Le Pigeon Noir : que vaut cet ancien bistrot ucclois auréolé d'une étoile ?

Comme chaque semaine, Carlo de Pascale et Florence Hainaut nous emmènent au resto. Carlo est chroniqueur food et conso, Florence est journaliste. Ils aiment débattre sans fin sur les restaurants avec ou sans menu, les vins avec ou sans sulfites. Bref, ils aiment manger ensemble. 

Texte et photos : Florence Hainaut et Carlo De Pascale |

On est à 7 km de la Grand-Place à vol d'oiseau, à Uccle, partie basse, dans cette vallée un peu humide où se côtoient rues pavées, immeubles d'architectes, vieilles maisons de village et mornes maisons bel-étage. C'est là que se niche Le Pigeon Noir, un ancien café colombophile.

En vidéo, nous vous emmènons dans un autre restaurant bruxellois, au Sanzarù :

Le Lieu

Une rue quasi-villageoise et, sur un coin, le Pigeon Noir. Gentrification oblige, cela fait bien longtemps que le café est devenu restaurant. Nous y sommes allés il y a quelques années, du temps où officiait le père, Henri De Mol, qui depuis 2006 a fait de ce lieu un restaurant cosy, de quartier, en mode chic, mêlant décor de nostalgie et ambiance locale, tables resserrées, cuisine bourgeoise précise. Aujourd’hui, c’est son fils Benoît, directeur de travaux dans la construction récemment défroqué, qui a repris l’affaire, avec la même équipe, dont les serveurs Philippe et Philippe, c’est plus facile, ils peuvent s’échanger les tabliers nominatifs.

Intérieur jour, un vendredi midi. La clientèle est plutôt masculine, même s’il y a aussi des femmes, mais pas aux mêmes tables. Donc, tables de mecs, tables de filles, on est à l’heure du déjeuner, on se dit que le mélange des genres intervient après 19 h. Les clients pourraient être largement les parents de Florence, voire les grands-parents, des grands-parents qui aiment s’amuser, profiter de la vie, même le vendredi midi. Peu de cravates, mais du casual chic à gogo, chemises blanches, pochettes et tweed pour ceux qui ont oublié qu’on est au printemps. Accueil informel, mais pro de Benoît et des deux Philippe, on est ici dans un vieux café, mais c’est devenu autre chose, tout en gardant le décor. Alors, ça sonne vrai ? Oui, ce décor fonctionne, car si l’on emprunte ici une scénographie décalée par rapport à la promesse, la proposition est très (très) gourmande, et donne très (très) envie !

Dans l'assiette

Je commande un Picon-vin blanc, on me propose un Labiau-vin blanc (12 € quand même). Un apéritif amer tellement wallon que presque plus personne ne le connaît. Je suis déjà en quasi-lévitation. Nous commandons une mousse de jambon en mise en bouche (18 €). De fait, c’est une entrée, mais avec ses petits toasts de pain de mie, cette petite touche de madère (ou autre chose qui ressemblerait à du madère), c’est moelleux, c’est doux, c’est bon. Ce moment où le pain croustille et la mousse fond (dans ta bouche) est juste magique. On enchaîne : fondus au fromage (18 €), des vrais qui “goûtent” le fromage ; on en a mangé des croquettes molles et vulgaires depuis des années, là c’est bingo ! Jambon persillé, céleri rémoulade, (18 €) c’est carné, c’est en gelée, pas un truc cent pourcent Florence compatible, mais avec ce céleri, la moutarde de Gand Tierenteyn, la régalade en mode classique sans fausse nostalgie continue. Côte de veau (42 €, oui).

Épaisse, parfaitement saisie, réactions de Maillard en croûte de bonheur, sauce béarnaise montée minute, jus de viande. Je m’envoie un rognon-moutarde (33 €) dont Benoît De Mol m’expliquera qu’il est nettoyé et bien sûr préparé à la commande, pour plus de fraîcheur, l’à-point de cuisson – rosé – absolument parfait. Les viandes sont escortées de pommes allumettes. Légères, elles ne jouent pas ici les vedettes, mais elles résonnent en accord avec le plat. Pour le reste, il y a des… feuilles de cresson. Florence, je te suis, je regretterai la timidité verdurière de nos plats (Benoît, n’hésitez pas à garnir), ce qui n’était pas le cas de la selle d’agneau de nos voisins de table, escortée de légumes, mais sans frites (que les susdits voisins se sont empressés de réclamer !). On boit ? Ce vendredi-là, l’agenda de l’après-midi avait été soigneusement barré d’une grande croix. Donc, un Brouilly de Georges Descombes (oui, Florence, tu vois que bourgeois et nature, c’est compatible) tarifé à 59 €. On se régale (quater). Desserts ? Desserts ! Le sabayon local, au Guignolet Kirsch de chez le même qui fait le Labiau (13 €), excellent, mais très basique dans sa présentation, même pas un petit jeu de textures ou quoi ou qu’est-ce, et une magnifique crêpe Suzette (14 €) qui me donne envie de chanter du Dany Brillant. Nous aurions rêvé qu’on nous la flambe en salle, l’exiguïté des lieux l’empêche certainement.

Verdict

Au final, l’addition grimpe et force est de constater que la clientèle (il faut réserver bien à l’avance) a compris parfaitement le propos du restaurant. J’ai coutume de ne pas prendre en considération les récompenses “guidesques”. Pourtant, on va faire ici un petit disclaimer. Le restaurant a été gratifié depuis des années d’une étoile Michelin, ce qui engendre forcément les réactions du type “Pour un étoilé, il pourrait y avoir des mises en bouche” et autres erreurs induites par une méconnaissance des critères du guide rouge. Si je vous précise cela, amis lecteurs, c’est que nombre de sachants déversent ce type de commentaires sur (bad) Tripadvisor. Ici, lors de notre déjeuner, tout était bon, très bon. Tout cela avait un prix, élevé. Le prix de la gourmandise, le prix d’un petit établissement où il faut jouer des coudes pour réserver, et un peu pour s’installer. Le prix pour se montrer ? Non, le prix pour se régaler.

En pratique 

2 Geleystbeek, 1180 Uccle, lepigeonnoir.be

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