Le boom des épiceries de quartier

C'est un phénomène en plein essor. Commerces de proximité, cantines bon enfant, boutiques intimistes... Ces derniers mois, les adresses qui revisitent le concept de l’enseigne de quartier à l’ancienne, avec un comptoir et une réelle prise en charge du client, poussent comme des champignons en Belgique. La preuve par trois!

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS : D.R. |

Jusqu’il y a peu, personne ne donnait cher des “petits indépendants”. L’adjectif résonnait même presque comme un appel à l’aide. Dévorés tout crus par les grandes surfaces, ils fermaient leurs portes les uns après les autres. Et puis, il y a eu les scandales qui ont éclaboussé le secteur alimentaire. La Belgique se montre aujourd’hui avide de nouveaux élans citoyens. Lassés de travailler pour des entreprises qui ne partageaient pas ou plus leurs valeurs, de plus en plus d’entrepreneurs ont choisi de donner un nouveau sens à leur vie et un nouveau souffle à leur quartier.

Le Bon, à Rhode-Saint-Genèse 

    Encourager la resurrection du concept d'epicerie de quartier, tel est l'objectif de Gilles et Coralie, un couple de trentenaires bien decide a promouvoir les circuits courts et le bio en mode convivial. Pour ce faire, ils viennent d'inaugurer Le Bon, une epicerie installee a Rhode-Saint- Genese. " Nous habitons le quartier depuis dix ans. Nos enfants y sont scolarises. En discutant avec les autres parents et en nous basant sur notre propre ressenti, nous avons clairement senti un manque ", explique Gilles. " Meme lorsque j'etais enfant, j'ai toujours deteste les grandes surfaces. Je prefere les commerces intimistes. Les bars tabac francais, veritables lieux de rendez-vous, m'ont toujours beaucoup inspire. Lorsque nous avons decide d'ouvrir cette epicerie, nous voulions que les gens n'aient pas peur d'y entrer, qu'ils ne se sentent pas intimides ou rebutes par le mot "bio", qu'ils n'en concluent pas que notre offre est forcement chere. Nous ne voulons surtout pas etre elitistes. " 

    Si Gilles et Coco (le surnom de Coralie) croient dur comme fer a leur concept, ils admettent que le changement des mentalites n'est pas forcement une evidence. "Si la majorite des gens est sensible a notre approche, apprecie de pouvoir poser des questions sur l'origine des produits et retrouve le plaisir de consommer des aliments contenus dans des bocaux en verre ou vendus en vrac, certains mecanismes sont difficiles a enrayer. Une partie des consommateurs bloque toujours sur l'achat local a cause du prix. Difficile pour eux aussi de comprendre que notre offre se limite a ce que les producteurs ont a nous proposer a ce moment-la de l'annee. "

    Le travail du couple consiste donc a informer, rassurer et fideliser. Gilles : " Je mets un point d'honneur a me souvenir du nom des gens. Ca donne une dimension encore plus personnelle a l'achat. Nous avons d'ailleurs place une table dans le magasin. Nous ne vendons pas de plat, ni de boisson. Nous voulons juste que les gens qui en ressentent l'envie s'y posent un moment. "

    www.facebook.com/epicerielebon

    Bistrot Mentin, a Liege 

      Un cafe de quartier convivial et branche est en passe de redynamiser davantage un quartier. Il y a un an, Joris Dubois (originaire de Hasselt) et Johannes Van Der Linden (amstellodamois), deux "immigres" comme ils aiment s'appeler, ont ouvert un cafe en apparence assez simple, mais qui a su seduire un public tres eclectique compose de politiques, ouvriers commercants, artistes, jeunes bobos... Au Bistrot Mentin, on ne devrait en fait pas parler de concept, mais bien d'ambiance, d'accessibilite, de simplicite. Joris Dubois : " Notre comptoir en zinc, nous voulions qu'il ait vecu, qu'il ne fasse pas neuf. Nous l'avons trouve - comme les autres pieces de mobilier - dans la province de Trento en Italie, dans un commerce sur le point de fermer. Ce qui nous interessait, c'etait que les gens puissent tout de suite se sentir a l'aise, qu'ils n'aient pas peur d'abimer le bar. "

