Les chefs nomades : la tendance culinaire qui sauve les restaurateurs

Depuis un an, les sorties au restaurant ne font plus partie des habitudes des gens, conséquence directe de la crise sanitaire que nous traversons encore aujourd’hui.  Heureusement, certains chefs tentent de rebondir et de survivre grâce à ce que l’on nomme désormais, « le nomadisme culinaire ». 

Par Anissa Hezzaz. Photos : D.R. |

Puisque vous ne pouvez plus vous attabler aux tables de vos restaurants favoris, certains chefs réinventent les traditionnelles sorties aux restaurants pour nous permettre d’évader nos papilles. Les chefs ont dû se réinventer et se réapproprier les codes de la gastronomie pour tenter de survivre à cette crise, y compris les chefs étoilés qui n’auraient jamais pu imaginer faire de la vente à emporter. 

Et si le take-away a explosé depuis le début de la crise sanitaire, certains restaurateurs se sont rendu compte que cette formule n’était pas à la hauteur de leurs attentes : les plats en barquettes n’ont pas forcément la même saveur, sans parler des dressages des assiettes qui ne tiennent parfois même pas le temps d’un trajet. Pour remédier à cela et en attendant la réouverture des restaurants, de nombreux chefs prennent le pli de vagabonder d’une cuisine à l’autre en n’ayant que leurs couteaux en poches. 

Le chef Valerio Borriero, chef du restaurant San Sablon (le deuxième né des restaurants San de Sang Hoon Degeimbre ), fait partie de ces chefs devenus nomades durant la crise du covid. Comme lui, de nombreux autres chefs n’œuvrent plus dans les cuisines de leurs propres restaurants restés fermés depuis des mois, mais se sont installés de façon éphémère dans d’autres endroits. Depuis le 25 mars et jusqu’au 1er mai prochain, il présente sa cuisine au numéro  38 du Boulevard de Waterloo, à The Hotel, l’hôtel bruxellois situé à deux pas de l’Avenue Louise. Ce n’est d’ailleurs pas le seul : les chefs Toshiro Fuji de chez Toshiro et Kevin Perlot, de VerTige investiront eux-aussi tour à tour les cuisines de ce prestigieux hôtel de la capitale. 

Un chef baroudeur 

Pour nous permettre de vivre un moment « comme au restaurant », ils ont lancé un concept inédit intitulé « Side by Sight », qui comprend un menu 4 services avec accord mets-vins. Ici, vous ne venez plus à l’hôtel simplement pour y dormir, vous venez également pour une expérience gastronomique à part entière. « On propose une expérience unique et exclusive. Le fait d’être dans un hôtel si prestigieux, de bénéficier de cette vue imprenable sur la capitale, de manger dans un « restaurant privatif », différent de la chambre dans laquelle vous dormez: tout cela rend le moment magique », nous détaille le chef Valerio Borriero.  

Cuisiner ailleurs que dans ses propres cuisines demande toutefois de s’adapter, comme il nous l’explique : « 20 étages séparent la cuisine des chambres « restaurant ». Lorsque nous sommes complets, nous accueillons nos invités sur 3 étages différents pour que les mesures de sécurité soient respectées. Nous avons donc dû réfléchir à tout cela dans les moindres détails pour que les cuissons, le dressage et le timing soient respectés pour chaque envoi ». 

Et pour ce qui est de la cuisine aussi, il a fallu faire preuve d’adaptabilité : « Notre cuisine au San Sablon est assez impulsive et spontanée. On travaille beaucoup avec des produits du jour. On a donc dû faire preuve d’anticipation, d’organisation et de réflexion pour que ce que l’on propose soit pratique, bon et juste par rapport à notre philosophie ». Réussir à cuisiner ailleurs que dans son restaurant tout en insufflant l’âme du San Sablon, c’est bien le tour de force qu’a réussi Valério Borriero, pour qui retrouver une vraie clientèle était plus que capitale :  « Financièrement comme socialement ou même psychologiquement: c’est une belle opportunité de souffler un peu », avoue-t-il. « C’est une merveilleuse alternative pour se reconnecter à la clientèle, et aux différents acteurs du milieu gastronomique. C’est une grande bouffée d’air dont tout le monde a un peu besoin en ce moment ». 

Et si le chef a hâte de retrouver son restaurant, poser ses casseroles en dehors de ses cuisines pour partager sa cuisine est quelque chose qu’il continuera de faire : « Travailler auprès d’autres chefs, se mettre au service d’une cuisine qui n’est pas la nôtre, s’enrichir des connaissances et du savoir-faire de quelqu’un d’autre c’est quelque chose d’intéressant et d’inspirant ». 

Une cuisine régressive 

Une mise en pause forcée qui a poussé de nombreux restaurateurs à se réinventer, mais pour le chef Valério Borriero, l’histoire de la covid-19 a surtout été une période de doute et de remise en question  : « Cette année a été une année’introspection, par rapport au sens de notre cuisine, aux valeurs et aux convictions que l’on défend à travers elle(…) On ne peut pas dire que j’ai revu ma manière de cuisiner (…) mais le fait de rester chez nous m’a rendu un peu plus régressif. Ma cuisine aujourd’hui s’inspire beaucoup de mes origines, de mon enfance, de certains moments plus marquants que d’autres … C’est une cuisine de souvenir, de mémoire. » Quant à la façon dont il voit l’avenir de la gastronomie, Valério Borriero le résume en un seul mot « authentique ». « Ce sera une cuisine beaucoup plus vraie, qui traduira de réelles convictions, une cuisine très sensée, plus réfléchie… enfin je l’espère tout du moins. »

Infos pratiquesSide by Sight, The Hotel X San Sablon X Toshiro X VerTige, du 25 mars au 1er mai. Menu 4 services (vin, eau et café inclus) changeant chaque jour + nuitée + petit-déjeuner. Dîners servis les jeudis, vendredi et samedis. Parking gratuit. Prix : 475€ pour 2 personnes. Plus d’infos ici.

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