D'Eugénie à Emilie : l'une des meilleures tables de Wallonie dans un lieu presque caché

Eric Fernez est l’un des meilleurs chefs de Wallonie, mais aussi un restaurateur, avec tout ce que ce terme a de noble. Nous vous avions déjà parlé de sa brasserie, le Faitout. Cette fois, Florence et moi avons poussé la porte de son vaisseau amiral, D’Eugénie à Emilie, parce qu’on avait envie de se faire un Noël avant l’heure.
 

TEXTE : FLORENCE HAINAUT ET CARLO DE PASCALE. PHOTOS : MYRIAM BAYA. |

Un ancien café d’apparence modeste, un écrin tout simple pour ce qui se révélera un petit bijou. Le lieu “ne paie pas de mine” de l’extérieur, mais l’intérieur est chaleureux, accueillant, sans fautes de goût, on s’y sent bien. On est dans un lieu presque intimiste, avec une équipe attentive, réellement sympathique et la présence du chef, très souvent là pour conseiller les clients.

Ce repas s’avèrera une réussite totale, probablement parmi les plus beaux repas de cette année 2023, un vrai cadeau ! Nous sommes ici dans ce qu’il est convenu d’appeler une grande table. Les reconnaissances guidesques, du jaune au rouge, sont éloquentes, et j’y étais déjà venu et ressorti très enthousiaste, alors que les restaurants gastronomiques me font de moins en moins envie, j’avoue. Pareil pour ma partenaire d’écriture, elle me le confirme au moment d’écrire ces lignes. Oui, nous aimons manger et bouger, et nous n’avons ni l’âge (enfin, moi, presque) ni cette envie de rester des heures et des heures à table à parler du “monde qui fout le camp” entre gastronomes confits. Nous aimons des envois rythmés, un peu d’ambiance, de la gentillesse dans le service mais sans raideurs mal placées, un chef qui soit un hôte et qui sache transmettre sa passion par l’assiette, voire même par le verbe. Nous aimons les vins simples et fruités, nous ne buvons pas d’étiquettes.

Dans l'assiette

Nous choisissons le menu à 195 €, 5 services, auxquels le chef ajoute... des ajouts. Il n’est pas avare de petites choses en plus. Chez Fernez, il y a également les “intemporels”, des plats à la carte, pour profiter de manière carrément goulue d’un vrai beau grand plat, d’une belle entrée. Je vous les recommande, même si ce midi-là, pour contenter la partisane du menu, nous avions pris... le menu. De quoi parle-t-on ? De ris de veau sauté à cru, de poulet de Bresse et ses garnitures annoncées comme généreuses ou encore, la truffe Tuber Melanosporum conservée par ses soins, la darne de turbot maousse costaud, ou la fameuse sole “Fernand Point”, version Eric, on va en reparler.     

La carte des vins est immense, le sommelier très compétent, nous choisissons de partir sur un chardonnay du Jura (peu oxydatif) à 76 €, ce que l’on va considérer comme raisonnable, vu le contexte de haute gastronomie dans lequel nous nous trouvons. Haute gastronomie ? C’est là qu’entre en jeu la notion de subjectivité totale. On vous l’écrit souvent, Florence et moi, il ne nous est pas facile de définir le momentum gastronomique. Il peut arriver partout, dans une maison simple, il peut être absent dans une grande maison, il peut arriver et s’évanouir, au gré du repas, parce que l’appétit s’en est allé, parce que l’envoi est trop lent, parce qu’un plat passe à côté, parce que le voisin fait trop de bruit.     

Ce métier de restaurateur, que l’on cherche à faire les meilleures pizzas ou le meilleur ris de veau, est ingrat. Le plus technicien des chefs peut se louper sur ce moment, pour une assiette pas assez chaude, une cuisson légèrement dépassée, un service qui hésite. Ici on est restés perchés, tout du long. Du produit, de la cuisine, de l’équilibre. Mises en bouche parfaites, langoustine cuite à la perfection, petite dégustation surprenante agrémentée par le chef de tagliatelles... de pommes de terre à la truffe blanche d’Alba ; ensuite, la fameuse sole Fernand Point, sans cesse perfectionnée par Fernez, non, pas juste un poisson poché-gratiné tagliatelles, un sommet, parce que ce type de plat peut être ruiné par une sauce trop simple ou trop riche, une surcuisson, bref, un plat de l’éphémère.  

  

Ça continue : ris de veau, compotée de truffe noire, risotto au parmesan, on reste collés au plafond, et on redescend doucement avec le faisan en deux services, dont saucisse de faisan-cochon, un rien plus rustique, mais on aime ça aussi. Enfilade ensuite de pré-desserts, dessert, post-dessert, mignardises... L’appétit avait déjà flanché, mais tout est excellent.    

Verdict

Fernez nous prouve ici qu’il est un passionné, un puits de culture culinaire qui connaît les classiques et les modernes. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises, et je sais que quand il n’est pas à la barre de son restaurant, de ses brasseries, il voyage, il mange, il goûte. Le petit monde de la grande gastronomie (chefs ou gastronomes) est parfois injuste avec lui, on lui reconnaît de grandes qualités de chef traditionnel, mais on ne le considère pas toujours comme un représentant de la grande gastronomie et du luxe qu’elle peut apporter. Parfois on croit, à tort, que la créativité ne fait pas partie de son répertoire. Notre conclusion, arbitrée par notre gourmandise, c’est qu’Eugénie est une très grande table en Belgique, avec sa propre identité, un musée vivant de la cuisine, avec des hommages aux grands anciens et des touches de très grande modernité. C’est clair : c’est ma came, même si nous sommes, Florence et moi, capables de nous enthousiasmer pour des cuisines de tous horizons.

Nous, Noël, c’est déjà fait, mais les cadeaux 2024 arrivent !     

Infos pratiques

1 place de la Résistance, 7331 Baudour. T. 065/61.31.70, eugenie-emilie.be 

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