Le sweat belge cartonne

Jusqu’ici considéré comme un vêtement cool et sympa, le sweat-shirt est en passe de devenir incontournable. Gros plan sur les marques belges qui lui donnent un supplément d’âme et une dimension résolument durable.

Par Marie Honnay Photo :@thegoodtee |

Il y a 3 ans, un collectif composé de 5 jeunes Liégeois décide de lancer The Good Tee, une marque de sweater d’un genre nouveau. Petite sœur du groupe Smartex, pro de la personnalisation textile en Cité Ardente, The Good Tee surfe sur la vague des sweatshirts nouvelle génération. « Notre concept tient en trois mots : art, éthique et circuit-court. Lorsque nous avons créé le label, notre idée était de proposer à des artistes (tatoueurs, illustrateurs, DJs…) d’imaginer une capsule à leur nom sans investir d’importantes sommes d’argent dans la création d’une marque de vêtements. Nous intégrons leurs motifs ou messages à notre catalogue. Chaque sweater est ensuite imprimé à la demande. Quant à l’auteur du dessin, il touche des royalties sur les ventes. Cette approche permet de ne pas surproduire, donc d’éviter le gaspillage. Une dimension qui figure au cœur de notre démarche. Pour nos sweaters, nous travaillons avec Stanley/Stella, une société belge spécialisée dans les textiles écoresponsables et certifiés bios »

Depuis son lancement, le concept cartonne. Normal : il s’inscrit dans la tendance des sweatshirts « nouvelle génération » : plus durables, mais aussi plus engagés. Non pas qu’ils véhiculent un quelconque message politique. Disons juste qu’en privilégiant le local et en s’associant à des créatifs en vue, les fondateurs de The Good Tee répondent aux aspirations des consommateurs soucieux de faire cadrer leur dressing et les valeurs sociétales qu’ils défendent. Sans, bien entendu, oublier d’être branchés. Co-créateur du concept, Loïc Dejalle confirme : « récemment, pour aider les groupes de musique en difficulté suite à la crise du Covid-19, nous nous sommes ouverts à des collaborations avec ce secteur : une première pour nous. Nos clients, les hommes tout particulièrement, apprécient. Et pour coller de plus près aux tendances, nous avons réintroduit le hoodie, petit cousin du sweater qui, tendance vintage oblige, fait un carton. Surtout dans des couleurs vintage, un peu délavées. Dans ce registre, on constate en effet un retour en force des capuches bien remplies, garanties d’un look très cool. », précise-t-il.  

Récemment, The Good Tee s’est associé au très branché studio Nomade, mais aussi à Thierry Jaspart, un artiste belge parfois controversé dont les stickers « j’existe » placardés aux quatre coins du monde font le buzz sur la toile. « Ce n’est pas nous qui faisons le succès d’une capsule », précise Loïc Dejalle. C’est l’artiste ou le musicien qui, par son réseau et sa communauté, peut booster la notoriété du sweater. Interpeller, en douceur et avec style : tel est le nouveau crédo du sweater 2.0. Quitte, parfois, à le faire sur la pointe des pieds. Avec Joie, leur plus récent projet, les concepteurs de The Good Tee poursuivent d’ailleurs leur réflexion autour du concept de durabilité en proposant des t-shirts et sweaters organiques dont les messages presque subliminaux s’affichent en toute discrétion, à l’intérieur des manches. 

Mixité exigée

Autre point commun de ces labels branchés : une véritable volonté de mixité. Y compris quand, à priori, le concept est plutôt féminin. Exemple avec Filles a Papa, une marque de prêt-à-porter belge qui a fait de Tomboy, sa collection la plus médiatique depuis le lancement du label en 2010, une griffe à part entière. Avec ce projet bis riche en collaborations très buzz, les sœurs Piron, fondatrices du label, s’inscrivent clairement dans la tendance sportswear, version remasterisée. En témoignent les capsules co-créées avec la dj bruxelloise Charlotte de Witte ou, tout récemment, avec le collectif Colonel & Spit dont le design, l’esprit frondeur et le caractère totalement arty séduisent un public mixte, branché et un rien plus agité que la moyenne.

Idem du côté de David Carette, fondateur d’un label outsider qui n’a pas tardé à s’afficher dans les milieux arty de la capitale. Photographe, scénographe et directeur artistique, ce Belge touche-à-tout est passé maître dans l’art de s’inviter là où on ne l’attend pas. En 2013, il a ainsi lancé Demain il Fera Jour, une griffe ovni dont l’immédiateté du message n’a pas manqué de faire mouche. Plus actuelle que jamais (ne serait-ce qu’à cause de son nom), la marque prend cette année un nouveau tournant. « Si je me défends de véhiculer un quelconque message politique, y compris quand je lance une capsule à la dimension antiraciste (David Carette a notamment créé un sweater qui affichait le message ‘make racists afraid again’, ndlr.), je refuse de me positionner comme une énième marque de sweaters branchées, vide de contenu. Aujourd’hui, certains artistes et créateurs dont je fais partie cherchent plutôt à proposer des produits à la fois durables, interpelant de par leur contenu, mais aussi suffisamment cool pour que les gens aient envie de les porter. « Parce qu’il s’inscrit dans la mouvance ‘comfort wear’, le sweater n’a plus rien d’un produit éphémère », précise David Carette.

En juillet dernier, dans le cadre d’un dossier lifestyle faisant écho à la crise du covid-19 et son impact sur le secteur textile, le magazine Glossy confirmait cette prédiction en soulignant la fin de la mode jetable au profit d’un style cool et confortable qui, parce qu’il est éthique et subtilement engagé, ne passe pas de mode. Toujours selon le magazine américain, cette tendance - boostée par les changements d’habitude de consommation des modeux, lassés des styles aussi prévisibles que périssables - ne connaitrait d’ailleurs aucun retour en arrière. A ce petit jeu-là, il y a donc fort à parier que les rééditions des sweaters marine à imprimé blanc de Demain il Fera Jour - les mêmes qu’il y a 7 ans, année du lancement du label - vont faire un carton. Et pas que cette saison. 

Suivez So Soir sur Facebook et Instagram pour ne rien rater des dernières tendances en matière de mode, beauté, food et bien plus encore.