des siècles, la réputation des commerçants bataves : celui de jouer sur l’échiquier des affaires... avec toujours un coup d’avance !

Pour mieux marquer le caractère familial de la nouvelle entité, ils réuniront les prénoms de leurs arrières grands-parents respectifs ; Fredérique et Constant ! ”Ma grand-mère avait un caractère bien trempé et savait ce qu’elle voulait! - raconte Aletta Stas - et c’était ce genre de qualités dont nous allions avoir besoin pour faire aboutir notre projet”.

Elle raconte également comment est née la volonté de donner naissance à un type de montres de luxe différent et ce sera leur deuxième coup de maître : ”Visitant pour la première fois la boutique de Bucherer à Genève, nous pensions qu’un nouveau produit avait encore une belle place à prendre : celle d’une montre mécanique élégante et de bonne facture, mais qui reste accessible !”

Autre coup de maître : l’idée du Heart Beat! ”Nous voulions que le possesseur d’une belle montre puisse admirer le battement du mouvement mécanique, sans être obligé de retourner le garde-temps. L’idée était séduisante mais difficile à réaliser. Pour la concrétiser, nous avons d’abord déplacé le balancier et, pour le faire apparaitre, ajouré le cadran.

En 2004, vous avez franchi une autre étape tout aussi audacieuse, pour une marque encore très jeune : la création et le développement d’un mouvement propre, réalisé entièrement dans la maison.

”Compte tenu des moyens limités de notre infrastructure technique, nous avons pensé plus intelligent de faire appel au savoir-faire de deux écoles horlogères particulièrement performantes : l’une en Suisse, à Genève, l’autre aux Pays- Bas. Grâce à l’aide de ces deux institutions, nous avons pu présenter et breveté cette fois, notre premier mouvement Heart Beat manufacture, qui s’étoffera très vite de nouvelles fonctions et connaîtra son apogée en 2008 avec son calibre Tourbillon. Grâce à la compétence de Pim Keslag, notre directeur technique, nous signerons également une autre performance : l’offre pour moins de 8 500 euros d’un très beau Quantième Perpétuel, le moins cher du marché.” Vous avez pris en 2016 la décision de céder votre affaire, avec Alpina, au groupe Citizen.

Quelle sera dorénavant votre liberté d’action ?

”Notre objectif est, d’abord, de sécuriser l’avenir de la société. Nous restons, Peter et moi, à la tête de la manufacture, dont nous avons confié la direction générale à Niels Eggerding, ancien du SwatchGroup, qui assurait jusqu’ici la direction des ventes.”

Suivez So Soir sur Facebook et Instagram pour ne rien rater des dernières tendances en matière de mode, beauté, food et bien plus encore.

Lire aussi :