      Fraichement arrivee aux commandes du cafe, Laurie, la nouvelle gerante, confirme : " Les gens viennent chez nous des le matin pour un cafe, puis reviennent plus tard dans la journee. L'idee, c'est de creer un dialogue entre les clients. D'ou notre volonte de vendre le verre de vin a 2 euros." Chaque midi, le Bistrot Mentin propose un plat du jour unique, souvent pour moins de 10 euros. Des recettes du terroir, sans chichi et de preference bios et locales. " Notre arrivee a contribue a casser le cote un peu glauque de cette rue ou les gens ne passaient plus. Nous sommes situes a cote d'une collegiale dans un coin typique, charge d'histoire, qu'il etait urgent de redynamiser. Je ne sais pas si c'est parce que nous ne sommes pas Liegeois et que, du coup, nous regardons la ville avec un oeil nouveau, ou parce que nous avons l'un et l'autre beaucoup voyage, mais c'est comme si nous avions vu dans cette rue un petit bijou qu'il etait temps de faire revivre. On dit souvent qu'il faut des cafes pour ramener de la vie dans un quartier. Alors, nous l'avons fait ", conclut Joris Dubois.

      www.facebook.com/BistrotMentin

      Como en Casa, a Liege 

        Dans le coeur historique de la ville, a deux pas de la collegiale Saint- Barthelemy, Juliette Gros-Gean revisite le concept de cantine de quartier. Centre sur une approche 100 % vegetarienne, son restaurant aux airs de grand cafe de village est un hommage a l'agriculture de proximite. A la carte, cette trentenaire engagee et creative annonce d'emblee la couleur. Les producteurs bios et locaux qu'elle a choisis defendent les memes valeurs qu'elle. Comme ces jeunes maraicheres du Jardin de la Fouarge qui cultivent leurs champs avec l'aide de Petula, un cheval de trait et qui, elles aussi, privilegient le commerce de proximite pour distribuer leurs legumes. Dans les marmites de Juliette, mais aussi dans la salle de restaurant flanquee d'une petite galerie d'art, le local et le convivial vont de pair.

        Chez Como en Casa, il regne une ambiance typique des petits restaurants de quartier ou l'on se retrouve le plus souvent en groupe. Rien n'est vraiment cher et tout se partage. On mange, on prend le temps, on echange. La force de ces nouveaux commerces, c'est qu'ils parviennent a faire rimer simplicite et creativite. Au vu des enseignes qui, peu a peu, s'inscrivent dans cette mouvance, on peut en conclure qu'en Cite Ardente, cette approche sans-chichi fait mouche. " J'attache une importance particuliere a la vie de quartier et aux commerces de proximite qui en sont un rouage important ", explique Juliette. " En marge du point de vue commercial, il y a de vraies relations humaines qui s'y developpent. Il y a une entraide et des conseils qui se dispensent avec bienveillance entre commercants. Quant au restaurant proprement dit, c'est son role social qui, pour nous, donne un sens au travail. La richesse des rencontres et les liens qui se tissent nous aident a nous construire et a nous ameliorer. Ce dialogue est primordial."

        www.comoencasa.be

        Mais encore...

        Le concept cartonne. Plusieurs nouvelles epiceries fines ont recemment ouvert leurs portes a Bruxelles, mais aussi a Namur ou a Liege.

        • La celebre epicerie fine de Provence, Maison Bremond a ouvert recemment sa premiere enseigne en Belgique ; en plein coeur du quartier du Chatelain a Bruxelles.

                   www.mb-1830.com

        • A Angleur, Bastien Jehotte a ouvert Chez Garcon, une epicerie fine entierement dedie a l'art de l'apero, qui transformera votre living en bar a tapas, pour le plaisir de vos convives.

                   www.chezgarcon.be

        Il y a fort a parier que le phenomene prenne de l'ampleur, belle nouvelle !

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