Le Longue Vie, le nouveau resto où la sharing food rencontre les vins nature

À Ixelles, Le Longue Vie surfe sur la tendance “sharing food et vins nature”, qui s’impose en force un peu partout en Europe – et donc aussi chez nous – mais qui surtout marie décontraction et exigence !

TEXTE ET PHOTOS : FLORENCE HAINAUT ET CARLO DE PASCALE. |

On va encore vous parler de sharing food et de vins nature. Mais j’ai envie d’écrire, chers lecteurs, que ce qui ressemblait fort aux goûts spécifiques de Florence il y a cinq ans, est devenu depuis une tendance lourde dans nombre de grandes villes de Belgique et d’Europe (dont Paris et surtout, Marseille), à savoir des lieux où l’on touche parfois à l’émotion, où l’on mange bien, avec des vins certes nature, mais qui sont de moins en moins troubles et de plus en plus “précis”.

En vidéo, voici comment diminuer la quantité de sel :

Cette tendance, qui mêle décontraction et exigence, est parfois mal comprise par certains restaurateurs qui “singent” tant qu’ils peuvent le principe du food to share ou, mieux, des “assiettes à partager”, sans en comprendre l’essence. Cela nécessite avant tout un cador en cuisine, qui sache “maîtriser les cuissons et les assaisonnements”, comme le disent souvent les guides quand ils ne savent plus où classer ce genre d’établissements.

Ce long préambule pour vous dire que non seulement on assume de vous parler de ce type d’établissement, mais que nous en ferons probablement d’autres ! Il y a en effet une vitalité dans la restauration en Belgique, d’Anvers à Liège... qui ne laisse plus beaucoup de place aux grandes maisons (où l’on mange toujours très bien, voire où on vit des émotions), mais où souvent, il faut bien le dire, entre deux envois, on s’ennuie.

Ce longue vie, alors ?

Sur un coin, rue Longue Vie, à Ixelles, là où s’était assoupi un restaurant indien. Une belle terrasse, une rue calme, alors que l’on est à un jet d’huile d’olive de la place Saint-Boniface, un intérieur bric-à- brac très pensé, une bande-son qui ne me fait sentir ni trop jeune et surtout, ni trop vieux (Florence, nettement plus jeune que moi, s’est totalement désolidarisée de cette phrase), une ambiance décontractée, qui pourrait laisser croire à un lieu “juste pour boire un coup”, mais c’est un restaurant, un vrai.

Le serveur-sommelier nous conseille un verre de blanc tendu, qui te met une vraie claque, de la folle blanche de Loire, tu verras, c’est une baffe, avec une belle acidité citrique. De fait, ce vin est frais, citronné et bon (j’aime ce bla-bla de sommelier “jeune”, qui tranche avec le côté ampoulé de certains vieux bougons confits). Je ne sais pas si le vin est “tendu”, en tout cas, moins que l’élastique de mon lycra de yoga après un complet moules-frites-mayo. Florence pouffe, confirmant une loyauté sans faille à mes vannes de chef de cuisine des années 70.

Bon, on mange ?

C’est parti pour une “pêche-burrata” (11 €). Florence aime ça, je me suis laissé faire et, autant le dire illico, ce sera le plat le moins convaincant de la soirée. Non pas parce que je mène une croisade anti-burrata, non, juste parce que les pêches – ce n’est plus la saison – sont trop fermes, que l’huile de feuilles de figuier ne se remarque pas, et que j’aurais bien ajouté deux grains de fleur de sel. Florence me trouve sévère, mais mon auriculaire me dit que la suite va nous réjouir. Un tartare de veau (14 €) rehaussé de colatura (la fish sauce sicilienne, un produit populaire et noble à la fois qui mériterait d’envahir les cartes ; c’est bien plus umami qu’un fromage mou au goût de flotte avec des filaments dedans). C’est très bon : la mouture de la viande est juste, une réussite. Ce tartare, qui regorge de goûts, s’imprime dans les papilles, le plaisir est intense. Les couteaux (16 €) aux dés de saucisson italien piquant sont cuits comme il faut ; on éponge le jus à la cuiller, au pain (excellent), on décèle
à peine un grain de sable. Le chef, Théo Playoust, montre là sa maîtrise, car si le tartare est une affaire de découpe et d’assaisonnement, l’envoi du couteau nécessite une perception à la seconde de l’appoint de cuisson.

Il est temps de changer les assiettes – n’hésitez pas à le demander dans ces restaurants “d’assiettes à partager” –, je déteste manger dans une assiette de plus en plus sale et où les goûts se mélangent. Ceci ne s’appliquant pas à Flo qui lèche en douce son assiette, parfois elle me fait honte.

Un coup de rouge ?

Le sommelier qui aime les claques nous souhaite un Santé, les petits loups ! sur un grenache catalan léger fruité, qui étanche la soif et cause aux papilles. Cette familiarité risque de heurter un peu le bourgeois – je me mets dans la catégorie – mais tout cela est fait avec humour et énormément de gentillesse.

Arrive alors un chou-fleur rôti (13 €). Amis lecteurs, depuis que Yotam Ottolenghi sévit à coups de millions de bouquins, tout le monde sert du chou-fleur rôti. Mais celui-ci est bon, même si Florence, experte en brassicacées rôties, trouve qu’il aurait pu être un peu moins bouilli avant d’être rôti, mais franchement, elle pinaille. Il est servi avec les côtes, en mode “zéro déchet”, j’adore. Un micro reproche ? Les plats sortent un poil trop vite de la cuisine. Du coup, le temps de s’occuper du chou-fleur, on mangera les brochettes d’excellent cochon Kintoa (10 €) un peu tièdes, mais là aussi, on se régale.

Arrive un autre moment mémorable du dîner, la lotte (18 €) en croûte de riz vert soufflé, c’est croustillant dedans, le poisson, cuit à la perfection, est posé sur une sauce bien grasse-salée qui relève l’ensemble ; ça tape fort ! On y décèle de l’estragon, peut-être du basilic thaï, mais clairement, on sait ici ce qu’une sauce veut dire. Dessert ? On partage un gâteau sarde à l’orange confite (10 €). Un dessert de “cuisinier”, sans prétention, mais qui réjouit, surtout quand on plonge le morceau de gâteau dans la chantilly au citron vert qui lui tient compagnie.

Verdict ?

Manon Brotcorne, Stéphane Cornelis et Bruno Pollet, associés au chef Théo, ont certes développé un restaurant qui s’inscrit dans un “genre”, mais ils l’ont, à ce stade, bien réussi. Il est clair que le genre n’a pas fini de prospérer, aussi parce que les plats s’y envolent bien plus que les additions.

En pratique

Où ? 31 rue Longue Vie, 1050 Ixelles

Quand ? Ouvert du mardi au samedi, lelonguevie.be

Ne manquez plus aucune actualité lifestyle sur sosoir.lesoir.be et abonnez-vous dès maintenant à nos newsletters thématiques en cliquant ici.