Birkenstock, le nouveau Prada

Créée en Allemagne il y a plus de 100 ans, cette sandale orthopédique aurait pu rester cantonnée aux pieds des infirmières, sauf qu’elle s’est invitée dans des sphères nettement plus modeuses. Zoom sur une drôle de clapette aux grandes ambitions.  

Par Marie Honnay. Photos D.R. |

Elle est à la fois moche et, disons-le, irrésistiblement confortable. Car chez Birkenstock, on ne plaisante pas avec le concept de qualité allemande. Vous étiez au courant pour les voitures. Sachez que les clapettes made in Rhénanie-Palatinat n’ont rien à leur envier.

Le secret de leur confort ? Le « lit de pied » (ou « Fußbett » en version originale, comme ça, vous savez), c’est-à-dire une semelle intérieure anatomique préformée qui assure un max de soutien.

En pratique, ça veut dire quoi ? Imaginez que vous marchiez pieds-nus dans le sable. Toutes les empreintes que vous y laissez constituent l’essence d’une semelle Birkenstock : coque de talon profonde pour que le pied ne barloque pas comme dans des tongs, renfort au niveau du talon pour muscler vos petits mollets quand vous trottinez, support intérieur et extérieur de la voûte plantaire pour rester ancré dans le sol (toujours terre-à-terre, ces Germains), soutien de l’arche transversale du pied, garant d’une position droite et stable, barre de positionnement des orteils qui restent, ô miracle, bien alignés et surélèvement des bords du lit . Rien à voir avec une invitation à la sieste. Seulement un dernier truc de l’ingénieux Konrad Birkenstock pour favoriser un bon déroulement du pied.

Même aux Oscars

Arizona, le modèle phare de la marque, reste aussi son bestseller. Chouchou des puristes (les aficionados de la première heure) et des hipsters (comprenez : des militants écolos branchés), il se décline en version hommes, dames et kids, en deux largeurs (histoire d’encore augmenter le niveau de confort) et en différentes finitions : cuir, suède, Birko-Flor, une matière synthétique hypoallergénique à l’aspect brillant, ou encore microfibre pour les versions les plus fun.

Enfin, fun : tout est relatif. Une clapette en liège (durable, évidemment, l’autre leitmotiv du label allemand) reste ce qu’elle est : une sandale massive et pas franchement sexy. Pourtant, et c’est là que ça devient intéressant, malgré son look très rustico-rhénan, la clapette la moins glamour du monde a réussi à s‘inviter dans les sphères ultra fashion. Le tournant a eu lieu en 1997. Cette année-là, le créateur américano-cubain Narciso Rodriguez et Paco Rabanne libèrent leurs mannequins de l’enfer du stiletto. A la place des habituels grands méchants talons, ils les font arpenter le catwalk avec une paire de Birkenstock aux pieds. Les modeuses crient au génie et s’approprient la clapette.  Les infirmières auraient pu revendiquer l’exclusivité et les traîner en justice pour plagiat, mais non… Symbole d’unité entre les peuples, la clapette de Konrad Birkenstock est désormais sur orbite. 

Alors qu’elle brille en tant que directrice artistique de Céline, Phoebe Philo la revisite en version fourrure. Rebaptisée « Furkenstock », cette it-shoe lancée en 2019 crée des émeutes chez les fashionistas. Résultat : rupture de stock. Plus récemment, c’est le très chic Pierpaolo Piccioli, directeur artistique de Valentino, qui succombe à la Birkenmania. En février 2019, comble du buzz, sa version de la clapette, intégrée à la ligne 1774, qui regroupe toutes les collaborations avec des designers en vue, s’est invitée à la cérémonie des Oscars aux pieds de la comédienne Frances McDormand. C’est dire ! 

Jouer avec les codes

Professeur responsable du Master Accessoires de la Cambre à Bruxelles, Didier Vervaeren voit dans ce rapprochement la parfaite traduction des fondamentaux de la création mode. « Ce secteur adore jouer avec les codes : le bon et le mauvais goût, le fantasme d’une chaussette qui ressemble à une sandale... Et quand, en plus, les icônes mode en portent, ça donne de la légitimité à l’accessoire au point de créer une certaine identification. Quant au produit en tant que tel, ce qui m’interpelle le plus, c’est son côté No Gender avant l’heure.

A mon sens, c’est certainement ce qui la rend si moderne. Ce qui a pu séduire le secteur du luxe, c’est sans conteste, hormis le côté confort de la sandale, le savoir-faire et l’idéal de tradition qui y sont liés. La fameuse qualité allemande. Dans le monde du luxe, l’idée de transmission des valeurs est fondamentale. » Pour expliquer cette étrange histoire d’amour entre Birkenstock et la mode, Didier Vervaeren précise que les créateurs ont, de tout temps, aimé revisiter leurs classiques et les détourner. « Encore plus quand le produit, c’est le cas de Birkenstock, véhicule des valeurs de durabilité. Détail amusant : lors des interviews de créateurs en backstage, on remarque qu’ils en portent souvent eux-mêmes. »  Birkenstock n’est en outre pas un cas isolé. 

Car comme le rappelle notre expert, d’autres collaborations improbables ont fait le buzz sur le catwalk ces dernières années. « C’est drôle, parce que c’est aussi une marque allemande, mais je citerais Swarovski. Proposer à des designers parfois très pointus de sublimer des cristaux qui brillent très fort et de les rendre branchés, voire même tendance, reste un beau challenge. Je pourrais bien entendu aussi évoquer le rapprochement entre Crocs et Balenciaga, certainement la collaboration la plus extrême de ces dernières saisons. »

birkenstock.com

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