Boire son vin en canette : une tendance qui séduit de plus en plus

« Sacrilège ! », s’offusqueront d’emblée certain puristes. Et même pour les néophytes, soulever une languette métallique pour déguster son vin rouge semble totalement hérétique. Ne dit-on pourtant pas « qu’importe le flacon… » ? Deux spécialistes du vin nous donnent leur avis sur cette tendance aussi branchée que controversée.

Par Camille Vernin, Photo : D.R. |

Une invention américaine

Le vin en canette, bien que contesté, ne date pas d’hier. En 2004, Francis Ford Coppola lançait « Sofia Mini Blanc de Blancs », du vin californien en canette à boire à la paille, en l’honneur de sa fille qui venait de remporter l'Oscar du meilleur scénario original pour « Lost in Translation ». Il faudra attendre 2013 pour que ce concept très « Napa » s’invite chez nous, lorsque la start-up française Winestar commercialisera les toutes premières canettes de Rouge. Ce qui était vu il y a dix ans comme une innovation plutôt hardie, est aujourd’hui devenu un produit quasiment banal sur nos étales. On passe devant depuis longtemps au supermarché, mais la tendance peine à s’envoler en Belgique et en France.

À l’inverse, les Allemands et les Américains semblent avoir totalement adopté l’idée de boire leur vin dans des contenants en alu. Même combat en Australie ou en Suède. Selon un rapport publié par la firme Straits Research, le marché mondial des vins en cannette devrait atteindre 725,48 millions US d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel moyen de 13%. En France, la canette de vin a connu une progression de 3,2% en volume par rapport à 2021.

Le vin en canette, pour ou contre ?

Alors, coup de génie ou crime de lèse-majesté ? À la question de savoir si l’on peut se permettre de faire une croix ou non sur nos sacro-saintes bouteilles en verre cet été pour se laisser happer par la tendance, plusieurs arguments s’opposent. La première bonne raison d’adopter le vin en cannette, la plus évidente aussi : sa praticité. Comme les softs et les bières, elle s’adapte à toutes les circonstances : pique-niques, festivals, randonnées, food trucks… Par ailleurs, elle permet de rationner sa consommation en évitant de nous faire ouvrir une bouteille entière alors que ce n’est pas forcément nécessaire. On estime qu’une canette équivaut en moyenne à deux verres de vin.

Pratique l’été, pour éviter de boire son vin tiède. « Niveau conduction, c’est génial. La canette se refroidit beaucoup plus vite que le verre et reste fraîche plus longtemps », explique Éric Boschman. Le sommelier belge, qu’on ne présente plus, ne trouve d’ailleurs « aucun côté négatif » au vin en canette, « si ce n’est la barrière psychologique ». Opaque par nature, la canette en aluminium empêche aussi l’oxydation, sans altérer le goût pour autant. Le vin est en effet protégé par un film plastique qui empêche tout contact avec l’aluminium. Exit donc l’idée d’un vin au goût de métal.

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L’expert conseille tout de même d’éviter de boire directement son vin en canette, et de le verser plutôt dans un verre. « On ne boit pas son vin directement à la bouteille après tout », ironise-t-il. Dernier argument en faveur de la tendance, et pas des moindres : elle est plus écologique. La production d’une canette consomme moins d’énergie que celle d’une bouteille en verre. Et son transport émet moins de CO2 car l’aluminum est plus léger. En plus, il est recyclable à l’infini.

Du vin jeune pour jeunes ?

Le vin en canette serait-il donc l’amant ou l’amante idéal.e de l’été ? La petite désinvolture qui va nous faire tourner la tête avant de revenir au réconfortant tire-bouchon ? Sans doute, si l’on en croit Simon Pirard, pas vraiment convaincu par la tendance. « Le vin est un élément vivant qui doit respirer. Or, la canette n’est pas poreuse à l’air. Ces vins en canette ne vieilliront donc jamais, c’est toute la finesse et la subtilité de ce breuvage que l’on perd », affirme le caviste des Vins Pirard. « Ce sont des vins que l’on va conseiller de boire bien frais, or le froid anesthésie les papilles gustatives, c’est pratique », s’amuse l’expert. « Mais ce n’est qu’un avis très personnel bien sûr ».

Beaucoup pointent aussi du doigt l’aspect ultra marketing de cette tendance. Il n’y a qu’à regarder les produits présents sur le marché pour constater que, côté branding, on a mis le paquet. La marque belge The French Kiss Club au packaging hyper désirable en est l'exemple parfait. Couleurs qui en jettent, looks travaillés, slogans et noms accrocheurs… Des objets ludiques qui attirent forcément une génération jeune, frappée par l’aspect pratique, lisible, mais aussi accessible en termes de goûts, avec des cépages adaptés (cabernet d'Anjou, côte de Gascogne…).

Brigitte Després a créé « Robe du vin », des vins en canettes munis de QR codes qui génèrent des vidéos de présentation des vignerons mais aussi des accords met et vin proposés par des chefs. « Une manière d'accompagner le consommateur, et de transmettre une culture du vin qui se perd », postule la sommelière. « Si cela peut les faire changer du rosé pamplemousse, pourquoi pas », réagit Éric Boschman. « Tout est bon pour éduquer à l’alcool, c’est même fondamental. Mais je pense que pour les vieilles personnes qui ne boivent pas beaucoup et qui sont seules, c’est génial aussi ».

Doit-on s’attendre à voir des vins rouges, rosés, blancs, oranges, nature, pétillants en canettes partout en Belgique cet été ? « Nous ne sommes pas un pays néo-consommateur comme les États-Unis. La Belgique et la France ne sont pas très matures sur le sujet, ça fonctionne donc très moyennement. N’oublions pas que le vin, ici, fait encore l’objet d’une ritualisation quasi sacrée ». Envie de tester la tendance pour mourir moins bête ? La marque Canetta vient de débarquer en Belgique, un vin nature servi dans des canettes de 187 ml, soit un verre et demi. Trois choix : rouge, blanc ou orange. Quant aux vignerons, ils sont tous Catalans et travaillent avec des raisins locaux, et avec le moins d'intervention œnologique possible. Pour les trouver, rendez-vous chez le caviste nature Titulus à Ixelles. 

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