A la table de la Chambre Séparée de Kobe Desramaults

Il a eu l’étoile, il l’a rendue, elle est directement revenue. Danse avec la star Kobe Desramaults et sa Chambre séparée à Gand.

TEXTE ET PHOTOS CARLO DE PASCALE ET FLORENCE HAINAUT. |

Quand Kobe Desramaults a fermé son resto étoilé In de Wulf, nous nous sommes roulés par terre en pleurant et en criant de désespoir. Cette ancienne ferme au milieu de nulle part (Dranouter) était un endroit unique et ce chef, superstar en Flandre, le genre de personne à qui on confierait notre opération à cœur couvert tant il soigne ses produits et ses plats comme personne. Quelques mois plus tard, Kobe investissait, à Gand, le rez-de-chaussée de l’ancienne tour des RTT.

Du nouveau concept, il ne filtrait pas grand-chose: des réservations qui se font seulement pour une ou deux personnes à la fois, une addition qu’on paie à l’avance, et l’obligation d’arriver à l’heure pile et de manger ce qu’il y a dans l’assiette. On s’était donc imaginé un chef aigri, misanthrope. On a retrouvé un danseur étoile. Sur ce grand comptoir un U, seize couverts seulement. Au milieu, un îlot où le chef et son équipe coupent, cuisent et dressent, et qui agit comme une sorte d’écran de télévision dont il est compliqué de décoller le regard. Au fond, les fours et feux. Au-dessus du grill, des poissons qui sèchent gentiment en attendant de finir leur vie en condiment.

L'assiette

Des petits crabes de la mer du Nord passent à la presse manuelle et finissent en jus corsé, mélangé à de la crème maturée. Premier frisson, le nez dans le bol. Et ça sera comme ça tout du long. Gelée de chou-rave, huile de sésame et caviar : petits cris. Crème de potiron, langoustine fumée, oursin : grands cris. Huître de Zélande, poireaux et châtaigne : ronronnements. Palourdes, choux de Bruxelles, jus de moules au foin : larmichette. Homard de la mer du nord tiédi sur la braise, pomme de terre cuite au lait battu : roucoulements. Tarte de colza, parfait de foie gras, chanterelles d’Ardenne et noix fraîche : cumulets sur le bar. On finira par sangloter d’émotion sur un dessert : la crème d’artichaut et sauce bière stout.  

Et dans les verres ? Un forfait avec de la gueuze Cantillon, du cidre, du sake, du vin nature. Une fête, du début à la fin... Car ce repas, on vous le dit comme on le pense, c’est l’un des plus violemment retournants qu’on ait fait cette année. Voire ces dernières années. Kobe Desramaults a abandonné cette cuisine parfois un brin chichiteuse qui multiplie les ingrédients et les textures, préférant se concentrer sur les produits. Il y en a peu par plat. Et aucun effet de manche. Pas de trompe-l’œil, pas d’espuma, pas de “croquant et gourmand”.

Évidemment, pour ne pas bluffer à ce point, il faut des produits d’une qualité hors du commun et une maîtrise des cuissons qui frise l’obsession. Ce homard, passé deux minutes dans un immense four et refroidi dans de l’eau glacée avant d’être repassé à la flamme, en sait quelque chose. Ici, cuire et fumer, c’est de l’art. Pensées pour ce maquereau flambé au gras de cochon, dont la cuisson était belle comme un feu d’artifice. 

L'addition

Fin de service. Le chef nettoie la cuisine avec l’équipe. On n’en connaît pas beaucoup qui font ça... Chez Kobe, on a eu l’impression d’assister à un ballet parfaitement huilé, sans fausse note. Résultat, le mois dernier, le restaurant a obtenu la fameuse étoile Michelin. Juste reconnaissance pour cette fabuleuse expérience. Mais une expérience tellement sonnante et trébuchante que nous avons longuement hésité à vous en parler. Comptez en effet 210 € le menu dégustation, 80 € le forfait boisson (très, très généreux). C’est beaucoup d’argent. À demander au Père Noël ou pour célébrer quelque chose. Nous, on a fêté notre première année de collaboration pour cette chronique.

Chambre Séparée, 1 Keizer Karelstraat, 9000 Gand. T. 057 44 55 67. www.chambreseparee.be. Ouvert du lundi au vendredi soir.